Parole aux femmes : Excision : les avis divergent concernant cette pratique

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«Tolérance zéro aux MGF/Excision : les communautés s’engagent pour la lutte contre la pratique de l’excision». Tel est le thème de la Journée internationale de lutte contre la pratique des mutilations génitales féminines/excision, célébrée chaque 6 février depuis 9 ans avec l’objectif de contribuer à l’abandon de la pratique des MGF/excision sur toute l’étendue du territoire.
Longtemps restée un sujet tabou, car elle touche l’intimité de la femme et de la petite fille, la question de l’excision est de nos jours abordée sans complaisance, même si les avis sont souvent partagés à travers de chaudes discussions autour de la question. «Les mutilations génitales féminines/excision désignent toutes les interventions aboutissant à une ablation partielle ou totale des organes externes de la femme ou toute autre mutilation des organes féminins pour raisons culturelles ou autres et non à des fins thérapeutiques» : telle est la définition que l’Organisation mondiale de la santé (OMS) donne à l’excision. Il a été constaté que parmi toutes les pratiques traditionnelles nuisibles à la santé de la femme et de la petite fille, l’excision demeure la plus répandue, avec un fort taux de prévalence de 85% chez les femmes de 15 à 49 ans, selon l’EDSM-IV 2006 et 84 chez les femmes de 0 à 14 ans selon l’enquête nationale sur l’excision réalisée par le ministère de la Promotion de la femme à travers le Programme national de lutte contre l’excision (PNLE) en 2009. Selon les spécialistes, elle constitue un grave danger pour la santé sexuelle et reproductive, et ses conséquences sont aussi psychologiques qu’économiques.  L’engagement des pouvoirs publics pour l’abandon de l’excision s’est poursuivi par la création du PNLE en 2002. Votre rubrique  «Parole aux femmes» est allée «à la pêche» des avis en rencontrant des actrices de la lutte contre l’excision.

-Mme Keïta Joséphine Traoré, Directrice du PNLE :  
La question de l’excision est une question sensible parce qu’elle touche l’intimité de la femme et de la jeune fille. C’est une question délicate et  difficile à traiter. Quand même, nous arrivons à contourner certaines difficultés et certains obstacles parce que nous, nous croyons à ce que nous faisons, parce qu’il faut la sensibilisation et continuer  le travail pour que les gens puissent abandonner cette pratique. Le Mali n’a pas encore de loi nationale qui interdit la pratique de l’excision, mais il y a des lois locales et communautaires, parce que chaque fois qu’un village ou une communauté veut abandonner l’excision, ils ont des conventions dans lesquelles ils ont prévu des sanctions. Au niveau national, il n’y a pas de loi spécifique qui punit ceux qui pratiquent l’excision.  Depuis 2003, le Comité interafricain de lutte contre les pratiques traditionnelles néfastes a décidé, avec les délégations du monde entier, de consacrer la Journée du  6 février Tolérance zéro aux Mutilations génitales féminines (MGF). Le 16 novembre 2012, à la 67è session des Nations Unies à New York,  une Résolution a été votée qui engage les Etats, le système des Nations Unies, la société civile et tous les acteurs concernés à continuer de célébrer le 6 février Tolérance zéro aux MGF, autrement dit, Journée internationale de lutte contre les MGF/excision, et à saisir l’occasion pour intensifier les campagnes de sensibilisation afin de prendre des mesures concrètes contre les MGF. Nous avons organisé beaucoup de cérémonies consacrées à l’abandon de l’excision.  Au jour d’aujourd’hui, 543 personnes ont abandonné la pratique de l’excision.

