Les volets de la vie politique et de la gestion des conflits sont largement domines par les hommes tandis que les femmes y jouent un rôle de second plan. Pourtant, elles sont les premières victimes des conflits. C’est pourquoi la communauté internationale a élaboré plusieurs instruments juridiques permettant une meilleure implication des femmes dans la résolution des conflits et la reconstruction post-conflit des Etats en crise. Leur implication dans tous les processus de médiation doit également être prise en compte. Votre rubrique « Parole aux femmes » s’est intéressée au sujet.
Aujourd’hui, l’implication des femmes dans la résolution de la crise malienne doit être renforcée afin que leur implication soit plus efficiente et efficace. Mais tout cela doit d’abord passer par leur participation au processus actuel de la transition. Premières victimes des conflits, et constituant plus de la moitié de la population malienne, les femmes ne doivent en aucun cas être exclues de ce processus de transition. Il est essentiel de les associer à toutes les grandes rencontres traitant de la sortie de crise, surtout des processus de transition. Qui connaît le rôle important que jouent les femmes dans notre société, elles ne doivent pas rester en marge de ce qui se passe dans le pays. Elles ne doivent pas non plus demander leur implication : elles doivent tout simplement s’imposer à travers leur savoir-faire. Aussi, des femmes donnent leurs avis sur la question.
-Mme Maïga Sina Damba, ancienne Ministre de la Promotion de la femme, présidente de l’Association de formation et d’appui au développement (AFAD) :
Dans notre Afrique traditionnelle, dans nos foyers, quartiers, villages et au sein des communautés, les femmes ont toujours été là pour renforcer les liens de parenté et de solidarité entre les personnes d’une même famille et au sein d’une même communauté, et au niveau des villages. C’est ce rôle traditionnel dévolu à elle qu’il faut valoriser pour contribuer à la résolution des conflits. Il est nécessaire d’impliquer les femmes pour résoudre les conflits. Dans tous les cas, elles sont touchées quand les conflits éclatent. Il est important que les femmes soient au cœur de tous les processus de médiation et de résolution. Les Nations Unies, à travers des résolutions, insistent sur la nécessité de l’implication des femmes dans la médiation des conflits. Pourquoi le Mali, qui connaît aujourd’hui la plus grave crise de son histoire, ne fait-il pas appel à ce génie d’apaisement, les femmes, pour les impliquer dans la gestion des conflits ? Toutes les organisations féminines se mobilisent aujourd’hui pour revendiquer leur place au sein des structures et organes mis en place pour porter une résolution à cette crise. Le degré de participation des femmes dans le processus de transition doit être le plus élevé et le plus fort. Les femmes doivent être au cœur des organes de transition qui vont être mis en place pour résoudre la crise malienne, même après crise. Les femmes sont attendues à tous les niveaux pour jouer leur rôle. Il faut que les femmes et les hommes du Mali se donnent la main pour la construction du pays.
-Me Diakité Saran Kéita, Présidente du réseau Paix et sécurité des femmes de l’espace CEDEAO :
La participation des femmes dans le processus de transition, tout le monde voit que c’est presque inexistant. Par exemple, dans le gouvernement de transition, sur plus de 30 ministres, il n’y a que 4 femmes. Alors que qui dit transition dit participation effective des femmes. Ce n’est pas de l’aumône que les femmes demandent, c’est leur droit. C’est la Résolution 1325 du Conseil de sécurité des Nations Unies qui nous donne ce droit de participer à la gestion des crises de nos pays. Parler de gestion de crise sans l’implication des femmes est un échec total. Le degré de participation des femmes doit être effectif. Depuis le début de la crise, les femmes sont mobilisées autour du réseau Paix et sécurité des femmes de l’espace CEDEAO, avec l’accompagnement de l’ONUFEMME, pour une sortie de crise. Elles se battent beaucoup dans ce sens. Pour notre participation au processus de transition, nous allons élaborer des documents pour que le genre puisse être pris en compte tout au long du processus.
-Mme Fatoumata Maïga, Présidente de l’Association des femmes pour les initiatives de paix :
Les femmes ne sont pas en train de quémander leur participation dans le processus de transition. C’est un droit pour elles. Les femmes sont des citoyennes à part entière. Quand on revisite l’histoire de notre pays, on se rend compte que ceux qui ont la chance de gérer le Mali ne parlent de culture que quand cela les arrange. Ils ont vu que toutes les politiques où ils ont exclu les femmes ont échoué. Le trou dans lequel on est aujourd’hui, c’est le fait que ceux qui ont toujours le pouvoir de diriger le pays ont refusé de respecter le genre dans la gestion des affaires du pays. Il est grand temps que les uns et les autres comprennent que sans la participation des femmes dans la gestion du pays, on n’ira nulle part car elles ont toujours joué un rôle très important dans la société malienne. Et c’est à cause de la mauvaise gouvernance qu’on est dans cette crise actuellement. Les femmes vont continuer de se battre pour relever tous les défis.
-Mme Barry Aminata Touré, société civile :
Il est important que les femmes soient au niveau des concertations sur la vie politique du Mali parce qu’on ne peut pas avoir un développement réel en y écartant plus de 50% de la population, vu surtout rôle que les femmes sont en train de jouer dans la vie politique, économique et sociale de ce pays. On ne peut pas dire qu’on veut que ce pays aille de l’avant et dire en même temps qu’on va écarter les femmes. C’est le gouvernement de transition qui va gérer toutes les instances jusqu’à ce qu’il y ait un renouvellement des instances politiques. Pendant cette transition, il y aura des choses très importantes pour le développement économique et social du pays. Les femmes ont leur mot à dire. Il faut qu’on prenne en compte la voix des femmes dans la gestion de la vie politique et économique et leurs préoccupations dans le processus politique. Il est aussi important que les femmes soient au niveau des négociations, des concertations et du processus de transition, même au-delà. Cela fait longtemps que nous sommes en train de demander un quota. Les hommes sont plus stratégiques et ont plus de moyens financiers que nous. Mais avec notre force et leadership, nous allons agir pour qu’il y ait un changement. Nous pensons que ce changement aura lieu. Nous allons demander au moins 30% des femmes dans toutes les instances politiques de la transition. Cela va nous amener à la prise en compte du genre dans un prochain avenir. Il faut l’équité des chances entre hommes et femmes.
-Mme Kéita Mariam Touré, Consultante indépendante :
On a constaté que dans le processus de transition, la problématique est que les femmes sont peu représentées et y participent donc peu : le constat est général. Aujourd’hui, on doit tout faire pour améliorer cette participation. Je pense qu’on doit se focaliser sur cela afin de permettre aux femmes de jouer pleinement leur rôle dans la résolution de la crise.
Salimata Fofana