Mme Konaté Fanta Diabaté, Maire de la Commune rurale de Kadiana : «Je ne suis pas là pour les petits conciliabules»

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Mme Konaté Fanta Diabaté est la Maire de la Commune rurale de Kadiana dans le cercle du même nom, région de Bougouni. Mme Konaté est la première femme à accéder à un tel poste au sein de cette collectivité de quelque 30.000 âmes réparties entre 18 villages et 6 hameaux, qui fait frontière avec la commune ivoirienne de Tingrèla. A 58 ans, elle affiche une forte détermination à booster le développement local. Très joviale et généreuse, elle est décrite comme une amazone motivée et courageuse. Le 13 juillet 2024, la Maire de la Commune rurale de Kadiana nous a reçus pour un entretien à bâton rompu.

Entre Mme Konaté Fanta Diabaté et le fauteuil de Maire, c’est un véritable coup du sort. Elle était troisième sur la liste d’alliance Cds-Sadi, arrivée en tête aux élections communales de 2016 dans la commune rurale de Kadiana.

Suite à un «complot orchestré», le maire Zoumana Sangaré est révoqué de sa fonction. Selon la loi, c’est la deuxième personne sur la liste arrivée en tête qui monte pour officier. Et cette dernière a été rappelée à Dieu. Ainsi, Mme Konaté Fanta Diabaté devient maire à la grosse déception de ceux qui voulaient profiter de la révocation de Zoumana Sangaré pour récupérer le fauteuil. «Je n’ai jamais pensé être un jour maire», nous confie-t-elle.

Ayant abandonné les études après l’obtention du Certificat d’études primaires (Cep), la jeune Fanta avait été sélectionnée pour suivre une formation de «matrone rurale» sur instruction d’un ministre de la république de l’époque. Ce chemin se refermera rapidement suite à son mariage.

Sens de l’organisation et leadership au niveau local

Réduite à son statut de femme de ménage, elle travaille à faire prévaloir son sens de l’organisation et son leadership au niveau local. Elle organise les femmes de son secteur en petits regroupements autour de «Tontines». Dont chacune des membres verse 100 FCFA par semaine dans la caisse. Le montant collecté leur est redistribué pendant l’hivernage pour les aider. Riche de ses initiatives, , Mme Konaté mettra par la suite en place «Malo sémè Ton» qui ne tardera pas à être transformée en coopérative de riziculture. A la différence de la tontine, l’argent de la coopérative permet de consentir des prêts aux membres. Lesquels, à la fin des récoltes,  sont reversés dans la caisse. Un système de redistribution d’argent qui permet aux membres de s’épanouir.

Mme Konaté s’est vite taillée une réputation de  redoutable gestionnaire de ces fonds collectés. Sa renommée rapidement dépasse les frontières de son village. Une somme d’expériences qui est très utile à la militante du Parti Sadi dans le management de l’équipe communale.

Depuis son installation dans le  fauteuil de Maire en 2016, Mme Konaté Fanta Diabaté œuvre à consolider ses acquis. Sa vision axée sur leur programme de campagne  vise à voir en Kadiana une commune prospère où il fait bon vivre.

Sur le plan sanitaire, la commune dispose d’un Centre de santé communautaire et des maternités rurales, dont certaines manquent d’équipements et de personnel qualifié.

La Mairie, explique sa première responsable, n’a pas assez de moyens pour assurer la prise en charge du personnel médical. Les 4 motos du Cscom étaient en panne. Une seule a été réparée grâce au soutien de la mairie, qui lui en en outre offert une neuve. La mairie intervient aussi à travers des dotations en carburant à l’équipe médicale en charge de la vaccination  dans les villages. «Les enfants et les femmes enceintes sont les plus concernés par cette vaccination ».

Kadiana ne dispose pas d’ambulance ni de centre de santé de référence. Les cas d’urgence  y compris les parturientes devant subir une césarienne sont transportées à Kolondiéba, distant de 60 km. L’ambulance, souligne l’édile, quitte Kolondiéba pour venir évacuer les cas d’urgence. «Mon ambition est de trouver les moyens nécessaires pour assurer une couverture sanitaire efficace à l’ensemble des populations. Nous sommes loin de Kolondiéba. Ce matin, (ndrl l’entretien a eu lieu le samedi 13 juillet), l’ambulance est venue ici pour évacuer une femme enceinte. La commune de Kadiana a besoin d’une centre de santé de référence pour une meilleure prise en charge des populations».