-Mme Haïdara Bernadette Keïta, PNLE :
Au Mali, bien que le taux soit élevé avec tout ce qu’on fait comme travail, on est sûr que dans dix ans, l’excision va  considérablement diminuer parce que les médias et la société civile s’y mettent. Pour lutter davantage contre l’excision, il faut donner l’information aux gens sur la question. Il faut aussi que le ministère en charge de cette question soit appuyé par les hommes de médias. S’agissant des progrès enregistrés dans la lutte contre l’excision, il y a beaucoup de villages qui ont abandonné cette pratique et où les malades sont pris en charge par le département.

-Mme Sidibé Kadidia Aoudou, Présidente de l’Association malienne pour le suivi et l’orientation des pratiques traditionnelles :
La lutte contre cette pratique n’est pas une lutte facile parce que c’est une culture qui a duré pendant des siècles. Mais ce n’est pas pour autant qu’il faut se décourager. Je crois qu’avec une vraie information, les communautés arrivent à comprendre et l’abandonner. Nous avons beaucoup de chance par rapport à cet abandon. Par exemple, les  ressortissants de Kayes qui vivent à Paris et en Amérique ont énormément de problèmes par rapport à cette pratique. Aujourd’hui, c’est eux-mêmes qui veulent avoir des informations par rapport à cela. Chaque année, j’ai un programme avec eux. En France, en  Espagne et en  Amérique,  je rencontre ces ressortissants, on parle et on  discute sur cette pratique.  De plus en plus, ils ont l’information. Pour lutter contre cette pratique, il faut faire des plaidoyers à travers des argumentations fondées et concrètes.

-Mme Kadiatou Doucouré, Radio Guintan, «La voix des femmes» :
Aujourd’hui, on peut dire que l’excision est une ancienne pratique qui date de longtemps. On dit que c’est une ancienne coutume, mais qui nuit à l’intégrité physique de la femme. On doit  donc carrément abandonner cette pratique. C’est en sensibilisant et en donnant des informations qu’on arrive à lutter contre cette pratique. J’invite ceux qui pratiquent l’excision à  faire tout pour l’abandonner. C’est une atteinte à l’intégrité physique et aux droits des femmes. A ceux qui ont abandonné la pratique, je leur dis de s’associer aux autres acteurs pour une large sensibilisation de la population. Nous qui sommes des médias, tous les jours, nous animons des émissions d’information, de sensibilisation et de plaidoyer sur la question.

-Fanta Coulibaly, CAFO :
La lutte contre cette ancienne pratique est une lutte de longue haleine. Cela nécessite l’implication de toutes les composantes et couches  de la société pour aboutir à l’abandon total de l’excision. Il va de soi que la communauté malienne s’engage pour qu’on puisse obtenir l’abandon total de cette pratique. Le meilleur outil pour lutter contre l’excision, c’est la sensibilisation. Il faut informer et sensibiliser la population parce qu’on s’est rendu compte qu’au Mali, tout ce qu’on exige n’est pas opté et la population ne le partage pas. Alors que si on les sensibilise et les informe  des multiples conséquences de cette pratique, elle est censée comprendre et d’y mettre fin. Chacun doit s’impliquer en faisant sienne cette lutte contre l’abandon de l’excision. D’aucun a sa pierre à apporter. Nous le devons pour le bien-être familial, de nos filles et fils dans l’avenir.

-Mariam Namoko, Helvetas Suisse inter coopération, Programme de soutien aux initiatives locales de lutte contre l’excision :
Le bilan de la lutte contre l’excision est assez satisfaisant. Cela fait très longtemps que la lutte est menée sur le terrain et au niveau central. Compte tenu de l’ampleur  du phénomène, c’est un sujet qui ne peut pas être facilement traité pour que l’abandon puisse suivre rapidement. Mais avec les processus qui ont été engagés par l’ensemble des acteurs, et avec l’Etat malien accompagné par les partenaires techniques et financiers, je pense que des progrès intéressants sont en train d’être faits. Aujourd’hui, le débat se socialise autour de l’excision. Cette levée de tabou sur l’excision est très importante en matière d’information sur cette pratique.
Salimata Fofana

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