Femme et albinos ! Ce sont certainement deux «obstacles socioculturels» que Mme Gnama Koné a dû surmonter pour se hisser au sommet de sa hiérarchie professionnelle et s’imposer dans le syndicalisme au Mali. Avec sa franchise tranchante et irréductible quand il s’agit de défendre ses principes et ses valeurs, elle s’est frayée un chemin à la poste malienne et dans le syndicalisme. C’est à cette Nyéléni que nous consacrons cette année notre portrait de mars, le mois de la Femme !
«L’albinisme n’est pas une fatalité» ! Telle est la conviction de Mme Gnama Koné, la grande Nyéléni de la poste et du syndicalisme. «C’est plutôt un handicap qui ne doit pas empêcher d’évoluer dans la vie», ajoute cette dame engagée que nous avons côtoyée et appréciée au sein du Conseil d’administration d’Accountability Lab Mali (ALAB/Mali) qu’elle préside depuis 2016. Et de rappeler, «je suis une créature de Dieu et je me considère comme un être humain. Je suis une albinos et cela n’a pas forcément influencé mon parcours professionnel. J’ai été plutôt favorisée par ma compétence, mon intelligence et mon dévouement au service». Elle reconnaît plutôt, «j’ai été plutôt victime de mon franc parler et de mon intégrité. Ça continue et je sais aussi que cela va continuer jusqu’à la fin de ma carrière professionnelle».
Sénoufo (famille originaire du cercle de Kadiolo), Gnama a vu le jour à Koulikoro. Inspectrice des postes et des services financiers, cette passionnée de musique, de lecture et surtout de cuisine est surtout une redoutable syndicaliste qui a fait ses preuves dans les syndicats de la poste et aussi à l’Union nationale des travailleurs du Mali (UNTM). «C’est l’intégrité qui m’a poussé vers le syndicalisme. Je suis adepte du travail bien fait et je me bats pour la redevabilité, l’égalité des droits, la justice sociale, le partage équitable des ressources, la probité, l’honnêteté…», nous confie celle qui porte la cinquantaine avec charme et élégance.
Présentement cheffe de service contrôle de qualité à la poste, Gnama est membre du Syndicat national de la poste (SYNAPOSTE) ainsi que du Syndicat national des postes et des télécommunications (SYNAPOSTEL). Elle est aussi vice-coordinatrice de l’Alliance syndicale nationale migration (ASNAM) et Point focal du Réseau syndical migration méditerranéenne subsaharienne (RSMMS) basé à Tunis, en Tunisie. Il s’agit d’un réseau qui s’occupe de la gestion des questions migratoires dans les zones du Maghreb, de l’Afrique du subsaharienne et de certains pays d’Europe.
Une Amicale pour mieux accompagner les femmes de la poste
«Au contraire, j’ai été handicapée par mon engagement syndical. Comme nous le savons tous au Mali, être honnête, dire la vérité et être juste ne font pas gagner. L’attribution de bonnes notes et de bons postes est axée sur le favoritisme et le népotisme…», a répondu notre Nyéléni du mois quand nous lui demandons si le syndicalisme a contribué à son brillant parcours professionnel. «Il n’est pas facile pour les femmes de percer dans I’univers syndical à cause de beaucoup de contraintes, notamment les pesanteurs socioculturels, le non-respect des droits de la Femmes au travail, le harcèlement», déplore l’influente syndicaliste. «Pour percer dans ce milieu, il faut surmonter le poids social ; les inégalités à l’égard du genre féminin, les discriminations, la misogynie…», explique Gnama.
L’Amicale des femmes de la poste (AEP) a certainement vu le jour (sous sa direction) pour revaloriser les postières en leur donnant la place qu’il faut dans les différents services. «L’émancipation et l’épanouissement des femmes de la poste ont motivé sa création», reconnaît sa présidente, Gnama Koné. L’AEP est une association apolitique (et non lucrative) qui œuvre à établir des relations de connaissance, d’entente, de coopération et de solidarité entre ses membres, d’une part ; et avec toute autre personne physique et morale, d’autre part. De sa création à nos jours, elle a facilité la collaboration avec les femmes d’autres associations. Apportant un soutien judicieux et non complaisant à la Direction générale de la poste, l’AEP contribue aux activités de développement de l’entreprise, au maintien de la paix et de la cohésion sociale au sein de l’entreprise à travers, entre autres, l’organisation des activités créatives.
Même si c’est un cercle qui cultive le plus souvent la misogynie, la syndicaliste chevronnée est convaincue que le syndicalisme peut aussi offrir des avantages socioprofessionnels à la Femme. Il peut être ainsi un tremplin de l’émancipation féminine à travers l’auto-organisation, la formation, le leadership, l’esprit d’équipe, l’entraide, la cohésion… Et cela même si le syndicalisme a évolué avec le temps. «A mon avis, les valeurs syndicales s’effritent petit à petit car nous assistons à une politisation du monde syndical», déplore Gnama Koné. «Les négociations se valorisent dans les revendications pour aboutir à de bons résultats. Le caractère individuel ou sectoriel des revendications se multiplie de nos jours et le dialogue social a pris le dessus», conclut la syndicaliste émérite déterminée à se battre pour les valeurs qui l’ont poussé vers le syndicalisme.
Moussa Bolly
Une carrière boostée par l’amour du métier
«J’ai intégré la poste au dernier trimestre 1990… La poste est un choix du cœur et je me suis imposée par mon amour pour le métier de postier que j’ai passionnément aimé» ! C’est ce que nous avoue Gnama Koné, la Nyeleni du syndicalisme au Mali. «J’ai toujours voulu travailler à la poste. Sinon, après le Bac, j’avais été orientée à l’Ecole des hautes études pratiques (EHEP), un établissement qui était vivement convoité à l’époque. J’aurais donc pu devenir par exemple Secrétaire bilingue», nous précise la postière. Après avoir décroché un Bac en sciences humaines (SH), elle a fréquenté l’Ecole nationale des postes et télécommunications (ENPT) de Bamako (série Contrôleur service général) de 1987 à 1989. Gnama a intégré la Fonction publique près le Service national des jeunes (SNJ) en 1990.
Avide de connaissance, elle fréquente en 2009 l’Ecole multinationale supérieure des postes d’Abidjan (EMSP). Cette battante a débuté sa carrière professionnelle comme contrôleur de guichets à Sikasso puis à Koulikoro. Elle a par la suite assumé les responsabilités de cheffe de section surface, réseau postal national et international. Elle fut aussi responsable des Boîtes postales, puis du magasin général avant d’être celui du Centre autonome de distribution des courriers (GADC) et de celui de la comptabilité des bureaux (CCB).
Aujourd’hui, Mme Gnama Koné est cheffe de Service contrôle de qualité à la poste. Et même si elle n’a pas encore bénéficié d’une reconnaissance méritée pour ses bons et loyaux services rendus à la nation, à travers la poste et le syndicaliste, elle n’est pas prête à baisser les bras dans la défense de son entreprise, de sa corporation, de la patrie et surtout des valeurs comme la redevabilité, l’intégrité, la conscience professionnelle, la rigueur morale… !
M.B