Doter la commune des infrastructures scolaires avec des enseignants qualifiés

Maire, mère et grand-mère, Fanta Diabaté fait part de ses profondes inquiétudes face à la prolifération des cabinets médicaux privés qui poussent comme des champignons.

En droite ligne du programme dont elle a hérité de son prédécesseur, elle nourrit de grandes ambitions dans le domaine de l’éducation. Actuellement, la commune est confrontée à un manque criard d’enseignants. Un jour, raconte-t-elle, les élèves sont venus envahir les locaux de la mairie pour protester violemment contre ce problème. Une journée cauchemardesque et un souvenir inoubliable pour l’élue locale. Mme Fanta Diabaté sollicite l’Etat et les partenaires pour aider sa collectivité à se doter d’infrastructures scolaires et d’enseignants qualifiés. Les écoles communautaires sont confrontées à beaucoup de problèmes, selon elle. Elle veut un lycée public et une école de formation professionnelle. Ces infrastructures permettront de réduire de façon considérable le taux d’abandons de l’école par les enfants. Kadiana a besoin d’un centre d’alphabétisation pour les femmes et les jeunes filles afin de mieux les préparer à la vie active.

L’accès à l’eau potable et la construction des petits barrages de retenue d’eau pour le développement des activités de maraîchage et d’élevage constituent des préoccupations majeures pour elle, «malgré les nombreux efforts de notre équipe, il y a un problème d’eau ici. J’insiste sur l’accès potable. Mon équipe et moi voulons installer des forages partout pour permettre aux populations d’avoir accès à l’eau potable ».

A Kadiana, avoue-t-elle, l’accès aux intrants agricoles est problématique. Elle est convaincue que l’augmentation du quota attribué à sa commune contribuerait à l’essor du secteur agricole.

La construction des petits barrages de retenus d’eau, plaide-t-elle, sera un atout de taille pour le développement des activités agro-pastorales. Pour renforcer la sécurité alimentaire, elle place beaucoup d’espoir en l’aménagement des plaines. Et lance un appel au gouvernement et aux partenaires afin que soit réalisée ce projet d’envergure. Kadiana est très riche en plaines et les terres sont propices à la culture de plusieurs variétés.  Une aubaine pour le développement des activités de maraîchage. Elle cherche des financements aux projets des jeunes (embouche, aviculture) pour freiner la migration des bras valides.

Avec le développement du trafic routier mais aussi la position stratégique de la commune, Mme Fanta Diabaté est d’avis que Kadiana doit être l’une des vitrines du Mali. Par conséquent, défend l’édile, la commune doit bénéficier des projets structurants. Elle appelle à l’implantation des usines de transformation des produits locaux, notamment le beurre de karité, la noix d’acajou, le riz sans oublier l’aménagement des pistes rurales.

Soucieuse d’un cadre de vie saine et protectrice de l’environnement, elle déplore la déforestation. Aucun respect des règles de la part des prédateurs, dénonce-t-elle. Mme la Maire appelle à un contrôle strict de la coupe des bois pour une meilleure protection de l’environnement. Elle plaide pour une collaboration dynamique entre le service local des eaux et forêts et la collectivité.

Électrification de Kadiana, un vœu cher à Mme le maire

L’électrification de la commune est au cœur au programme de Mme le Maire. Sous l’égide de Zoumana Sangaré, un premier projet a été avorté avec un partenaire privé. Elle veut l’accélération du projet d’installation d’un champ solaire avec l’agence des énergies renouvelables. Déjà, un espace de 2 hectares a été délimité pour accueillir ce champ, revèle-t-elle. Mme Konaté Fanta Diabaté pense aussi à l’actualisation du plan d’aménagement de la commune qui s’agrandit de jour en jour.

Dans la gestion de l’épineux dossier du foncier, elle affiche une grande prudence face à «une mafia qui privait la mairie d’énormes ressources avant l’arrivée en 2016 de son équipe». Elle a suspendu les délivrances foncières depuis 11 mois avant de mettre en garde tout conseiller qui prendrait de l’argent avec des gens pour des parcelles. «Celui qui prend de l’argent va rembourser», lance-t-elle. Et d’ajouter : «je ne suis pas là pour les petits conciliabules entre élus au détriment de l’intérêt général». Pour elle, le bien public est sacré. Elle pense à laisser des traces d’une élue responsable, intègre et rigoureuse dans la gestion communale. «Personne ne va m’humilier et personne ne va me pousser à faire un usage malsain du bien public. Mes enfants et petits-enfants ne seront pas pointés du doigt. Ils auront la tête haute». Selon elle, un accent particulier doit être mis sur la formation des conseillers afin qu’ils maîtrisent parfaitement leurs missions dans le développement local.

