Après le 1er tour des élections législatives, la Coordinatrice de la Plateforme des femmes pour les élections législatives sans violence et équitables, Mme Traoré Nana Sissako, a annoncé aux candidates que la Plateforme avait décidé de poursuivre son action en leur faveur.
Elle a donc convoqué une rencontre afin que chaque candidate appuyé par la Plateforme lors du 1er tour des législatives 2013 puisse évoquer les difficultés rencontrées, afin d’envisager d’y apporter des solutions. La rencontre a eu lieu samedi dernier dans les locaux de la Plateforme, dans la cour du Centre national de documentation et d’information sur la femme et l’enfant (Cndife).
Mme Traoré a rappelé que la Plateforme de veille des femmes pour les élections avait été mise en œuvre dans le but d’accompagner certaines candidates, à travers leur formation à la prise de parole en public, un appui direct sur le plan logistique, le recrutement et la formation de cinq coachs sur les techniques du leadership, le team building et les outils de reporting. Ce programme a concerné 30 femmes candidates aux législatives à travers tout le pays.
Outre ces actions spécifiques, la Plateforme a déployé près d’une cinquantaine d’observateurs qui ont observé mille (1000) bureaux de vote dans les cinq premières régions et le District de Bamako. «En prélude au second tour, nous avons une candidate déjà élue et 16 en ballotage» s’est réjouie Nana Sissako. «Au vu des résultats enregistrés, nous y voyons une amélioration du processus organisationnel des législatives par rapport à la présidentielle. L’enjeu fut grand, d’autant que le pouvoir de l’argent a fait ses preuves».
Cette situation risque d’infléchir fortement les résultats attendus et pourrait inexorablement nous conduire vers une Assemblée nationale quasiment sans femmes, ainsi qu’il ressort de l’analyse de Mme Traoré, qui est très critique, eût égard à la qualité des données et informations recueillies sur le terrain, caractérisées par des alliances contre nature, au mépris de l’équité du genre et excluant la possibilité d’accroitre le nombre de femmes députés à l’Hémicycle.
Ces faits expliquent non seulement la faible capacité de mobilisation des partis politiques, mais aussi la démotivation des femmes par rapport à ce scrutin. La construction d’une démocratie réelle, à travers l’implication équitable d’hommes et de femmes et les politiques sectorielles mises en œuvre risque donc d’être de rester une utopie au Mali.
Pour la Coordinatrice de la Plateforme de veille des femmes, c’est donc le lieu et le moment de réitérer à haute et intelligible voix, au Gouvernement et aux partenaires techniques et financiers, la demande de soutenir les femmes, les listes de femmes et les candidates recalées.
Adama Bamba
Elles ont dit :
Mme Sidibé Boiba Soumaré (ex Candidate UM-RDA)
«Le problème? Des spécimens trop chargés et sans photos»
Le principal problème de ce 1er tour se situait au niveau des spécimens, trop chargés et ne comportant pas les photos des candidats, ce qui a été susceptible d’induire certains électeurs en erreur.
Le pire est que la religion a primé lors de ces législatives. Cela constitue in grand danger pour la configuration de notre Assemblée nationale. Il faut que nos autorités mettent fin à l’intrusion de la religion dans les élections au Mali.
En plus de ces problèmes, les délégués ont été mal formés. Il faut que les partis politiques prennent conscience de ce fait. Enfin, les présidents des bureaux de vote étaient souvent corrompus.
Mme Coulibaly Maimouna Dramé (RPM Ségou, qualifiée pour le second tour)
«Des délégués sont devenus assesseurs»
Comme l’a si bien dit la candidate qui m’a précédée, le 1er problème pour moi était relatif aux spécimens, qui ne comportent pas les photos des candidats. Ce fait a désorienté beaucoup d’électeurs dans leur choix. Déjà, à la veille du second tour, nous constatons un comportement maladroit de certaines femmes, qui se recensent les cartes Nina des électeurs et les introduisent dans l’ordinateur. Quel genre de fraude est-ce? J’attire très vite l’attention de nos autorités sur ces comportements suspects.
