A voir les présidents africains s’agripper à leurs fauteuils contre vents et marées, et parfois au prix de la stabilité ou du devenir même de leur pays, l’on est amené à se poser la question suivante : n’y a-t-il pas une vie après la présidence ? Ils ont été nombreux, et sont encore un certain nombre, à répondre par non, tels Bongho père, Obiang Nguema, Sassou-Nguesso, Blaise Compaoré et l’inusable Mugabé (92 ans et candidat de nouveau). Mais de l’autre côté, un certain nombre pense qu’avant et après le fauteuil présidentiel, il existe bien une vie. Parmi eux, Léopold Sedar Senghor et Abdou Diouf (Sénégal), Alpha Oumar Konaré (Mali), Julius Nyerere (Tanzanie) Thabo Mbeki (Afrique du Sud), le général Pierre Buyoya (Burundi) John Jerry Rawlings (Ghana) et Olusegun Obasanjo (Nigéria) et leurs successeurs, pour ne citer que ceux-ci. Après avoir quitté la présidence de leur pays, battu dans les urnes ou à la fin légale de leur mandat, ils se sont offert une seconde vie, aussi active sinon plus paisible que celle qu’ils menaient à train d’enfer, à la tête de leur pays.
Chacun de ces cas mérite qu’on s’y attarde un jour ou l’autre ; ne serait-ce que pour comprendre pourquoi d’autres préfèrent mourir au pouvoir plutôt que d’en partir tranquillement, comme des mouches qui préfèrent mourir dans le miel. Aujourd’hui, nous allons choisir le cas de l’ex-président nigérian, le général Olusegun Obasanjo.
Deux fois chef de l’Etat de son pays, en 1975-79, à la suite d’un putsch et en 1999-2007, à l’issue d’élections régulières, et candidat malheureux au poste de secrétaire général de l’Onu en 1991 (face à Boutros-Ghali), le colosse de 80 ans ne s’ennuie aucunement depuis son départ de la présidence.
Alliant l’expérience acquise à la tête de l’Etat à son statut de chef traditionnel yoruba, l’ex-président Obasanjo s’est très vite reconverti dans la médiation tant au plan national, sous-régional et continental. Il a offert ses services de médiateur à l’Etat nigérian dans un certain nombre de questions conflictuelles auxquelles le gouvernement a eu à faire face, notamment pour jouer le facilitateur entre ce dernier et Boko Haram lors de l’enlèvement de filles de Chibok. Parallèlement, le général nigérian a joué les bons offices au niveau de la CEDEAO, de l’Union africaine et de l’Onu, lors des conflits inter et intra-étatiques et aussi à l’occasion des élections, comme observateur.
Sur le chapitre personnel, Olusegun Obasanjo a pensé à l’après-pouvoir alors même qu’il était en exercice. Une semaine seulement après la fin de son mandat, en octobre 1979, il inaugure une ferme à Otta, à 40 km de Lagos. En dehors de l’élevage de poulets, de porcs et d’autruches, Obasanjo utilise fréquemment sa ferme pour organiser des rencontres diplomatiques. Aujourd’hui, cette ferme, selon lui-même, rapporte 250 000 $ par mois. Un pactole qui lui permet de réfléchir au devenir de son pays et de l’Afrique. Il vient de co-signer avec Greg Mills, Jeffrey Herbst et Dickie Davis un manuel de 351 pages intitulé « l’Afrique en Marche ». Cet ouvrage est un guide afin d’améliorer la capacité de l’Afrique pour plus de croissance économique et de création d’emplois. Il a fait l’objet d’une cérémonie de présentation et dédicace organisée, par la Fondation Konrad Adenauer à Bamako le 31 juillet 2017, en présence des présidents Obasanjo et Ibrahim Boubacar Kéita et de tout le gouvernement malien. Selon les auteurs, ce livre est particulièrement nécessaire à une époque où les pays africains, dont bon nombre reste pauvre, doivent se préparer à une augmentation massive de la population, et par conséquent, du nombre de jeunes à la recherche d’un emploi. Mais il est surtout le témoignage de son optimisme quant aux perspectives des pays africains, à condition que certaines décisions difficiles soient prises maintenant. C’est aussi la défense et l’illustration de l’idée que le fauteuil de président peut et doit être un passage et non une tombe pour ceux qui ont la chance de l’occuper.
Modibo Diallo