MISAHEL : Paniers du cœur et marchés de dupes

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Le 14 juillet dernier, la MISAHEL  (Mission de l’Union Africaine au Mali et au Sahel)lançait sa première activité humanitaire au Mali : les « Paniers du cœurs  »! Sans doute pour assurer le volet « Développement » de sa mission et installer encore un peu plus les populations maliennes dans une assistance suicidaire. Il eût mieux valuque la MISAHEL s’inspirât de la sagesse chinoise qui préconised’apprendre à l’individu à pêcher lui-même son poisson pour satisfaire ses besoins vitaux au lieu d’attendrele poisson avarié qui lui tombera dans le bec et finira par le tuer.

A sa décharge, le Malien d’aujourd’hui est si habitué à vivre d’aumônes pompeusement rebaptisées AIDES, qu’il ne saurait reconnaître un filet de pêche, à plus forte raison s’en servir. Notons qu’en anglais, AIDESse traduit par AIDS qui est aussi le sigle de « AcquiredImmunoDeficiencySyndrome », en français,Syndrome d’ImmunoDéficienceAcquise, plus connu sous le nom de SIDA. Une personne est atteinte du sida quand une ou plusieurs maladies opportunistes se déclarent, suite à la destruction de plusieurs cellules de son système immunitaire par le Virus de l’Immunodéficience Humaine (VIH).

L’aide et ses effets perversagissent comme le VIH en infectant le corps social malien et détruisant peu à peu sa capacité de résistance. Les maladies opportunistes quitémoignent que notre sociétédéveloppe les symptômes de la maladie sont,parmi d’autres: corruption, misère, malnutrition qui empêche le développement normal du cerveau des enfants, « religionite aiguë » de la société qui favorise un fatalisme léthal, « junglirisation » de la société où la justicedéfend le plus fort, souvent le plus mafieux, dévalorisation du travail qui conduit à faire du vol assassin la valeur sociale cardinale, « analphabétisation »qui transforme l’analphabétisme en progrès, l’objectif étant devenu que le plus crétin et le plus médiocrepuisseobtenir par tous les moyens possibles (hormis le travail) un parchemin qui n’a plus aucune valeur.

Pourquoi est-ce si difficile pour les parents maliens de comprendre que l’éducation ne se réduit pas à un bout de papier obtenugrâceà la triche età la corruption ? Pourquoi ne comprennent-ils pas que seules l’éducation et la formation peuvent assurer à leurs enfants un emploi bien rémunéré? Uneétude de l’OCDE met en avant le rôle de l’éducation et de la formationdans l’accès à l’emploi et la hausse des revenus :« L’amélioration des qualifications de la main-d’œuvre a elle aussi eu un impact notable sur la croissance de l’emploi. Ainsi, la progression du niveau d’études moyen semble avoir été le tout premier facteur contribuant non seulement à une diminution de la dispersion salariale chez les travailleurs, mais aussi à une hausse des taux d’emploi.». Ceci est encore plus vrai pour les pays émergents et en voie de développement.

Une autre étude ,toujours réalisée par l’OCDE et plus spécifiquement axée sur les pays émergents, relève qu’un « défi de taille pour les pouvoirs publics est l’investissement dans des politiques qui favorisent le relèvement des qualifications de la main-d’œuvre. …Lorsque ces progrès sont plus largement partagés, contribuant ainsi à l’amélioration des compétences de la main-d’œuvre dans son ensemble, ils sont également associés à des taux d’emploi et des salaires moyens plus élevés ». «…Pour les économies émergentes, développer la formation professionnelle… pourrait non seulement améliorer les taux d’obtention de diplômes au niveau national, mais aussi contribuer grandement à faciliter la transition école-travail… Lorsque la formation professionnelle théorique est associée à un apprentissage sur le terrain… les jeunes peuvent, à leur sortie du programme, avoir des compétences immédiatement utilisables dans le travail, sans formation complémentaire ou presque ».Qui s’étonne encore que notre pays malade ait fini par s’affaisser parce que consumé de l’intérieur, quand ce sont des analphabètes (sans offense) ayant payé leur ticket pour siéger à l’Assemblée Nationale qui ratifieront l’accord de Défense franco-malien ?

Mais l’espoir reste permis car tout le monde n’est heureusement pas infecté et le mal peut être jugulé, pour peu que nous, citoyens, décidions de reprendre nos droits, d’user du pouvoir qui nous revient et de nous mettre au travail. Les aides diminuent et si l’on ne veut pas mourir étranglé par les prêts qui prennent le relais, il est temps de comprendre que rien ne se construit sans effort ni mérite. Comme pour toutes les maladies, la rémission n’est possible qu’avec la participation active du malade. Vous comprenez bien que ce ne sont ni les bailleurs de fonds, ni nos politiciens « frankensteiniens » dépassés par le monstre qu’ils ont créé, qui nous remettront sur pied !

