Occupation illicite des voies publiques : difficile application des textes

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Les opérations de déguerpissement se suivent et se ressemblent. Les espaces libérés sont aussitôt réoccupés.  Un vrai travail de Sisyphe pour les autorités

L’occupation anarchique des voies publiques est un véritable casse-tête dans notre pays. Nos compatriotes n’apprécient guère ce phénomène qui relève parfois d’une indiscipline des vendeurs à la sauvette, de détaillants d’articles divers mais aussi d’une incapacité à faire respecter l’interdiction d’occuper, le domaine public par les autorités compétentes.

L’occupation anarchique du domaine ne relève, malheureusement, pas d’une anecdote mais bien au contraire. C’est un spectacle quotidien qui s’offre aux Bamakois. Là où ceux-ci s’attendent à une plus grande fluidité de la circulation, ils ont des difficultés à se frayer un chemin. En certains endroits de la capitale, c’est même un parcours du combattant que de trouver le chemin.

Pourtant, il y a la Brigade urbaine de protection de l’environnement (BUPE), en charge de faire respecter les dispositions règlementaires, en la matière. Malheureusement, elle peine à imposer l’ordre et la discipline dans le domaine public.

L’on est donc en droit de se poser légitimement des questions. La BUPE a-t-elle les moyens ? Quelles sont les limites de ses compétences ?

Mais à y regarder de près la situation, on peut aisément trouver des faiblesses dans les actions de libération du domaine public ou des voies publiques, squattés par les commerçants ambulants et autres brocanteurs. Pourtant, il suffit d’une volonté politique et des actions d’audace pour circonscrire le phénomène, notamment dans notre pays.

Les opérations, rondement menées ces derniers temps par le gouverneur du District de Bamako Amy Kane à l’approche du Sommet Afrique/France, ont été diversement appréciées par les Bamakois. Elles ont eu, au moins, le mérite de libérer certains espaces publiques des griffes de « squatteurs ».

On est plus à l’heure des récriminations. Il faut donc poser les vrais problèmes pour que les pouvoirs publics trouvent des solutions définitives. Il est admis par tous que, dans notre pays, le social pèse énormément sur les décisions politiques. Malheureusement, l’attitude des autorités maliennes, confirme ce constat parce qu’elles fléchissent toujours.

On a tous vu, au moins une fois, cette scène : les occupants anarchiques des voies publiques pourchassés et les marchandises confisquées par la BUPE. Des mesures ont été prises pour empêcher l’occupation des voies publiques mais elles sont restées, jusque là, inefficaces, à bien des égards.

Après moult interdictions, les « squatteurs de la rue publique» reviennent toujours s’installer. Aujourd’hui, il est établi que la capitale se trouve dans un état de délabrement et d’insalubrité dû aux installations anarchiques des occupants du domaine public, notamment les commerçants, constate le directeur général de la BUPE, Adama Coulibaly.

Cet interlocuteur ne s’attarde pas trop sur les conséquences du phénomène. Il explique simplement que la mission de sa brigade. Celle-ci doit mettre de l’ordre sur les voies publiques, conformément à la décision n° 030/M-DB du 24 janvier 2003 qui traite de la fluidité de la circulation et la sécurité routière.

Racket. La même décision parle aussi de l’occupation anarchique par le commerce, l’artisanat et le stationnement sur les voies publiques. Et l’arrêté n° 014/M-DB dans son article 6 fixe la contravention et la sanction pour toute personne, contrevenant à ces dispositions légales.

Forte de cette disposition, la BUPE réalise, manu militari, des opérations de confiscation et saisie de marchandises et articles des personnes anarchiquement installées sur les voies publiques. Mais ces agissements ne dissuadent nullement les contrevenants.

Un tour dans capitale permet de se rendre compte de l’évidence. Sur le Boulevard du peuple, les  éléments  de la BUPE veillent au grain toute la journée. Ils s’attachent à l’application des textes.  Mais ces règles sont allègrement violées par les commerçants détaillants et autres squatteurs. Pour eux, la voie publique semble être le seul endroit que leur commerce prospère.

