Observateur de la scène politique malienne : Fraude et concurrence déloyale : Le mal du Mali

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Vêtements, cigarettes, œuvres culturelles (CD et K7), produits cosmétiques, médicaments et même produits alimentaires, on trouve de tout sur nos marchés. A bon prix et en quantité suffisante pour satisfaire les besoins d’une population en constante augmentation et des habitudes de consommation sans cesse renouvelées.

 

 

 

La société de consommation est bel et bien une réalité au Mali. Pour satisfaire la demande et pourvoir le marché, certains opérateurs économiques peu scrupuleux sont prêts à tout. Produits périmés, contrefaçon, contrebande, tous les moyens sont bon pour faire du profit à bon compte. Restent sur le carreau les consommateurs dont la santé et le portefeuille sont mis à rude épreuve, les industriels dont les produits manufacturés n’arrivent pas à faire face à la concurrence et l’Etat, qui perd de l’argent.

 

 

Ils sont des dizaines de milliers les produits qui sont soient des copies soient périmés et donc impropres à la consommation à circuler tous les jours sur les marchés maliens. Des médicaments ou des cigarettes saisis, qui se retrouvent quelques semaines plus tard au Dabanani, de l’huile frelatée ou du riz moisi… autant d’affaires qui ont en leur temps défrayé la chronique et ont poussé les acteurs du monde économique à l’action. D’autres pratiques plombent également les efforts de régulation du secteur privé malien. Elles ont pour nom prix imposés, vente à perte, prix d’appel, publicités mensongères.

 

 

Le combat contre la fraude et la concurrence déloyale a toujours été multiforme. Si les associations de consommateurs s’investissent tant bien que mal dans l’information sur la dangerosité des produits contrefaits, du côté des industriels et de l’Etat, la prise de conscience de l’effet néfaste de ces pratiques sur le tissu économique a été suivie de réactions. La création de Direction Nationale du Commerce et de la Concurrence le 20 août 1998est l’illustration de la volonté des autorités de faire face efficacement au phénomène. Cependant, cette dernière a très vite été dépassée par l’ampleur de la tâche à accomplir et par la transversalité de la question. Les autres services de lutte contre la fraude à l’image de la douane ou encore les impôts  ne peuvent non plus, à eux seuls, prendre la lutte à bras le corps.

 

 

C’est donc dans le souci de renforcer l’action de ces différents acteurs et de coordonner leurs initiatives dans la lutte commune qu’a été mise en place en 2005de la Commission Nationale de lutte contre la fraude et les pratique de concurrence déloyale. Initiée par  le ministère de l’Industrie et du Commerce, elle était composée de deux entités complémentaires. Le Comité interministériel d’orientation et de suivi des actions de lutte contre la fraude et les pratiques de concurrence déloyale et la Commission nationale de lutte contre la fraude et les pratiques de concurrence déloyale. Cette dernière, composée d’une vingtaine de membres et dirigée par le secrétaire général du ministère de l’industrie avait pour mission principale d’appuyer les administrations techniques dans la lutte contre la fraude afin d’assainir le marché et d’instituer une concurrence loyale. En étaient membres des représentants des administrations publiques et  du secteur privé. « On recevait des dizaines de plaintes d’opérateurs concernant des fraudes et des pratiques peu orthodoxes, se souvient l’Honorable  Mody Ndiaye, alors secrétaire Général du ministère et président de cette commission. Un rapport périodique était fait et envoyé a Comité qui lui dépendait directement du Premier Ministre » ajoute –t-il en assurant que l’efficacité de ce système s’est très vite fait sentir.

 

 

D’abord, le fait de travailler ensemble a permis d’aplanir les conflits de compétence qui existaient entre les services. Puis, le fait de transmettre les rapports réguliers aux plus hautes autorités de l’Etat, en l’occurrence, le Premier Ministre, « mettait une sorte de pression sur tout le monde, se souvient encore Mody Ndiaye. Tous les ministères concernés se sentaient impliqués et les cas les plus compliqués tombaient souvent sur la table du gouvernement ».  Le député à l’Assemblé Nationale du Mali ajoute que de nombreux textes ont d’ailleurs été pris dans la foulée par le Mali pour appuyer l’action de ce cadre institutionnel et conforter les acteurs dans leur travail sur le terrain. Mais, depuis quelques années, ce cadre de travail est passé aux oubliettes. Plus de saisines, plus de réunions, encore moins de rapport transmis « en haut lieu ».

 

 

Adama Konaté du Conseil National du Patronat du Mali déplore la disparition des deux cadres de réflexion et de travail que constituaient le comité interministériel et la commission. « Au niveau du CNPM, nous nous battons pour que ce cadre renaissent. Leur action avait ramené la confiance dans le cercle des industriels maliens et cela se voyait au niveau des investissements. Le secteur privé formel se sentait enfin entendu et soutenu », assure-t-il. Aujourd’hui, la situation d’autrefois est de nouveau de rigueur, le « marché malien sert de grossiste aux pays de la sous-région, alors que nous n’avons pas de port…C’est un paradoxe qui illustre bien que quelque chose ne vas pas. », déplore le député Ndiaye.  « La matière existe, c’est l’administration qui fonctionne mal » conclut-il.

 

 

Pousser les autorités à redynamiser les structures de lutte contre la fraude et les pratiques de concurrence est l’un des chevaux de bataille de l’Organisation Patronale des Industriels du Mali. A l’OPI, l’argumentation en faveur de cette décision est on ne peut plus claire. Pour Cyril Achcar, qui préside l’organisation, l’Etat a tout à gagner en relançant les activités du cadre institutionnel et en appuyant les différentes structures de lutte contre la fraude, la concurrence déloyale et la contrefaçon. En effet, l’investissement dans l’équipement et la dotation desdites structures est insignifiant face aux retombées pour l’économie nationale. Une industrie « requinquée » car n’ayant plus à lutter contre des ennemis invisibles et puissants, des charges financières pour les contrevenants qui seront sévèrement sanctionnés, et la santé pour la population, désormais à l’abri de produits dangereux. Pas seulement la redynamisation des structures, renchérit l’honorable Mody Ndiaye. « Les industriels maliens doivent aussi se battre pour que les différentes lois votées pour règlementer la concurrence ». A l’exemple de la loi sur la concurrence qui instaurait la création d’un Conseil National de la Concurrence. Ou encore la Loi d’orientation du secteur privé dont les textes d’application n’ont pas encore été pris. Autant de chantiers en perspective pour les chevaliers du développement du Mali, si car, comme on le martèle volontiers à l’OPI, « le développement sans industrialisation est impossible ! ».

 

Célia d’Almeida

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