Monde rural Malien : L’arrière goût du cube “magique”

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Que Dieu fasse disparaître de ce pays ce maudit Maggi qui m’empêche d’avoir de l’argent, clame cette vendeuse de condiments au marché de Sabalibougou. “Après chaque prière, nous devons solliciter du Tout Puissant, l’extirpation de Maggi des habitudes alimentaires du malien”, renchérit cette autre femme.

Plus posément, mais non moins fermement, Mr Diallo agronome de son état propose : “l’Etat devrait interdire ce Maggi qui enrichit des firmes étrangères tout en appauvrissant les femmes rurales”.

De fait, les productrices et les marchandes de soumbara, ce condiment à base de graines de néré fermenté produit dans les villages, peuvent difficilement rivaliser avec les vendeuses de “Maggi”, appellation raccourcie des bouillons-cubes fabriqués par Nestlé, qui disposent d’importants moyens publicitaires.

“Maggi, le secret de la bonne cuisine”, “Maggi convainc le mari de la bonne cuisine de son épouse”, “Maggi t’évite d’avoir une coépouse à la maison”, “le cube Maggi chasse le pilon”, “avec Maggi, on fait le repas à temps” : ces slogans sont partout. Imprimés dans les journaux, chantés à la radio, joués à la télévision. Personne n’y échappe. Pas même en milieu rural où ils sont diffusés, traduits dans, presque toutes nos langues principales langues nationales, par les stations de radio rurale très écoutées dans les villages.

Dans tous les marchés hebdomadaires, de jeunes femmes qui sillonnent le pays dans des fourgonnettes 4X4 équipées de mégaphones, crient et chantent  ces slogans sur tous les tons. Pour être plus convaincantes, elles distribuent aussi des tee-shirts et des sacs et font des « dons ».

Comment les femmes rurales sans moyens et sans accès aux médias, peuvent-elles lutter contre ce matraquage publicitaire ?

“Nous ne saurions concurrencer ces femmes car elles ont plus d’atouts que nous, se lamente une villageoise. Nous, personne ne nous regarde dans notre situation déplorable”.

Aujourd’hui les cubes font fureur jusqu’au fin fond du Mali.

A 25 Fcfa pièce, tout le monde peut en acheter. Du Coup, la polémique fait rage dans les villages : les vendeuses de bouillons-cube prétendent que le soumbara aggrave la gastrite, celles de soumbara répliquent en disant que le Maggi provoque l’hypertension. Qui croire ?

Le Maggi fait moderne.

Mais une chose est sûre : la consommation de soumbara a fortement baissé. Seules les vieilles personnes en utilisent encore. Ce produit traditionnel est désormais considéré comme l’aliment du pauvre alors que le Maggi fait moderne. “C’est malheureux ; déplore un jeune diplômé, le Malien rejette tout ce qui est produit localement au profit de l’importé.”

Ceux qui ont envie de manger du soumbara, le font donc en cachette. Ils ont honte d’aller en acheter : “Moi j’aime beaucoup le soumbara, mais je ne peux plus m’en procurer sur le marché sinon ils vont se moquer de mes enfants qui sont tous fonctionnaires et m’apportent régulièrement de l’argent. De fait, je suis obligé de m’en abstenir”, regrette une femme.

La mévente du soumbara est une vraie catastrophe pour les femmes rurales : “Nous nous demandons à quel Saint nous vouer. Notre revenu a disparu. Nous ne pouvons plus satisfaire nos besoins quotidiens”.

“Actuellement, constate un agent forestier, tout le néré pourrit sur l’arbre parce qu’on ne le cueille plus. Même les animaux sauvages n’en veulent plus !”

Pour remplacer le soumbara, les femmes s’adonnent aux cultures maraîchères (tomate, aubergine, piment, haricot vert, oignon, chou…). Elles créent des potagers, même aux alentours des cases traditionnelles. Cela leur permet de subvenir à certains de leurs besoins mais ne compense pas le manque à gagner du néré.

Ces cultures nécessitent des engrais et des produits phytosanitaires qu’il faut acheter. En outre, les légumes sont périssables et le marché souvent saturé. Alors que le néré pousse tout seul et que ses graines se conservent bien. “Cette situation a failli me rendre folle car j’étais habituée à percevoir plus du double du salaire de mon mari par mois avec le néré. Avec le potager, je ne gagne presque rien. C’est dommage”, s’exclame une femme.

Pour sortir de ce mauvais pas, chacune y va de sa solution : “Notre salut se trouve dans la vente du soumbara, mais à une condition que l’Etat interdise cette “saloperie” de maggi-jumbo”, confesse une marchande. “A défaut d’interdire l’importation, l’Etat n’a qu’à surtaxer le Maggi pour dissuader le consommateur de l’acheter”, suggère une douanière.

Mady Sow

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