Les coupables ne doivent pas échapper à la justice des hommes, de l’oubli, de l’indifférence et de l’impunité ; tel est le vade-mecum du projet d’Observatoire sahélien des droits de l’homme.
La fin de l’impunité
L’annonce de la mise sur fonts baptismaux d’un Observatoire Sahélien des Droits de l’Homme semble provoquer bien des migraines et des insomnies. Car, comme nous l’avions souligné, la mise en place de cet observatoire, singulièrement pour ce qui concerne le cas malien, sonne la fin de l’impunité dans ce sanglant conflit.
Depuis plus d’une décennie, les acteurs des différents groupes armés rivalisent de cruauté et de barbarie d’un autre âge dont les populations civiles sont les victimes désarmées et expiatoires et la communauté internationale un observateur impuissant et même parfois blasé.
La mise en place de cet Observatoire, les réactions qu’il suscitera, les débats auxquels il obligera permettront « au moins d’empêcher l’oubli des crimes qui sont commis au Sahel », car ce projet engagera désormais « un processus de documentation objective et indépendante des exactions signalées pour permettre, le moment venu, de traduire devant la justice les commanditaires de ces crimes et leurs sicaires ».
L’observatoire rappellera aussi la communauté internationale à ses responsabilités, car, qui ne dit mot consent et, comme l’évoque le concept de cet observatoire, « il est tout aussi impensable de donner un certificat d’immunité aux assassins et à leurs commanditaires ».
Il est important de faire le pari que la perspective de répondre de ces actes criminels renforce de facto la protection des populations, en même temps qu’elle ouvre à la restauration de leurs droits. L’existence d’un Observatoire des Droits de l’Homme au Sahel, en même temps qu’elle servira à la collecte et la documentation des crimes commis et à l’imputation très précise des responsabilités, ne manquera donc pas d’avoir des vertus dissuasives voire prophylactiques.
L’Observatoire s’avère, dans son intention, un outil pédagogique censé conduire au respect du droit international humanitaire et à celui des conflits armés non internationaux dont l’objectif premier est la protection des populations civiles non combattantes.
Non à l’impunité
Dans le cas du Mali, la ‘’Note trimestrielle sur les tendances des violations et atteintes aux droits de l’homme au Mali ‘’, publiée le lundi 30 mai dernier par la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations unies pour la stabilisation au Mali, Minusma, avait relevé des faits accablants.
Mais ce témoignage a été réduit par le gouvernement de la transition à de simples allégations mensongères destinées à ternir l’image de nos ‘’vaillantes forces armées’’. Malgré les dénégations systématiques des autorités maliennes, l’Observatoire s’inscrit dans cette dynamique consistant à renseigner et documenter les faits.
Toujours, pour le cas du Mali, il est certain que le très respecté Pr. Aly Nouhoum Diallo, connu pour son franc-parler déroutant, est bien dans l’esprit des fondateurs de l’Observatoire. Récemment, dans plusieurs organes de la place dont Le Wagadu, l’ancien président de l’Assemblée nationale et premier président du parlement de la CEDEAO, a évoqué récemment les conséquences politiques et juridiques, pour les militaires putschistes de Kati, du coup d’Etat qu’ils ont perpétré le 18 août 2022 contre le peuple malien.
« Aucune loi, fût-elle organique, ne peut conférer une amnistie à un citoyen si elle est contraire aux dispositions constitutionnelles », a-t-il ainsi rappelé, sur un ton prémonitoire aux auteurs du coup d’Etat du 18 août 2020.
Pour le Pr. Aly Nouhoum Diallo, les colonels de Kati doivent être conscients que « tout coup d’Etat ou putsch est un crime imprescriptible contre le peuple malien », tel qu’il est consacré par l’article 121 de la Constitution du 25 février 1992.
Même son de cloche chez le charismatique imam Mahmoud Dicko, qui a fait couler beaucoup d’encre et de salive par ses prises de paroles tranchées. Lors d’un hommage public aux victimes, le leader religieux a rappelé les attentes de justice insatisfaites consécutives aux tueries de juillet 2020, aux abords de sa mosquée, sise à Badalabougou, où « les forces spéciales », selon les responsables du M5-Rfp, avaient fait usage de leurs armes sur des manifestants désarmés.
Dans son appel à rendre justice aux victimes, le prêcheur wahabite n’a pas pointé que du doigt les massacres civils de Bamako. Plusieurs localités de l’intérieur, comme Kayes, Ségou et Sikasso, dans ces moments chauds de contestation populaire, avaient connu des horreurs et de graves violations des droits de l’homme, pour lesquelles le très révolté imam insiste pour qu’aucune impunité ne soit tolérée.
Guédjouma Konaté