Pour en revenir aux « Paniers du cœur », nous apprenons que la SODIMA (Société malienne de distribution)spécialisée dans l’importation de nombreux produits alimentaires, a participé à cette opération avec une« donation de quatre (4) tonnes de sucre et d’huile »permettant « d’apporter un soutien alimentaire et nutritionnel à environ mille (1000) familles kidaloises et bamakoises pendant un mois ». Et si cette entreprise commerciale qui semble si soucieuse du bien-être descitoyens maliens, payait plutôt toutes ses taxes et ses impôts, combien de familles maliennes pourraient envoyer leurs enfants à l’école et se soigner, combien de fonctionnaires compétents pourraient être payés décemment pour enfin fournir un service de qualité minimale aux citoyens ?En tant qu’entreprises importatrices, la SODIMA et ses sœurs ne sont véritablement généreuses qu’avec les pays où sont fabriqués les produits importés et où sontcréés valeur ajoutée et emplois. Les seuls qui s’enrichissent ici grâce au commerce sontnos chers rentiers suceurs de sang nationaux, dont les fonctionnaires des Impôts et des Douanes,sans oublier nos hommes politiques financés par commerçants et douaniersdont certains finissent par investir eux-mêmes le champ politique : on n’est jamais mieux servi que par soi-même !

Pour finir, Pierre Buyoya a exhorté les acteurs du secteur privé malien à suivre l’exemple de la SODIMAet « faire en sorte que cette solidarité africaine ne soit pas un vain mot ». « Par vos dons, vos contributions, vous, Maliens, vous pouvez agir en faveur de la paix au Mali, et faire en sorte que votre pays retrouve sa dignité éprouvée. Grâce à vos contributions, ces familles sauront que vous ne les oubliez pas et que, eux aussi, font partie de cette grande famille du Mali ». Il commence à faire marre d’entendre toujours et encore ces sermons soporifiques proférés par tous ceux qui vivent de notre misère. La paix au Mali ne passe pas par ces dons qui n’ont pour seule mission que d’affaiblir le système immunitaire de notre corps social pour ensuite lui injecter des drogues dures sorties tout droit des laboratoires des institutions internationales. Elle passeplutôt par un travail qui permette de gagner sa vie décemment et de ne plus la perdre à la gagner, par unemeilleure politique fiscale à travers la collecte et la redistribution efficiente des taxes et impôts dans les services sociaux de base dont tous les citoyens pourront bénéficier.

D’aprèsl’étude de l’OCDE évoquée plus haut, « Si l’objectif principal des services sociaux est… de fournir une instruction décente, des soins de santé de base et un niveau de vie acceptable pour tous, leur fonction est bien redistributive. Dans l’ensemble de la zone OCDE, ils ont réduit les inégalités de revenus d’un cinquième en moyenne, et leur part du PIB et leur impact redistributif sont restés constants tout au long des années 2000 ». Néanmoins dans les pays émergents et encore plus les nôtres, « globalement, dans les conditions actuelles de travail informel et d’évasion fiscale à grande échelle, le rôle redistributif de la fiscalité reste limité. Changer cette situation prendra probablement du temps, à moins que les pays ne mettent rapidement en place les moyens d’élargir la base d’imposition et de réformer l’administration fiscale  ».

Inégalités sociales et insécurité
Tous ces mercenaires internationaux censés faire régner la sécurité s’assurent quand même une vie de rêve dans un monde de misère au nom de l’insécurité. Insécurité créée par des insatisfactions sociales auxquelles les politiques ont renoncé à apporter des solutions par amour du pouvoir et/ou de l’argent. Mettez-vous à la place du fantassin de l’armée internationale : si votre gagne-pain dépendait de la misère de vos semblables, chercheriez-vous à tarir la source de vos revenus ? Le fracas de toutes les armes du monde ne pourra pas étouffer les cris de tous ceux qui souffrent, ni arrêter les gestes désespérés de ceux qui n’ont plus rien à perdre. Les détenteurs de la pseudo vérité auto révélée desindices Dow Jones, Cac 40,Euronext et autres Nikkeiont beau jeu de convoquer l’ONU pour dépenser des milliards à traquer les «terroristes». Une ONU qui ressemble de plus en plus à la Société Des Nations (SDN) dissoute pour impuissance etqu’elle a remplacée au lendemain de la 2nde Guerre Mondiale. Son rôle n’est pas d’assurer le service après-vente pour le compte de multinationales et de marchands d’armes, mais plutôt de préconiser l’amélioration des conditions de vie des populations. Cela reviendrait bien moins cher et serait bien plus efficace pour endiguer les idées et actions extrémistes.

