Au Mali, on pense pouvoir réussir la lutte contre la pauvreté à travers la propagande alors qu’il faut privilégier des actions concrètes tout en n’oubliant pas les zones rurales. Sans cela, le mois d’octobre ne serait que celui de la promotion de l’exclusion.
Alima Sidibé, âgée de plus de 130 ans, habite à Kabala, quartier périphérique de Bamako, la capitale malienne. Bien portante physiquement et mentalement, Alima discute avec ses fils et petits-fils, même si elle commence à avoir la vision floue et a perdu la marche bipède. Cette vieille dame n’a pourtant jamais reçu un seul don provenant des autorités maliennes comme geste de solidarité. Or, le mois d’octobre est dédié à la solidarité et à la lutte contre l’exclusion dans ce pays depuis les années 1995. Un mois au cours duquel, les autorités partent à la rencontre des personnes les plus âgées, comme Alima, en même temps que les personnes démunies, pour les cadeauter.
Briser les chaînes d’inégalité
Durant quatre semaines, les gestes de solidarité se multiplient envers ces groupes de personnes afin de leur permettre de comprendre qu’elles ne sont pas oubliées par leur État. Cette solidarité envers les pauvres et les personnes âgées est une pratique bien connue au Mali. C’est une manière de faire profiter à chacun les biens de l’État et de briser certaines chaînes d’inégalité.
Mais la manière dont cette pratique est conduite nous amène à nous demander si ce mois n’a pas perdu sa connotation. La lutte contre l’exclusion passe par des actions plus concrètes que des opérations de communication.
Un mois d’exclusion ?
Nous constatons que les gestes de solidarité qui se font durant ce mois vont, pour la quasi-totalité, à l’endroit des personnes résidentes dans des grandes villes. Dans les villages, n’existe-t-il pas de personnes démunies ou de vieilles personnes ? Bien sûr qu’il existe des vieilles personnes dans ces zones. Dans nos villages, on rencontre maintes personnes démunies. C’est également dans ces zones rurales qu’on peut rencontrer des vieilles personnes comme Alima, qui sortent d’ailleurs travailler dans leur petit champ ou jardin.
Dans la région de Ségou, notamment dans l’arrondissement de Sanando, nous avons connu beaucoup de ces personnes très âgées, même si aujourd’hui plusieurs d’entre elles sont mortes après plus de 120 ans d’existence. ÀMbèbougou, dans la même localité, réside Ladji. Un vieil homme qui a effectué le pèlerinage à la Mecque à pied dans le temps, nous précise un habitant proche du village. Selon ses petits-fils, il a plus de 100 ans aujourd’hui. Pourtant, aucune de ces personnes n’a l’habitude de bénéficier du mois de la solidarité et de la lutte contre l’exclusion.
Dans ces circonstances, ne peut-on pas douter de l’aspect lutte contre l’exclusion ainsi que de solidarité de ce mois ? Ce mois ne serait-il pas un lieu pour faire de simples propagandes politiques ? ou encore un lieu pour montrer que les villages ne font pas partie du Mali ?
Apprendre à pêcher que de donner du poisson
En tout cas le Mali ne se limite point à Bamako. En plus, la lutte contre l’exclusion passe plus par des actions concrètes que par des campagnes de communication gouvernementale.
Ce qui semble sauter également aux yeux de nos autorités dans les objectifs de ce mois, c’est que les dons de quelques sacs ou de liasses de billets de banque ne peuvent en aucune manière permettre à ces pauvres de changer de statut social. Depuis des années que ce mois est célébré, par pur conformisme, le nombre de personnes vivant dans la pauvreté n’a pas pourtant largement diminué. « L’incidence (taux) de la pauvreté c’est-à-dire la proportion de la population malienne qui n’arrive pas à dépenser 175 000 FCFA nécessaire pour satisfaire ses besoins de base est estimée à 46,8 % en 2016 contre 47,2 % en 2015 [et 44,9% en 2017 selon le rapport de 2018] », indique-t-on dans un rapport 2016-2017 de l’Institut national de Statistique du Mali. Ce même document ainsi que celui de 2017-2018 indiquent que « La pauvreté est largement répandue en milieu rural, plus de la moitié d’entre eux sont pauvres (53,6 %) », souligne-t-on dans le second rapport. En 2016, les pauvres dans les zones rurales représentaient 55,2%. Toute chose qui laisse comprendre que les zones rurales ont besoin de plus d’appuis provenant de l’État que les zones urbaines.
La lutte contre l’exclusion, si elle sincère, doit passer plutôt par la création des métiers, des industries dans lesquels travailleront les pauvres. C’est comme dit un adage bien connu de chez nous : « Au lieu d’habituer un homme à recevoir gracieusement du poisson, mieux vaut lui apprendre à pêcher ». Que nos autorités méditent sur cet adage !
FousseniTogola