A en croire certains d’entre eux, les agents de la BUPE viennent les racketter et les dépouiller de leurs marchandises avant de se les partager. Une chose est sûre, le Boulevard du peuple est devenu infréquentable par la faute des vendeurs ambulants et des stationnements interdits. Les occupants des voies publiques.
Un de nos interlocuteurs est remonté contre la brigade. « Quand les éléments de la BUPE ramassent les marchandises, ils exigent le paiement d’une somme forfaitaire. Lorsque tu refuses, ils te demandent d’aller payer la contravention à la mairie du District ». Par ailleurs, il soutient qu’eux (les occupants illicites du domaine public) finissent toujours par négocier et récupérer leurs marchandises contre le paiement de 1000 Fcfa aux éléments de la BUPE.

Notre interlocuteur anonyme explique que cet arrangement à l’amiable est préféré, à la fois, par les occupants et les agents de la brigade parce que chacun y trouve son compte dans cette gestion.
Alimatou Diarra est vendeuse de chaussures. Elle verse également son avis dans le débat et conteste les allégations de notre interlocuteur anonyme en rappelant la nécessité de trouver une solution définitive à ce phénomène de plus en plus décrié.

Sur ces entrefaites, un passant intervient dans notre entretien et donne son point de vue sur l’occupation anarchique des voies publiques. Le quidam fait simplement remarquer que la problématique demeurera parce que chacun a une part de responsabilité.

Sans savoir que l’occupation des voies publiques est interdite par une décision, un autre commerçant détaillant Hamidou Coulibaly trouve normal de s’installer sur la voie publique. Pour lui, c’est une question de survie pour tous parce que les locations de magasins ne sont pas à portée de main. A titre d’exemple, il souligne que beaucoup dans les « Halles de Bamako », sont restés longtemps inoccupées.
Les commerçants, sensés y être, évoquent le coût élevé de la location des  magasins et souhaitent une réduction. Malick Doucouré a une position tranchée. Ce commerçant trouve que les frais de location des magasins dans les « Halles de Bamako » ne sont pas à leur portée et que l’endroit n’est pas propice au commerce.
Sur les risques encourus sur les artères publiques, certains commerçants sont bien conscients du péril. Mais ils jurent que plus rien ne pourra les faire partir de ces endroits.
Ces occupants interrogés par notre équipe de reportage estiment que les sous récupérés par les agents et marchandises confisqués par la BUPE sont partagés entre les agents et le directeur du BUPE.

Contravention. Le commissaire divisionnaire, Adama Coulibaly s’inscrit en faux contre ces allégations. Il s’explique que toutes marchandises, matériels ou articles saisis sur les voies publiques sont ramenés à la mairie et enregistrés, en attendant que les propriétaires ne se présentent. Ceux-ci sont soumis au paiement d’une contravention allant de 3000 à 18 000 Fcfa pour récupérer leur dû et peuvent même être interpelés, dans certaines situations.
Adama Coulibaly a précisé qu’en cas de non respect du délai de retrait par les propriétaires des marchandises, les produits périssables comme les mangues, les oranges, la viande sont envoyés au jardin zoologique pour les animaux et les autres marchandises (chaussures, habits et articles divers) sont distribuées dans les prisons et dans les orphelinats.
Pourquoi la police ne soutient pas les efforts de la BUPE ? L’inspecteur de police Adama Coulibaly du Groupement mobile de sécurité (GMS), nous apprend que c’est l’occupation anarchique du domaine publique par les véhicules et les engins à deux roues (motos) qui entre dans les prérogatives de la police dont la mission est le maintien d’ordre sur le domaine publique.
Pour l’inspecteur de police, les choses sont très claires, la gestion de l’occupation anarchique des voies par les commerçants est du ressort de la BUPE. A en croire le policier, il existe dans le District de Bamako plus de 61 rues où l’occupation est interdite par arrêté n° 014 M-DB du 09 août 2001.
Par ailleurs, Adama Coulibaly (le policier) précise qu’une fois qu’un engin a été confisqué pour occupation anarchique et acheminé à la fourrière, le propriétaire devrait se présenter à la police avec une pièce de propriété et payer la contravention qui oscille entre 15 000 à 30 000 Fcfa.
C’est après paiement de ladite contravention et vérification de la pièce de propriété que le propriétaire entre en possession de son engin.

Anne-Marie KEITA

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