Au contraire, il faut appauvrir de plus en plus les populations pour que de moins en moins de gens deviennent de plus en plus riches. L’OCDE ne dit pas autre chose quand elle constate qu’ « Au cours des deux décennies qui ont précédé la crise économique mondiale actuelle, le revenu réel disponible des ménages a augmenté en moyenne de 1.7 % par an dans les pays de l’OCDE. Dans une grande majorité de ces derniers, toutefois, le revenu des 10 % de ménages les plus riches a progressé plus vite que celui des 10 % les plus pauvres, de sorte que les inégalités de revenus se sont amplifiées  ». Elle prévient : « Les inégalités soulèvent aussi des défis politiques, car elles nourrissent un certain ressentiment social et engendrent une instabilité politique.Elles peuvent aussi nourrir le populisme, le protectionnisme et un courant antimondialiste. Les peuples ne supporteront plus le libre-échangisme et l’ouverture des marchés s’ils estiment y perdre quand un petit groupe de gagnants ne cesse de s’enrichir ».

La comparaison entre la répartition des richesses au niveau mondial et celle des pays à fort risque sécuritaire se passe de commentaires.

Au Niger, pays le plus pauvre du monde mais quatrième producteur mondial d’uranium et deuxième fournisseur du groupe nucléaire français Areva,l’accord avecce dernierest très critiqué et les syndicats menacent d’agir. En Afrique du Sud, les mineurs ont réclamé et gagné… Il est vrai que c’est un syndicat radical (AMRU) en rupture avec le Parti au pouvoir qui a mené le combat .Et pour tous ceux qui pensent que leur vie n’est pas entre leurs mains, il semblerait que Dieu ait suivi ceux qui ont décidé de se battre pour obtenir des augmentations de salaires.Depuis, « Les grèves en Afrique du Sud se multiplient et paralysent l’économie sud-africaine mais également certaines productions étrangères présentes sur le continent. C’est le cas du constructeur automobile japonais Toyota . »Les individus se battent comme ils peuvent pour survivre avant de vivre. Assurez leurs besoins fondamentaux pour les sortir de la survie, créez les conditions pour qu’ils puissent améliorer leur vie s’ils le souhaitent, et les sociétés seront bien plus apaisées, sécurisées : c’est le rôle du politique qui ne doit pas être au service de l’économie. Quand l’inverse advient, cela génère une insécurité sociale qui s’accompagne toujours de violences qui ne sontque l’expression d’insatisfactions sociales.

Demandez donc aux mineurs et aux orpailleurs maliens ce qu’ils en pensent. Le Mali, troisième pays producteur d’or africain après l’Afrique de Sud et le Ghana, produit annuellement environ 50 tonnes d’or (70% des exportations totales du Mali) qui ont généré1.028,1 milliards de Fcfa de revenus en 2012. Sur cette somme, 275,626 milliards de Fcfa(26,81%) ont été versés dans l’économie nationale , équivalant à 8% du PIB.Par simple soustraction, nous déduisons que73,19% des revenus générés par le secteur minier échappent au Mali. Dont acte ! Et nous ne parlons que des revenus officiellement déclarés, auxquels il faudrait rajouter tous les dégâts sanitaires et environnementaux causés par cette activité et qui restent à la charge des Maliens qui n’en peuvent mais…
Et les mineurs, bénéficient-ils du fruit de leur travail ?Le site de la Chambre des Mines nous informe que le montant des salaires versés en 2012 par les sociétés d’exploitation minière s’est chiffré à 33,20 milliards Fcfa, soit 3,23% des1.028,1 milliards de Fcfaofficiellement générés par le secteur minier et 12% des275,626 milliards versés au Mali. Nous aimerions savoir qui profite réellement au Mali des 88% (242,43 milliards)qui ne vont pas aux travailleurs… Assurément pas nos écoles, ni nos hôpitaux, ni nos routes, ni nos foyers…

