“Je dénonce plusieurs discriminations auxquelles les femmes et filles sont victimes de l’entrepreneuriat en Afrique”
Dans cet entretien, Mme Touré Aïssata Diakité, fondatrice, présidente et dirigeante du Groupe Zabbaan évoque l’importance de la célébration de la Journée internationale de la femme, le thème de la journée sur le rôle et la place de la femme dans la refondation du Mali, le bilan de la loi 052… Interview !
Aujourd’hui-Mali : Pouvez-vous vous présentez ?
Aïssata Diakité : Je suis Touré Aïssata Diakité, la fondatrice, présidente et dirigeante du Groupe Zabbaan, basé au Mali et en France, spécialisé dans l’agroalimentaire équitable. Je suis mère d’une fille. J’ai été formée au Mali, en France et en Angleterre et je suis diplômée de l’école Tecomah, une grande école de la Chambre de commerce et d’industrie de Paris, avec une spécialisation en développement d’affaires en agrobusiness. Je suis la présidente du réseau NALA “New African Leaders for Agri Business”, un réseau d’entrepreneurs qui accompagne les entreprises locales, notamment les industries créées et dirigées par des femmes.
Zabbaan est une entreprise et une marque équitable de jus de fruits, tisanes, confitures, fruits secs… naturels conçus avec la production fruitière du Mali.
Zabbaan Holding compte : la société Zabbaan pour valorisation des produits locaux, Zabbaan-Institut, et Zabbaan-Agrofourniture.
Passionnée par le secteur agricole, l’entrepreneuriat et le développement, j’ai été chargée d’affaires chez Afnor certification après mes études au service grand compte et consultante junior, chargée de l’emploi et de l’entrepreneuriat des jeunes Africains aux Entretiens européens et eurafricains de 2012 à 2016.
J’ai lancé le Forum jeunes et sécurité alimentaire qui a vocation à sortir de l’isolement les PME évoluant dans le secteur agricole portés par des jeunes entrepreneurs issus de la diaspora.
J’ai lancé la Holding Zabbaan en 2016 au Mali et Zabbaan-Internationale en 2018 en France. A mes heures perdues, je suis consultante internationale pour les organisations internationales pour qui j’élabore des programmes et des projets dans le développement pour l’entrepreneuriat des jeunes en Afrique et la gestion des projets agricoles.
Quel sens donnez-vous à la Journée internationale des droits de la femme ?
Je donne beaucoup de sens au 8 mars. C’est une journée très symbolique pour moi, car je suis une jeune femme, cheffe d’entreprise qui évolue dans un secteur très compétitif dominé par les hommes. Je valorise la promotion de l’autonomisation des femmes sur toute la chaine de valeur agricole ainsi qu’au sein de l’entreprise Zabbaan. Depuis la création de Zabbaan-Institut à nos jours, nous avons formé plus de 500 femmes au Mali sur les métiers agricoles.
Nous devons toujours soutenir la promotion de l’emploi et l’entrepreneuriat des femmes. De plus, je dénonce plusieurs discriminations dont les femmes et les jeunes filles sont victimes dans le monde de l’entrepreneuriat en Afrique notamment leur accès difficiles aux financements.
“Rôle et place de la femme dans la refondation du Mali” est le thème national de l’édition 2022. Quel est votre point de vue à ce sujet ?
La femme malienne est une femme multiple qui gère la maison, ses projets et participe à la construction du Mali. Nous devons identifier la femme comme espoir de l’Afrique, dans un contexte où ce continent, confronté à la fois aux tensions politiques et économiques, aux poussées endémiques et épidémiques, est communément admis comme malade. Cela consisterait à postuler l’hypothèse que la femme serait la réponse à la problématique du développement.
Cependant, la considération de spécificités contextuelles, relatives au système de représentation, à l’organisation sociale, au statut de la femme oppose à cet enthousiasme expansif un procès social complexe. En ceci, semblent se déterminer les difficultés d’évaluation du rôle de la femme dans le changement social. Celle-ci, tour à tour, attributaire de fonctions de production, de reproduction ou communautaire, est en réalité soit occultée comme actrice de développement, soit surdéterminée dans sa capacité à générer une dynamique globale de transformation. Ces deux dimensions, ambivalentes, seront abordées au fil de notre réflexion, au travers de la hiérarchisation idéologique de l’activité féminine.
Quel bilan faites-vous de l’application de la loi 052 ?
Le Mali doit valoriser les femmes maliennes, mais malheureusement mon bilan pour la loi 052 est négatif pour le moment.
Est-ce que vous pouvez nous parler de votre association, entreprise, poste…
Le Groupe Zabbaan évolue dans le secteur de l’agroalimentaire équitable. Il s’affirme comme un acteur clé du développement et un partenaire fiable d’une croissance maîtrisée, volontaire et entraînante. Nous avons des compétences sur toute la chaine de valeur agricole de la production à la distribution des produits transformés et ou des matières premières issus de la savane africaine. Nous comptons plus de 50 000 petits exploitants agricoles dans notre réseau d’approvisionnement à travers le Mali au tour de 25 filières. Nous sélectionnons les meilleurs produits, en concertation avec les agriculteurs et dans toutes les régions productrices. Les agriculteurs n’ont pas le statut de fournisseurs, mais de membres actifs et engagés de l’entreprise à travers le réseau “Zabbaan Equity”. Nous disposons d’une usine agroalimentaire basée au Mali où nous produisons des gammes de jus fruités, de tisanes, confitures… 100 % naturels, nutritionnelle, délicieuse et équitable conçue à base de super-fruits, fleurs, feuilles, racines, tiges… d’Afrique de l’ouest.
Zabbaan a aussi une filiale de distribution en France créée en 2018.
Nous venons de lancer Zabbaan Institut dans la Holding qui est un est un cabinet de conseil et de formation professionnelle et de management spécialisée dans l’orientation, l’insertion professionnelle des lycéens, étudiants et entrepreneurs spécialisés dans le secteur agricole et scientifique.
En tant qu’entrepreneure ou leader féminin, avez-vous un message à l’endroit de vos sœurs et filles ?
Je leur dirais “Lancez-vous !”. Vous avez un projet et souhaitez en tester la viabilité ? L’auto-entrepreneuriat est le statut le plus adéquat ! Je crois beaucoup à l’entrepreneuriat des femmes et nous sommes prêtes à accompagner les porteurs de projets dans l’agroalimentaire à travers Zabbaan-Institut.
Aujourd’hui, au Mali, les jeunes femmes se tournent de plus en plus vers l’entrepreneuriat avec beaucoup de rigueur. De plus, la conciliation vie professionnelle et familiale n’est pas une difficulté majeure pour les femmes dirigeantes dans la création, la reprise ou le développement de leur entreprise.
Enfin, la plus grosse erreur qu’une petite entreprise puisse faire est de penser comme une petite entreprise. Je ne crois pas en l’échec. Il n’y a pas d’échec si l’on prend du plaisir à vivre l’aventure. La femme qui réussit est celle qui construit des fondations solides à partir des pierres qu’on lui a lancées.
Réalisé par El Hadj A.B. HAIDARA