Depuis janvier 2012, il ne se passe pas une semaine sans que des Maliens de l’extérieur, des Africains venus de tous les horizons, et des amis du Mali ne se retrouvent, pour échanger et réfléchir sur l’avenir du Mali. Samedi 25 mai, David Gakunzi nous a à nouveau ouvert les portes de la Maison de l’Afrique de Paris pour une cession du Forum international pour le Mali. Alors qu’au même moment, à Addis-Abeba, l’Union africaine célébrait ses 50 ans d’existence, amer a été le bilan social et économique actuel de la plupart des pays africains, laissés aux mains de chefs d’Etat peu scrupuleux, vassaux de l’Occident. À ceux qui persistent à dire que c’est une honte que l’ancien colon, la France, soit intervenu au Mali, il a été rappelé que c’est plutôt une honte qu’aucun pays africain ne soit venu au secours du Mali avant. Il est temps que l’Afrique se sorte du bourbier post-colonial et qu’enfin une Afrique faite par les Africains pour les Africains voit le jour.
La démocratie au Mali n’était qu’une démocratie de façade, puisqu’elle n’a su assurer ni la paix ni la justice sociale. L’Etat tel qu’il était ne peut pas être la solution puisqu’il a été le problème. La crise que traverse le Mali doit être l’opportunité pour la société civile de décider ensemble ce qu’il est bon de faire pour l’ensemble des populations, et de développer l’intérêt de la chose publique chez chacun. Il faut qu’ensemble les Maliennes et les Maliens réfléchissent à ce qu’ils veulent pour eux-mêmes, qu’ils énoncent clairement ce qu’ils attendent des autorités, car les Maliennes et les Maliens savent mieux que personne que c’est le système politique qui a mené le pays là où il se trouve et que c’est ce système qui a échoué. Si on remet le même en place, rien ne changera pour eux. Alors il faut qu’ils pensent à un autre Mali, à un autre système politique, économique et social, qui assurera à chacun, donc à toutes et tous, bien-être et sécurité. Les Maliennes et les Maliens doivent exiger de vivre dans une société débarrassée des fléaux de la corruption, de l’enrichissement illicite d’une minorité au détriment de l’immense majorité, de l’impunité, et de l’injustice sociale qui touche les jeunes alors qu’ils sont l’avenir du pays. Ensemble, ils doivent devenir maîtres de leur destin et sortir le Mali de la posture d’éternel mendiant de l’Occident.
Ils doivent, ensemble, sortir de la théorie, et réfléchir aux solutions concrètes et pratiques pour s’auto-développer et ainsi donner au Mali la place qu’il mérite. L’utilisation et la gestion des promesses faites à Bruxelles, le 15 mai dernier, lors de la conférence des donateurs pour le Mali, leur donnent l’opportunité de réaliser ce qu’ils veulent vraiment. Christian Connan, ambassadeur de France au Mali de 1998 à 2002, craint fort, en effet, que les priorités qui y ont été énoncées pour le Mali ne refondent rien, puisque ce sont les mêmes priorités qu’avant et qu’elles n’ont malheureusement jamais rien refondé, les Maliens n’ayant jamais été consultés. L’agriculture est au cœur du fonctionnement social et économique du Mali, et rien concernant l’agriculture n’est au cœur des priorités des pays donateurs. Ce sont les paysans maliens qui doivent être les chevilles ouvrières de ces projets de développement agricole et non les experts en économie agricole occidentaux.
Il faut que ce qui arrivera des fonds alloués soit co-géré par la société civile locale et régionale et les bailleurs de fonds, pour qu’ensemble, ils évitent au Mali le scandale de l’aide accordée à Haïti. Les plans de développement ne fonctionneront au Mali que s’ils sont enfin en accord avec ce que veulent les populations. Pour cela, il faut qu’elles fassent partie et de la réflexion et de la mise en œuvre, afin que le pays devienne suffisamment fort pour s’opposer aux projets de développement souhaités par « l’internationale», et exigeant pour imposer ce qui est nécessaire aux populations. L’aide au développement ne développera le pays que si elle accompagne les populations dans ce qu’elles veulent pour elles-mêmes, au lieu de leur imposer ce qu’on pense être bien pour elles.
Les Maliennes et les Maliens doivent prendre conscience qu’ils sont comme tous les Africains et comme tous les peuples du monde dans une compétition mondiale, qu’ils doivent y participer en s’occupant de leur pays, et que personne ne doit plus jamais venir faire le Mali à leur place.
C’est certainement aux femmes que cette tâche doit revenir en priorité car, de tout temps, et en toute circonstance, elles ont été les piliers de leurs communautés. Elles savent gérer un budget, veiller à l’équité entre leurs enfants, modérer les tensions, demander à chacun ce qu’il souhaite pour l’avenir, et tout mettre en œuvre pour que cela se réalise. Elles sont au gouvernement de leur famille. C’est pour cette raison que tous les fils et toutes les filles du Mali ont un tel respect pour les mamans. Le jour où les femmes auront les mêmes responsabilités que les hommes dans les sphères politiques et économiques du pays, localement, régionalement et nationalement, le Mali vivra mieux, le Mali vivra bien.
Françoise WASSERVOGEL