Contrats douteux ? Le FMI gronde, le Pacte Mondial veille !
La demande d’éclaircissements du FMI sur des contrats douteux a poussé certains responsables àdénoncer une atteinte à la souveraineté du Mali. En revanche,que les Maliens demandent des comptes, ils n’ont droit qu’à un mépris souverain de la part des mêmes. Mais les Maliens ont le droit de savoir où sont engloutis les fonds qui leur appartiennent, car qu’ils soient prêtés par le FMI ou non, ce sont nos impôts qui y passent.
Si l’on en croit un journal  dans lequel notre Président aime bien se répandre, un contrat de 69 milliards de Fcfa, d’une durée de trois ans, passé entre la société Guo-Star et le ministère de la Défense,jugé trop opaque,chiffonnerait le FMI et par ricochet, les bailleurs de fonds internationaux. Mais pourquoi le FMI s’inquiète-t’il ? Ce contrat a été conclu avec trois sociétés françaises et donc, il faut le souligner, non chinoises:

-Acmat, une filiale de Renault Trucks Defense spécialisée dans les véhicules tactiques légers de reconnaissance, d’appui ou de transport de troupes etdont « L’offre comprend également une gamme de services associés comme … des solutions de financements spécifiques, de la formation » .

-Magforce,qui adhère au Pacte Mondial  dont le dixième et dernier principe annonce « Agir contre la corruption sous toutes ses formes, y compris l’extorsion de fonds et les pots-de-vin
».
-Et enfin Soframa qui vend de la friperie et du surplus militaire.
De quoi se plaint donc le FMI ? Le Mali a bien tiré la leçon de la fuite opportune des services du FMI il y a quelques mois, concernant d’autres contrats favorables aux Chinois. Le FMI, fidèle à sa logique ultra-libérale, est-il en désaccord avec la stratégie de diplomatie économique de la France ? Pourtant, les entreprises françaises choisies proposent, pour l’une, des solutions de financement et pour l’autre, de ne pas céder à la corruption, cela ne suffit-il pas à justifier le choix du Mali ? Quant à nous Maliens, chair à canon d’un système de dupes, ancrés dans une réalité bien éloignée des opérations de communication mirages du désert, nous savons bien que d’où que viennent ces contrats, nous serons toujours les grands perdants quipaieront l’addition avec notre sang.

Coup d’œil dans le rétroviseur pour voir où l’on va
C’était peu avant la débâcle de notre armée à Kidal. Il me semble instructif de revenir sur les déclarations de Père et Fils pour mesurer tout le pathétique de la chose politique par rapport à ce qui se passera quelques mois plus tard. Dans une interview à Jeune Afrique , Papa (non, pas Hollande, l’autre) déclarait : « Je suis plus que jamais de gauche. Je crois en certaines valeurs fondamentales: partage, solidarité, respect. Je suis sensible au sort du peuple et nul n’a jamais fait appel en vain à mon aide et à mon appui. C’est tout cela qui nous unit, nous, les sociaux-démocrates du monde. Quand François Hollande me tutoie et me rappelle le déjeuner que nous avons eu ensemble au congrès de Brest du parti socialiste en 1997, ce n’est pas un artifice. Nous sommes des camarades portés par les mêmes valeurs. » On croirait une tirade sortie tout droit d’un film de propagande soviétique.

A nos pères, Hollande etIBK quipartageraient les mêmes valeurs de gauche (on ne ricane pas s’il vous plaît, j’ai dit un film soviétique, pas comique), nous aimerions rappeler les raisons de l’engagement soudain de fistonen politique, quin’auraient rien à voir avec l’élection de son père, bien sûr. Voici ce qu’il déclarait dans une interview: « J’avoue que ce qui m’a vraiment motivé et qui a fait que je ne voulais pas du tout rater cette élection, c’est les évènements par lesquels notre pays est passé ces deux dernières années : la crise du Nord, l’effondrement de l’Etat. J’ai eu mal, très mal et je me suis dit qu’il fallait qu’on s’implique, qu’on mette la main à la patte  ». C’est un bel exemple à suivre par tous les Maliens car comme l’a écrit si justement Edmund Burke, homme politique tendance très libérale et philosophe irlandais du 18ème siècle : « Pour triompher, le mal n’a besoin que de l’inaction des gens de bien ». Ne rien faire, c’est laisser faire et en laissant faire, nous sommes tous, où que nous soyons, responsables de ce qui nous arrive. Il est donc temps de mettre la main à la pâte!

Nous aimerions conclure par une dernière déclarationde fiston : « N’oublions pas qu’une de nos victoires, c’est aussi le départ de l’Opération Serval et de la Minusma. Parce que le jour où elles partent, ça voudrait dire que nous avons réussi nous-mêmes à gérer notre propre sécurité. » D’après vous, la victoire, c’est pour quand ?
Aïda H. Diagne
21/07/2014
aidah.diagne@gmail.com

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