Depuis quelques années, la question de l’évaluation de l’efficacité des politiques macro- économiques, notamment l’impact de la croissance sur la réduction de la pauvreté est l’objet de controverse. Pour justifier leurs politiques dans les pays en développement, la Banque mondiale soutient l’hypothèse que la réduction de la pauvreté est incontournablement liée à la croissance économique. De ce fait donc, la croissance est jugée pro pauvre.
En outre, les interrelations entre le revenu, l’éducation et la santé sont considérées comme probants. Cette position est réaffirmée dans l’article de Kraay et Dollar : « Growth is good for the poor ».
Selon les auteurs, la croissance bénéficie de la même façon à toutes les catégories de revenu et n’apporte aucune modification dans la distribution de celui.
Cette hypothèse est atténuée dans un papier de Ghura, Tsangarides et Leite (2002) : « Is growth enough ? Macro economic policy and poverty reduction».
Ils affirment que le dernier quintile pauvre ne bénéficie pas forcement des effets de la croissance et que des politiques économiques mal conduites peuvent affecter négativement cette catégorie.
Jean Pièrre Cling, dans une analyse critique du discours de la Banque mondiale sur la politique de lutte contre la pauvreté, met en exergue le conflit qui existe entre la mise en œuvre de certaines mesures de politiques économiques susceptibles de soutenir la croissance et l’incidence de ces mesures sur la situation de certains groupes. Il prend pour exemple, les politiques de libéralisation des prix des intrants agricoles.
Autre exemple, la dévaluation du franc CFA, intervenue en 1994 dans quatorze pays partageant la même monnaie aurait, d’après une étude de DIAL a amélioré les conditions des populations rurales pauvres tout en contribuant à une dégradation chez les pauvres urbains.
A priori, on peut penser que si, à court terme la croissance peut engendrer un déséquilibre entre les différentes couches sociales, à long terme une croissance soutenue tendrait à accroître les niveaux de vie de l’ensemble des ces catégories
Cependant, encore faut-il que les effets de cet accroissement de la production ne soient dilués dans une démographie galopante. Or, dans de nombreux pays en développement, notamment en Afrique, le niveau de la croissance économique dépasse difficilement celui de la croissance de la population qui est de l’ordre de 3%.
En dépit de ces bons résultats économiques (une croissance moyenne de 5% par an), la pauvreté est devenue un phénomène généralisé au Mali : 78 % et 28% de la population totale vivent respectivement dans la pauvreté et dans l’extrême pauvreté. Si la pauvreté est essentiellement rurale, elle touche aussi de plus en plus les grandes villes en raison de la dégradation du marché du travail et des migrations.
L’économie malienne reste encore tributaire des effets des fluctuations de la campagne agricole et des volumes de la production d’or. Cette situation engendre une évolution hérétique de la croissance économique. Les difficultés structurelles de l’économie ont pour noms : instabilité des cours de l’or et du coton et mauvaise gestion de la filière coton, faible diversification de la production, menaces sur la croissance liées aux aléas climatiques
Les conditions climatiques défavorables agissent négativement sur la production agricole qui demeure le principal secteur de l’économie de la plupart des pays africains. Les sécheresses épisodiques dans le Sahel, en Afrique de l’est et dans le nord de la partie sud du continent affectent sérieusement une agriculture encore peu mécanisée et tournée vers la production de produits de base destinés aux industries du nord. Lorsque la production agricole est abondante, les cours des matières premières, dont l’Afrique est le principal pourvoyeur sur les marchés mondiaux, sont erratiques. Ajoutés à cette situation, les conflits et les problèmes politiques que connaissent bon nombre de pays, vous avez une des nombreuses explications du faible attrait du continent pour les investissements directs étrangers (IDE).
Aujourd’hui, au respect des équilibres macro –financiers privilégié par les institutions de Bretton Woods est venu se greffer le souci de réaliser le bien être des populations.
On est ainsi au devant de concept qui nécessite la connaissance du phénomène de la pauvreté. Ceci impose un dispositif de collecte, d’analyse des conditions de vie des ménages.
Ce travail se heurte le plus souvent à la faiblesse du système statistique. Très peu d’enquêtes sont menées et lorsqu’elles le sont, les résultats sont exclusivement destinés aux décideurs. Les analyses effectuées sont de faible pertinence et ne permettent pas souvent d’envisager des mesures de politiques efficaces. Les utilisateurs potentiels et les scientifiques éprouvent des difficultés à y avoir accès pour des raisons politiques, les pouvoirs politiques estimant que les analyses peuvent nuire leur image.
Or, il est unanimement reconnu que la grande lacune des stratégies de lutte contre la pauvreté dans le monde en développement est la faiblesse du dispositif de suivi évaluation. Cette lacune est la résultante de deux phénomènes connus de tous, mais pour lesquels les pouvoirs publics ont peu d’empressement à éradiquer. Il s’agit de l’absence de véritables outils d’analyse de la pauvreté et de la faible pertinence des indicateurs. Ceux-ci sont définis sans relation clairement établie avec les objectifs fixés.
Les indicateurs opérationnels ou d’activités sont les plus privilégiés. Facilement collectés, ils renseignent sur le court terme le résultat d’une action courante. Les administrations rencontrent des difficultés à mettre en place et à mesurer l’incidence des politiques. Une absence de culture d’évaluation et une intégration approximative des différents niveaux des services sont l’origine de cette situation.
Théoriquement, seulement la stratégie de lutte contre la pauvreté devrait définir les objectifs à moyen et long terme axés sur des résultats précis et exposer les politiques macroéconomiques, structurelles et sociales du pays qui forment une stratégie globale pour atteindre ces objectifs. Ces priorités sont inscrites dans un cadre macroéconomique général et dans un budget. L’intégration des objectifs et politiques de lutte contre la pauvreté dans un cadre macro-économique cohérent exige vraisemblablement un processus itératif.
Pour 26 Mars
Alassane BA
Doctorant à l’université de Nantes (France)