Osons le dire : Le temps de s’indigner

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Il portait le rêve des centaines de millions de damnés de la terre. Un rêve d’équité, d’égalité, de liberté, de justice et de solidarité. Et il a réussi à redonner espoir à des millions d’entre eux avant de s’éteindre le 27 février dernier à Paris (France).

Stéphane Hessel, il s’agit bien de lui, s’en est allé dans la dignité et le respect de toute l’humanité. Né un 20 octobre 1917 à Berlin (Allemagne), il a été l’infatigable signataire de pétitions en faveur des causes qui lui tenaient à cœur. Il s’agit notamment de la lutte contre la pauvreté, la défense des Palestiniens ou celle des Sans-papiers… Ce diplomate amateur de poésie s’est engagé jusqu’à la fin de son existence à travers son texte «Indignez-vous» ! (Indigène, 2010), dont le retentissement fut mondial. La philosophie peut être aussi très utile aux Maliens pour bâtir le Mali nouveau ! Stéphane Hessel avait tout d’un sage africain. Son parcours et sa philosophie rappellent les Amadou Hampâté Bâ (1900-15 mai 1991 à Abidjan, Côte d’Ivoire), Sotigui Kouyaté (19 juillet 1936-17 avril 2010). D’ailleurs, il rejoint beaucoup ce dernier sur le combat de l’affirmation de l’être, de l’engagement contre le complexe culturel et des fléaux comme l’acculturation. Pendant, une grande partie de sa vie, Sotigui a exhorté les Africains à ne pas céder à la résignation, à l’indifférence par rapport à leur propre sort et à celui de leurs pays, d’Afrique. Ce refus de la résignation rejoint l’indignation prônée par Stéphane Hessel, ces dernières années. Dans son livre «Indignez-vous», il rappelle le programme élaboré par le Conseil national de la Résistance en France, dont certains points mériteraient d’être réactivés. Cette œuvre pour les victimes du capitalisme et de la mondialisation à se frayer, entre les idéologies communiste et néolibérale, un passage à la vraie démocratie fondée sur la majorité populaire. Il faut rappeler que l’Afrique n’a pas été occultée dans les luttes menées par Stéphane Hessel. Ne serait-ce que sa prise de position en faveur des Sans-papiers réfugiés dans l’église Saint-Bernard à Paris, en 1996. Inlassable défenseur des Sans-papiers, il était favorable aux régularisations au cas par cas, à condition qu’elles soient réelles. Et Stéphane n’a pas cessé de s’élever avec virulence contre «le fantasme» de «l’explosion» que provoquerait «une régularisation de quelques centaines de milliers de clandestins». Son attachement aux Africains s’est aussi concrétisé par la création d’une association de formation des travailleurs africains et malgaches.

Renouer avec les valeurs positives

«Face à la crise économique qui nous menace aujourd’hui, il convient de revenir à ces valeurs démocratiques et de faire face au souvenir de Vichy, du dreyfusisme, du versaillisme à la fin de la guerre de 1870, à cette France réactionnaire qui ressurgit au gré des crises», disait Stéphane Hessel dans l’un de ses derniers entretiens. «Aujourd’hui plus que jamais, il nous faut renouer avec les valeurs promues par les résistants : Sécurité sociale pour tous, résistance contre les féodalités économiques, école pour tous, sans oublier la presse indépendante», avait-il ajouté à propos de la France plongée dans la crise depuis près d’une décennie.

Pour relever leur pays, les Maliens ont plus que jamais besoin de se réconcilier avec les valeurs qui ont fait la grandeur de cette patrie de l’antiquité aux années d’indépendance. Il faut d’abord redonner au travail sa valeur socioculturelle et économique par la promotion de l’excellence et la reconnaissance du mérite. Arrêtons d’ouvrir la bouche pour attendre le fruit mûr ! Autrement dit, il est temps que tout le monde comprenne qu’on n’améliorera jamais son sort en profitant toujours du labeur des autres. L’autre valeur fondamentale à cultiver, c’est le respect ! Le respect du peuple, mais aussi de l’autorité (parentale, institutionnelle) ; respect du bien d’autrui et du bien public… C’est une condition sine qua non pour réduire des fléaux comme l’abus des biens sociaux, la corruption, le népotisme, le trafic d’influence, la spéculation foncière qui est une bombe dont la déflagration va sans doute provoquer de véritables tragédies. Que reste-t-il à une veuve et à ses orphelins quand on leur prend l’unique lopin de terre hérité pour survivre ? Et quand il n’a plus rien à perdre, un individu peut facilement basculer dans tous les extrémismes. La solidarité sera inexorablement l’un des socles du Mali nouveau. Il ne s’agit plus de cette forme de solidarité folklorique que nous avons connue cette dernière décennie. Mais, des programmes bien pensés et profitant réellement à ceux qui en ont réellement besoin.  L’audace, le courage, la franchise, l’abnégation, la persévérance dans l’effort, la loyauté, la sincérité… sont des valeurs souhaitables chez le nouveau type de citoyen que nous devons devenir pour éviter l’enfer vécu par les populations du nord et le chaos frôlé par l’ensemble de la nation. Faisons de sorte que ceux qui émergent dans la facilité ne soient plus des références dans notre société.

Courber l’échine, c’est se laisser conduire à l’abattoir

Indignons-nous donc ! Refusons de nous «coucher» (courber l’échine et se résigner) comme le déconseillait le regretté Sotigui Kouyaté. C’est le comportement à adopter si nous voulons qu’une minorité continue à s’accaparer de nos potentialités et de nous conduire à l’abattoir. Nous voulons un Mali nouveau ? Alors refusons désormais de lier son destin à l’ambition mégalomaniaque d’aventuriers aux discours ensorceleurs, mais désespérément creux dans la pratique. Et comme, Hessel, engageons-nous pour réintroduire «la morale en politique». «Toute une génération risque de se dire qu’on n’y peut rien : c’est à cela qu’il faut trouver une réaction. Il ne suffit pas de savoir que ça va mal, il faut savoir comment aller dans la bonne direction. C’est là que l’apport d’Edgar Morin, dans La Voie, est précieux», a prévenu Stéphane Hessel. Ce grand humaniste nous montre qu’il y a des amorces de véritables marches en avant dans un certain nombre de domaines. Au niveau par exemple de l’économie sociale et solidaire qui permet d’aller plus loin que cette tyrannie du profit. Pour l’éternel «Indigné», «nous ne devons en aucun cas perdre confiance dans la capacité d’aller de l’avant et de renouveler les aspirations légitimes des résistants sous le régime de Vichy et l’occupation allemande».

En ce qui nous concerne, nos références historiques doivent être la farouche résistance à la pénétration coloniale et le courageux combat des pères de l’indépendance qui se sont battus contres vents et marrées pour nous remettre sur les rails du progrès dans le strict respect de nos valeurs traditionnelles essentielles. «Quand tu ne sais plus où tu vas, regarde d’où tu viens», disait fréquemment l’immense Sotigui Kouyaté. Cette citation doit être aujourd’hui notre ligne de conduite, notre repère pour sortir de ce tunnel, pour bâtir le Mali de demain, de l’après crise sécuritaire et institutionnelle. Inspirons-nous des Stéphane, Sotigui, Amadou Hampâté et bien d’autres héros qui ont écrit l’histoire de notre pays et de l’humanité depuis des millénaires !

Hamady TAMBA

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1 commentaire

  1. Monsieur Stéphane Hessel

    Merci d nous avoir donner un peu d’espoir.
    beaucoup de français ne vous oublieront pas

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