Comme autre difficulté, nous avons vu des délégués qui se sont transformés en accesseurs, à cause d’une rémunération plus élevée des accesseurs. Ce genre de comportement doit être banni.
Mme Achouri Aicha Belco Maiga (RPM Tessalit, élue dès le 1er tour)
«Je vivais dans une insécurité totale»
J’ai été confrontée à un problème lors de ce 1er tour. N’eût été la Minusma, je vivais dans l’insécurité totale. Je n’ai pas été sécurisée par les forces armées et de sécurité maliennes, mais par la Minusma. C’est pourquoi, je réitère mes sincères remerciements à la Minusma qui m’a sécurisée jusqu’à mon retour à Bamako. Pour cela, j‘attire l’attention de nos autorités sur le fait que nos forces armées et de sécurité n’ont pas fait leur travail.
Mme Traoré Oumou Bocoum (ex Candidate)
«Beaucoup de difficultés»
Les femmes candidates ont été confrontées à beaucoup de difficultés, qu’on ne finira pas de citer, lors de ces législatives .Pourtant, notre pays se réfère au modèle de Commission nationale électorale indépendante du Cameroun, où une liste qui ne comporte pas de femme ne passera jamais.
Comme autres difficultés, il faut qu’on soutienne financièrement les femmes. Les alliances doivent aussi être interdites, car elles défavorisent les femmes .On doit enfin demander à Onu Femmes de transformer la Plate-forme en école.
Oumou Coulibaly (URD Niono)
«Les consciences des électeurs ont été achetées»
Lors de ces élections, j’ai constaté que la mentalité des Maliens est difficile à changer. Nous, n’ayant pas d’argent, nous l’avons avoué à nos populations, et affirmer que plutôt que de l’argent à leur donner, à l’heure actuelle, le Mali avait surtout besoin de changement. Mais, c’est le contraire qui s’est produit. Les femmes étaient emportées par les pagnes, les consciences des électeurs ont été achetées, autrement dit, le choix était porté sur le candidat qui mettait de l’argent en jeu, pas sur le candidat le plus crédible.
Mme Fofana Agnès (CODEM Yanfolila)
«J’ai regretté d’être candidate»
Ma candidature a été confrontée à d’énormes problèmes, j’ai même regretté d’être candidate. La 1ère des choses, c’est que les populations de ma circonscription m’ont ridiculisée au motif que je ne suis pas native du milieu, que je suis venue en «plein midi» et que je prétends être leur député. Alors que si ce n’est pas de là-bas, je ne sais plus d’où, je viens.
Le problème organisationnel m’a aussi affaiblie. J’étais la seule à être au four et au moulin. Les bureaux de vote sont très éloignés des populations. Certains me demandaient même si je pouvais leur trouver un moyen de transport pour qu’ils viennent voter, mais faute de moyens, cela n’a pas été possible. Je demande aux autorités de faire en sorte que les bureaux de vote puissent être rapprochés des populations.
Mme Bocoum Salimata Ouattara (ADP-Maliba Kalabancoro)
«Les femmes m’ont déçue»
Le gros du problème lors de ces élections, c’est les femmes, les femmes… Elles ne songent qu’aux pagnes et au changement. Je n’en veux pas aux partis politiques, mais plutôt aux femmes et aux électeurs, qui m’ont déçue. Certains délégués faisaient sciemment de verser l’encre indélébile sur les specimens. Il faut une vraie violence pour réprimer les auteurs de ces faits.
Mme Dao Aminata Dembélé (APDM-Equité Kalabancoro)
«Elles ne sont ni formées, ni solidaires»
Le problème des élections, c’est toujours les femmes .Elles nous ont montré toutes les phases. Non seulement elles ne sont pas formées, mais elles ne sont pas solidaires non plus. Elles sont juste attirées par l’appât du gain.
Propos recueillis par Adama Bamba