Le fait saillant de la présente session est, sans nul doute, le nombre important des infractions de crimes de sang portant sur des cas d’assassinats, coups mortels, infanticides, qui s’élèvent à 70 affaires. Ce qui ne manquera pas, d’ailleurs, d’attirer l’attention du Procureur général près la Cour d’appel de Bamako, Daniel Amagouin Téssougué, qui dans son réquisitoire a livré une réflexion sur notre société dont on observe avec grande tristesse la déliquescence.
Faisant une lecture rapide du rôle des affaires inscrites à cette session, Téssougué affirme que le Mali est une société avec une propension à la violence. De son constat, cette session connaitra très majoritairement des crimes de sang dont 70 affaires portant sur des assassinats, des coups mortels, des infanticides. A cela s’ajoutent des infractions contre les biens, contre les mœurs et des infractions en bande. Selon lui, la répression a tout simplement montré ses limites dans la mesure où, tant que les Maliens croiront qu’il faut avoir des relations pour freiner l’action judiciaire et que ces bras longs joueront le jeu, non seulement elle restera lente, mais aussi le bilan de cette traque sera en deçà des espoirs. Dans la même lancée, il se pose la question de savoir combien sont-ils à laisser passer la justice quand ils ont un frère, une sœur, un proche qui se trouve impliqué dans une procédure. « Oui, on veut que la loi s’applique ! Mais aux autres. Combien d’interventions par jour un magistrat reçoit ! Je le dis avec conviction : vous voulez que la justice marche avec sérénité, alors laissez les magistrats traiter les dossiers, sans aller voir les notables (chefs religieux, chefs de quartiers ou de village, griots, ministres, députés, etc.) », recommande-t-il.
Pour pouvoir lutter efficacement contre la délinquance sous toutes ses formes, créer la confiance entre acteurs de la justice et citoyens, le Procureur général a souhaité qu’il faille y mettre les moyens, car la Justice, selon lui, évolue avec le minimum de moyens mis à sa disposition. A l’en croire, la science doit être au chevet de la justice, pour éviter des errements. « Il est regrettable de constater que les services dédiés à la Justice soient démunis. Presqu’aucune unité d’enquête n’est capable d’assurer une mission hors de son siège. S’il ne manque pas de véhicule, celui-ci est en mauvais état et/ou il n’y a pas de carburant. La justice, quant à elle, se débat dans un manque quasi ridicule de moyens. Quand le juge ne peut qu’adresser un courrier manuscrit, parce que même la machine à taper (véritable pièce de musée) est en panne ; quand le courrier officiel, faute de budget, est assuré par le bon soin des transporteurs, que je salue ici; quand certains soirs, faute de lumière, le tribunal est obligé de s’éclairer à la lumière de la torche afin de terminer son audience, etc. Que dire ? Nous voulons lutter contre le crime ? Qu’on y mette les moyens», conseille D. Téssougué.
Ce qu’il faut revoir
Il y a plus d’un an, le Mali a adopté la loi n°2014-015 du 27 mai 2014, portant prévention et répression de l’enrichissement illicite. Pour le procureur général, si le Mali veut que cette lutte prospère, il faudrait revoir fondamentalement certaines dispositions constitutionnelles pour garantir l’égalité de tous devant la loi et permettre la saisine facile de la Justice. A ce titre, il propose d’abord l‘obligation de publication du patrimoine des responsables politiques. Le rôle de la Cour Suprême ne devrait pas être passif, mais actif ; en vérifiant la crédibilité de la source des biens ainsi que la sincérité des déclarations. Des conséquences devront être tirées des fausses déclarations. A cela s’ajoute l‘abrogation des immunités et autres privilèges de juridictions pour les ministres, députés, gouverneurs, magistrats, etc. tous doivent être justiciables des mêmes juridictions que le comptable, le commerçant, etc. En outre, D. Téssougué recommande l‘application immédiate de la loi sur l’enrichissement illicite en corrigeant les obstacles qui s’y opposent. Autres dispositions à revoir est, d’une part, l‘obligation de recevabilité pour tous ceux qui gèrent une portion des ressources publiques ainsi que l’obligation de rendre publiques des rapports de chaque agent soumis à cette obligation, et, d’autre part, la publication des futures nominations des agents publics aux postes stratégiques, afin d’éliminer ceux qui se sont compromis par une gestion calamiteuse ou une incompétence notoire. L’autorité de nomination qui passera outre les observations sera comptable au même titre que celui qui commettra la faute.
Ibrahim M.GUEYE
Les problèmes sont connus, les solutions sont toutes trouvées mais si le chef de la magistrature suprême n’est pas de bonne foi.
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