Père joseph Tanden Diarra, président de l’Ucb : “La création du ministère des Affaires religieuses va mettre de l’huile sur le feu”

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La création d’un ministère des Affaires religieuses à la demande du Haut Conseil islamique est mal perçue par la communauté chrétienne qui se sent de plus en plus menacée. Dans un témoignage fait à nos confrères en mai pour la première fois, en son “nom propre et pas en celui de l’Eglise catholique”,  le père Joseph Tanden Diarra, prêtre et président de l’Université catholique de Bamako, soutient même que “la création du  ministère des Affaires religieuses va mettre de l’huile sur le feu”.  Une inquiétude par un leader chrétien, le pasteur Cissé, de l’église évangélique baptiste d’Ansongo, qui regrette qu’il faut “devoir attendre encore longtemps avant de pouvoir rentrer chez nous”.

Dans un témoignage fait à nos confrères de RFI, le père Joseph Tanden Diarra, prêtre et président de l’Université catholique de Bamako, a conseillé que “l’union sacrée des leaders religieux doit continuer”  car “nous sommes dans un pays où beaucoup de gens sont peu éduqués, et la religion est un espace très sensible. Récemment, certains titres dans les journaux nous ont fait peur. Ils disaient que le Mujao était en train de prêcher dans les mosquées de Bamako, or ce qu’ils prêchent n’a rien à voir avec l’islam que nous avons connu jusque là. On peut craindre que des petites gens se fassent endoctriner et que cela soit préjudiciable à la paix sociale”.

Evoquant la nomination dans le gouvernement d’union nationale en août dernier pour la première fois dans l’histoire du Mali, d’un ministère des Affaires religieuses et du culte, il ne cache pas son opposition à ce choix et sa peur.  “Je parle en mon nom propre et pas en celui de l’Eglise catholique : je pense que la création de ce ministère va mettre de l’huile sur le feu. Pour moi, c’est une concession faite aux islamistes qui occupent le Nord. On fait un pas vers eux, mais ce pas n’est-il pas porteur de dangers ? C’est la question que les gens qui ont peur se posent “, s’interroge-t-il  avant de regretter ” encore, on l’a appelé « ministère des Affaires religieuses et du culte “, il aurait fallu dire ” des cultes » ! Il faut aussi voir comment cela va être géré. Comment ce ministère va-t-il travailler, avec quelles personnes ? Il y a énormément de dangers, j’ai peur que certains se croient en terrain conquis et fassent n’importe quoi ».

Le père Diarra rappelle enfin que ” le Mali est un pays à majorité musulmane, mais ce n’est pas un pays islamique, qui a choisi l’islam comme religion d’Etat. C’est ce qui a permis à tous les gouvernements successifs d’avoir une approche juste de toutes les religions, et je ne comprends pas pourquoi il faudrait changer ça. Pour moi, ce ministère n’a pas de sens ».

Son sentiment d’inquiétude est partagé par le pasteur Aziz Cissé, de l’église évangélique baptiste d’Ansongo, déplacé dans un centre d’accueil de l’église catholique de Bamako. Pour lui, il faut “bouter les islamistes hors du Mali. Au début, ce sont les hommes du MNLA qui sont entrés dans les villes. Ils prônent la laïcité et nous pensions que leurs revendications politiques ne nous causeraient pas de problème. Mais leurs alliés d’Ançar Eddine se sont rendus dans plusieurs églises de Gao : ils ont enlevé les croix et se sont livrés à des pillages. Ils ont pris des véhicules, des ordinateurs. Ils n’ont pas détruit les bâtiments mais à Tombouctou, ils ont scellé les portes de l’église”.

Il souligne que ” La cohabitation entre chrétiens et musulmans s’est toujours bien passée, dans le Nord comme à Bamako.Nous n’avons pas compris comment les islamistes étaient arrivés dans le Nord. Nous n’avions pas imaginé cela, nous avons été vraiment surpris. Il y avait bien quelques musulmans fondamentalistes, et ceux-là ont cautionné l’arrivée des groupes islamistes. Ce sont des musulmans qui pratiquent un islam populaire “. Le Pasteur s’inquiète que les islamistes ” sont en train d’enrôler et de former des jeunes, là-bas [dans le Nord, ndlr]. Et on se dit que, même s’ils finissent par être chassés, des graines auront été semées. Nous avons peur que certains se mettent à jouer aux kamikazes, à faire comme Boko Haram [secte islamiste adepte des attentats à la bombe au Nigeria, ndlr]. C’est quelque chose qui nous fait vraiment peur. Mais la majorité des Maliens n’approuve pas, ne cautionne pas tout cela. Seuls de petits groupes pourraient se laisser endoctriner “.

Il regrette finalement ” que nous allons devoir attendre encore longtemps avant de pouvoir rentrer chez nous. Je compte sur les autorités pour reconquérir et stabiliser le Nord. J’espère que le Mali et les pays voisins pourront rapidement bouter les groupes islamistes hors du Mali. Avant cela, les chrétiens du Nord ne pourront pas rentrer chez eux”.

Abdoulaye Diakité

 

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