Calme, elle se veut ferme face à certains agissements. Elle a menacé de ne pas ordonner le paiement des indemnités d’un conseiller qui voulait s’abstenir de trois sessions consécutives. Son prédécesseur a été très clément face à certains comportements, à son avis.

Détermination face aux actions de sabotage

L’exercice de la fonction de maire est loin d’être un long fleuve tranquille pour Mme Konaté Fanta Diabaté. Dès son investiture, elle n’a pas tardé à affronter l’adversité. Certains ont pleuré à chaudes larmes au motif qu’ «une femme ne peut pas s’asseoir devant nous sur la table». Elle fait face une véritable opposition de la part de conseillers dont certains ont juré de tout mettre en œuvre pour la faire échouer. Mme le maire rappelle volontiers ces propos de l’un des adjoints : «tant que nous sommes-là, elle n’aura pas la paix. Nous allons tout faire pour saboter sa mission». Et malheureusement, des femmes figurent sur cette liste de conseillers-opposants. Pire, il y a une conseillère communale qui est venue une seule fois à la mairie depuis son installation dans le fauteuil de maire. Depuis Bamako, de membres d’une association de ressortissants de la commune l’appelaient nuitamment au téléphone pour la menacer non sans lui insulter mère et père. Une stratégie, selon elle, qui visait l’amener à renoncer à sa fonction. Ils sont partis jusqu’à écrire aux autorités compétentes afin de déchoir la maire pour cause d’incapacité à assumer la fonction de maire.  «Un jour, au cours d’une session, j’ai pris un caillou pour les dissuader. J’ai fait des incantations avant de le mettre dans mon sac. Pendant plusieurs jours, j’ai gardé ce caillou sur moi », détaille-t-elle avec un large sourire.

La dernière tentative de déstabilisation de l’édile consistait à obtenir le départ de la secrétaire générale, une jeune juriste qui s’investit personnellement dans le développement de la commune. La maire forme avec la secrétaire générale de la mairie, Mme Maïmouna Diarra, un tandem assez rare dans une collectivité. «Je chemine avec ceux et celles qui veulent construire. Ma philosophie est que tous ceux qui sont animés par une volonté de détruire ne peuvent pas construire et que ceux construisent ne peuvent pas détruire».

Pour elle, il n’est pas question de céder sous la pression. «Je ne me laisse pas faire et je compte mener à bout ma mission au service de nos populations qui aspirent à un développement harmonieux…Ils pensaient que ma patience, ma retenue face à leurs agissements était un signe de faiblesse. Avant je pleurais, parce que je n’avais pas l’habitude de discuter avec les hommes. Mais aujourd’hui, j’ai appris beaucoup de choses».

Motivée, courageuse, disponible

Elle met ces agissements sur le registre du règlement de compte politique. «Ils nous combattent pour des raisons politiques et non pour des questions de développement». Sans haine ni rancune, la maire appelle au rassemblement de l’ensemble du Conseil communal autour de l’essor de la collectivité. Elle les invite à abandonner la posture de la défense des intérêts partisans au profit du développement communautaire au profit des populations. Mme le maire entretient d’excellentes relations avec les chefs de villages, les femmes et les jeunes. Pour elle, aucun sacrifice n’est de trop pour servir la communauté. Et chaque jour, Mme le maire parcourt 38 km derrière une moto pour accomplir son devoir.

Veuve, elle rappelle que son défunt mari ne s’est jamais opposé à ses activités politiques. «C’est son mari qui nous a donné son nom pour qu’elle soit sur la liste», lance Zoumana Sangaré, ancien maire de Kadiana. Reconnaissante et loyale, elle ne compte pas s’écarter de la ligne de conduite tracée par son prédécesseur, un homme qui reste populaire au sein de la commune grâce à ses nombreuses réalisations. “Après mon installation, confesse-t-elle, j’ai tenu à ce que Zoumana Sangaré m’accompagne dans mon village afin que les siens sachent que je ne suis pas une traître.

«Elle est motivée. Elle est très courageuse. Elle est disponible pour la commune», complimente la secrétaire générale de la Mairie, Mme Maïmouna Diarra.

Chiaka Doumbia, envoyé spécial à Kadiana. 

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