Pauvreté : les déchets pour survivre

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Ils ont élu domicile entre des tas d’ordures, y travaillent en fouillant dans les déchets déversés par les habitants, cherchant d’hypothétiques objets récupérables, pas forcement des objets valeureux dans le sens que vous l’entendez, mais qui puissent leur apporter quelques pièces de monnaie, juste pour leur pitance. Ce sont des hommes, des femmes, des jeunes et des enfants dont la survie dépend de cette fouille quotidienne. Ils n’ont pas besoin de moyen de transport pour quitter le domicile et pour se rendre à leur lieux de travail : ils ont échafaudé quelques abris de fortune et dorment à même les ordures. Cette population marginale existe à Bamako et un peu partout dans les quartiers périphériques ou autrefois périphériques, choisis par les populations pour y jeter leurs ordures. C’est le cas de cette zone des tas d’ordures déversés aux confins de Banankabougou Bollé, qui semble échapper à la gestion de la mairie de la Commune VI, nous poussant à nous interroger si ce maire n’a pas oublié pourquoi il a été élu par les populations.

Sur son passage, la jeune dame jette un regard méprisant aux personnes courbées sur les ordures que viennent répandre les nombreux charretiers venus des quartiers environnants. «Je me demande comment quelqu’un peut s’approcher de tels déchets», fait-elle. Dans ses propos, l’on note une pointe de dégout. Si ce n’est du dégout, c’est de l’indifférence chez les passants. Pour eux, ces regards ne comptent pas. «L’essentiel est de m’en sortir», fait Fanta, l’une des femmes s’activant  sur la décharge.

Tous les jours, la jeune femme d’une trentaine d’années se rend sur cette décharge nichée dans les tréfonds du quartier de Banankabougou. Dès le matin, accompagné de deux de ses plus jeunes enfants, elle remue les déchets dans l’espoir d’en tirer quelque chose de récupérable. Dans sa tenue malpropre et négligée, Fanta farfouille. Dans un sac accroché au bras de son plus grand garçon, elle place les objets moins légers. Les objets en métaux tels des boites de conserve, les objets en verre sont vite récupérés. Ces objets ramassés seront plus tard vendu dans le but de les recycler, informer le ramasseuse d’ordures. «Les fabricants de marmites nous demandent d’apporter les vieilles boites de conserve. Ils s’en servent dans leur confection.» Ses clients, elle s’en va les retrouver dans différents marchés environnants. Elle ne se limite pas à ça. Le plus jeune garçon, d’environ cinq ans est chargé de récolter tout ce qui est tissu. Plus tard, chez elle, elle gardera ce qui pourra l’être. Ils serviront à vêtir ses quatre garçons. Tout comme les métaux, le verre et le bois a ses clients. Les vieux flacons de parfums, de médicaments sont demandés par d’autres jeunes. «Ces jeunes partent les revendre dans l’industrie qui les recycle à d’autres fins», informe-t-elle. Plusieurs heures durant, Fanta se meut dans les tonnes de déchets. Le seul dessein à cette activité peu valorisante, la recherche d’argent. Même si les sommes sont infimes, elles lui permettent de ne pas mendier. «Par jour, je peux gagner jusqu’à 2000 francs.» Grace à cet argent, la dame peut se permettre de ne pas chercher à manger dans les immondices. «Vu que mes besoins et ceux de mes enfants sont moindres, je me contente de cet argent que d’autres ne parviennent pas à gagner.» Même elle répugne d’autres, cette besogne fait l’affaire de Fanta et ses fils. Veuve depuis plusieurs années, Fanta et ses enfants vivent des objets et habits recueillis dans les ordures dont se sont débarrassées les familles.

La décharge comme lieu d’habitation

Plus loin, Moussa,  la dizaine d’années entamée, furète dans le lot de débris. De même que Fanta, lui recherche des habits. Pas pour les vendre cependant mais pour les enfiler, lui ainsi que ses frères et sœurs. De plus, il ramasse les sachets de toutes sortes. Contrairement à Fanta, la famille du garçon a élu domicile auprès de la décharge. Avec les sachets amassés par Moussa, la famille renforce jour après jour la cabane qu’ils se sont confectionnés. En plus des sachets, les gros cartons et les planches de bois sont très prisés pour la confection de cabanes d’habitations. Sur place l’on dénombre quatre à cinq habitations faits de matériaux trouvés dans les objets jetés.  Dans chacun des cabanes vit une famille qui tire ses moyens de subsistance de la récupération des déchets. De jour comme de nuit, hommes, femmes et enfants fouillent dans ces ordures dans le but de les réutiliser ou de les vendre. «Il arrive qu’on en tire de la nourriture consommable.» Cette dernière pratique s’avère très dangereuse. Très souvent des maladies diarrhéiques sont décelées parmi les personnes qui se nourrissent d’aliments de cette provenance. Pire encore, les maladies pulmonaires et respiratoires sont très habituelles parmi ceux qui ont choisi cet endroit comme lieu d’habitation.

Du fait du défaut de tri, certains déchets très toxiques se retrouvent sur les lieux. Les seringues usagées, les morceaux de verres et autres objets dangereux s’y retrouvent. Gouro, le père de Moussa en a fait les frais. Plusieurs fois, il s’est blessé avec ces débris. Pourtant, rien de ceci ne l’inquiète. «Nous vivons dangereusement mais c’est Dieu qui nous protège.» Aujourd’hui encore il n’a effectué aucun test pour déceler une quelconque maladie qu’il aurait pu attraper. Il informe : «Nous souffrons bien souvent d’infection respiratoire, de désordre intestinal, de maladie de la peau, de pneumonie ou même de tuberculose. Le pire est que nous n’avons pas les moyens de nous soigner.»

Dansira Dembélé

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