Nord-Mali : Qui veut tuer le colonel Gamou ?

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Qui a intérêt à supprimer El Hadj Gamou ? Le colonel-major, seul haut gradé touareg de l’armée malienne, ancien chef d’état-major adjoint sous le régime du président Amadou Toumani Touré (ATT), a échappé le 2 décembre à une tentative d’assassinat à Niamey, au Niger. L’agresseur, un Nigérien de 32 ans, aurait crié “Allah Wakbakh” en vidant son chargeur, ne faisant que blesser un garde du corps de Gamou. Ce qui n’en fait pas automatiquement un islamiste, même amateur…

 Gamou, un grand moustachu qui arbore le turban touareg avec sa tenue militaire, vit au Niger avec 400 à 600 hommes, selon les sources. Des soldats maliens recrutant pour l’essentiel parmi des Touaregs, partis en déroute au moment de la chute de Kidal et de Gao, fin mars. Le tout, sous l’œil bienveillant du président Mahamadou Issoufou, qui a quand même pris soin de désarmer ces hommes avant de les accueillir.

Le chef d’Etat nigérien est l’un des plus déterminés à en découdre avec les rebelles touaregs et les islamistes de tout poil dont les rangs grossissent au Nord-Mali. Il sait très grand le risque de contagion chez lui. De son point de vue, le colonel Gamou reste un atout majeur dans la reconquête du Nord-Mali.

Du coup, cet homme gêne a priori tous les protagonistes du conflit au Nord-Mali : les islamistes d’Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi) qu’il veut combattre, les rebelles touaregs du Mouvement national de libération de l’Azawad (MNLA), avec lesquels il n’est pas d’accord, la branche islamo-touarègue d’Ançar Eddine menée par Iyad Ag Ghali (un ex-rebelle issu des Ifoghas, un clan touareg rival de celui de Gamou, les Imghads), mais aussi les chefs de l’armée malienne, qui ne veulent plus lui faire confiance.

Le contingent de militaires touaregs maliens stationné à Saguia, une localité proche de Niamey, est considéré depuis longtemps comme une “milice” par certains chefs de l’armée malienne, qui n’ont jamais cessé de douter de la loyauté du colonel Gamou. Ce dernier, qui avait toute la confiance d’ATT, n’avait pas forcément celle de ses frères d’armes “sudistes” au sein de l’armée.

El Hadj Gamou, pourtant, a combattu jusqu’à la fin contre les rebelles touaregs. Il n’a fait mine de déserter que le 31 mars, quand tout était trop tard. Entre la chute de Kidal, où il se trouvait avec ses hommes, et celle de Gao, où il tentait de se replier, il a fait semblant de rejoindre le MNLA, comme l’avaient fait avant lui de nombreux éléments touaregs de la police et de l’armée.

Il s’était fendu de cette déclaration spectaculaire, pour un colonel qui s’était construit une réputation de républicain : “J’en appelle à l’ensemble des Azawadiens à rejoindre et renforcer le MNLA dans sa lutte pour l’indépendance, car il reste aujourd’hui la seule organisation capable de faire sortir notre peuple du gouffre dans lequel l’a entretenu le Mali depuis plus de 50 ans. Nous dénonçons la mauvaise gestion et la politique de l’autruche de l’Etat malien dans l’Azawad, et nous déclarons à tous notre démission de toutes ses instances”.

Il s’est ensuite dédit et certains de ses hommes expliquent qu’il a voulu, par ce revirement, “sauver leur tête” pour mieux les exfiltrer et organiser leur fuite vers le Niger, alors qu’il reste férocement opposé au projet séparatiste du MNLA. Gamou piafferait d’impatience et rêverait de chasser les occupants du Nord-Mali, estimant qu’il n’y a rien à négocier avec eux. Il serait partisan d’une intervention militaire rapide, pour n’ouvrir le dialogue que dans un second temps…

En mai, l’électron libre Gamou, en rupture de ban avec la junte d’Amadou Sanogo, avait lancé un nouveau groupe armé, le Mouvement républicain pour la restauration de l’Azawad (MRRA), rassemblant toutes les communautés du Nord-Mali, des Peuls, des Songhaïs, des Touaregs et des Arabes (les Berrabiches forment l’une des minorités du Nord-Mali). Un mouvement qui prône l’autonomie de l’Azawad, pas son indépendance, mais qui n’a plus fait parler de lui depuis.

Méné Zoumda

 

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