Moeurs: « Y a-t-il des pédés au Mali ? ». Petite discussion oiseuse sur la débauche et l’anarchie sexuelle au Mali d’aujourd’hui…

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A. C. est un homme de 63 ans installé dans une banlieue coquette de Los Angeles aux Etats-Unis. Bien intégré, jouissant d’une situation sociale enviable et marié à une Américaine depuis 35 ans, il n’a pas mis les pieds au Mali depuis 1970, il y a exactement 37 ans. En fait, il avait banni le Mali de sa vie depuis cette date et sa décision de s’exiler jusqu’à la mort quand son père, à Missira, lui avait piqué sa fiancée devenue la coépouse de sa mère.

J’ai connu A. C. en 2001 quand il était venu faire un tour au Festival de jazz de Montréal. Nous avons échangé nos numéros de téléphone. Depuis cette date, nous communiquons régulièrement. C’est ainsi que, petit à petit, A. C. a recommencé à s’intéresser à son pays natal. Il a compris progressivement que la haine et la rancune ne faisaient que le détruire davantage.

Au mois de juin, A. C., avec sa femme américaine, a décidé de visiter le Mali, de se réconcilier avec sa famille et enfin, de s’incliner sur le tombeau de ses parents, morts depuis des années. « J’ai besoin de pardonner, de me purifier, de chasser en moi cette haine de ma famille et du Mali, de redevenir un homme en paix avec moi-même », m’expliquait-il avec la sagesse de l’âge. Finalement, le séjour fut tellement chargé d’émotion qu’il le prolongea de deux autres semaines. Sa femme y est restée pour deux mois supplémentaires.

A son retour aux USA, A. C., qui n’en revenait pas de découvrir un Mali aux antipodes de celui de 1970, me lâche un coup de fil qui commence avec une question vraiment bizarre : « Dis-moi fiston, y a-t-il maintenant des pédés au Mali ? »

Interloqué, surpris par la brutalité de la question, je reste coi au téléphone quelques instants. Il renchérit : « Ce que j’ai vu à Bamako sur le plan des mœurs ne m’a pas plu du tout. Le Mali est devenu une société pervertie par l’argent et le sexe. Le dévergondage a atteint des niveaux incroyables. Je me suis fait draguer dans le taxi par une fille de 16 ans ! Ici, tu peux être arrêté pour pédophilie ! »

Je ne suis pas un expert en mœurs et je n’ai jamais fait d’études sur les habitudes intimes de mes compatriotes. Mais une chose est claire dans ma tête : comme tous les pays du monde, il y a des homosexuels hommes et femmes au Mali comme il y a des dents dans la bouche du Malien normal. Et, contrairement à A. C. qui pense que ces « perversions » ont un lien avec le « développement » qu’a connu le Mali depuis 1991, je ne crois pas en l’existence d’un lien entre l’amélioration des conditions de vie et le développement de l’homosexualité dans une société.

Je pense et des dizaines de documents de référence le démontrent, que l’homosexualité est inhérente à la nature humaine. Tant qu’il y a des humains, il y a le penchant d’un genre pour un genre de même nature. La Bible, qui date de plus de 2000 ans, et le Coran, qui a 1500 ans, parlent déjà de ce phénomène. Il y a un passage biblique particulièrement inspiré sur l’histoire de Loth qui vivait au milieu de « pervers » qui, refusant les faveurs des filles de Loth, voulaient s’accoupler avec les hôtes mâles de ce prophète. S’il est aujourd’hui question, avec plus d’acuité de pédés et de gouines à Bamako, c’est que les gens en parlent plus ouvertement, les médias abordent le sujet et il n’y a pas cette peur de s’exprimer, de donner son opinion.

Calamités futures ?

Je pense également que le point de vue de mon aîné et ami A. C. qui prétend que l’islam devait être un rempart contre l’éclosion de l’homosexualité est une affirmation sans fondement. Il est clairement indiqué dans la littérature consacrée à la sexualité homogenre que les premiers écrits littéraires sur le sujet sont le fait de conteurs arabes. Au moment de l’apparition de l’islam, la Péninsule arabique était une société particulièrement portée sur l’homosexualité et les déviations transgenres. Il y avait même des divinités consacrées aux éphèbes et autres hermaphrodites que l’on désigne aujourd’hui sous le terme générique « bisexuels ».

D’un point de vue moral, A. C. réprouve la « tolérance excessive » des Maliens envers les pédés et les gouines et annonce des calamités futures pour ce pays. « On devrait les mettre nus sur la place publique et les brûler ainsi que ces gamines aguicheuses et leurs parents irresponsables ! » Je vois là une transplantation réussie au cœur de ce Malien de la mentalité hyper conservatrice de ce Deep South américain qui fait rarement dans la dentelle quand il s’agit de fustiger son prochain.

A mon avis, la morale est une notion très élastique. Et il est difficile, d’un point de vue global, de décréter ce qui est moral et ce qui est immoral ? Parce que les contradictions apparaissent crûment : est-il moral d’aller prier Dieu qui est amour et pardon le dimanche et manifester le lundi pour demander l’exécution d’un criminel ?

Est-il moral de défendre l’avortement sur la place publique comme un droit et de s’indigner face à l’excision ? Est-il moral d’être fier de son armée dont le métier est de tuer des gens ? Est-il moral de dépenser 2 milliards de F CFA pour organiser un défilé du 22 septembre alors que des pauvres meurent devant l’hôpital Gabriel Touré parce que leurs familles ne peuvent trouver 20 000 francs pour acheter une ordonnance ?

Ou, en puisant dans l’actualité, est-il moral de s’attaquer aux pédés et gouines du Mali qui, somme toute, ne font du mal à personne, alors que le Vérificateur général vient d’épingler des voleurs professionnels qui ont détourné 103 milliards de F CFA des caisses publiques ? Est-il moral d’emprisonner le gérant de l’Opam de Diapaga pour le détournement de 2 millions alors qu’un ministre a dépensé 11 millions de F CFA en thé en une journée ! En somme, la morale est un terrain très glissant.

Même si je ne trouve pas l’homosexualité normale ne serait-ce que pour la perpétuation de l’humanité qui est fondamentalement hétérosexuelle, je ne participerai pas à un pogrom ou une campagne de haine contre les homosexuels. Car, foncièrement, dans mon intime conviction, je pense que Seul Dieu sait qui est pur et qui est impur, Seul Dieu est à même de juger de la moralité des gens.

Juste pour terminer, je connais un vieux à Niaréla qui, au mois de mai dernier, me donnait le nom d’une haute personnalité de l’administration malienne qui serait un « pédé fieffé qui doit être tué par honneur pour le Mali ». Puisque c’était un ami d’enfance de mon défunt père, je n’ai jamais osé lui dire que sa fille dont il est si fier et qui l’a envoyé en pèlerinage à La Mecque exerce le plus vieux métier du monde à Paris, précisément porte de Versailles où mon cousin policier l’a embarquée un jour pour racolage sur la voie publique. Vous voyez, donner des leçons de morale est très risqué surtout des leçons extrêmes.

Sur ce, je vous laisse deux semaines en tentant de guérir la maudite fièvre typhoïde que j’ai chopée au Mali en mai dernier après la malaria du mois de septembre 2006. Le temps de digérer aussi l’overdose d’idioties qui polluent notre monde.

Ousmane Sow (journaliste, Montréal)

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