En représailles aux excès de jeunes patrouilleurs qui ont exécuté de malheureux citoyens à Bamako, les bouchers de la capitale malienne étaient allés en grève il y a plus d’une semaine. Ce débrayage n’est que le signe avant-coureur d’un possible effritement prononcé de l’Etat, un déséquilibre qui n’est pas propre au Mali seul. C’est à croire que la poussée terroriste au Sahel fait place à des Etats parallèles.
Ce qui est davantage énonciateur de l’effritement, c’est que les Maliens ont montré moins d’indignation face à un drame qui aurait pu arriver à n’importe qui. Si les gouvernants n’ont pas montré les muscles face aux milices à la faveur de cette bavure, l’opinion nationale n’a pas été indignée, elle fut avare en matière de condamnation des crimes commis.
L’attention du public malien a été portée sur la grève des bouchers, mais les communiqués déplorant les dérives des patrouilleurs civils se sont fait attendre. L’on sait que ces citoyens qui ont volontairement choisi de surveiller leurs localités sont le plus souvent en contact avec les forces de défense et de sécurité, mais cela ne les empêche pas de tomber régulièrement dans l’erreur du genre.
Avant les bouchers de la commune I du district de Bamako, des civils impliqués dans la protection des populations ont été et sont encore sous le feu des critiques. On leur reproche d’avoir commis des crimes au nord et au centre du pays. Précisément, les conflits intercommunautaires dans la région de Mopti sont en partie alimentés par des représailles liées à des crimes commis par des civils.
Ce que les malheureux bouchers maliens ont vécu, de nombreux citoyens burkinabés l’ont expérimenté grâce aux Koglweogo, ces milices qui coupent le sommeil aux hors-la-loi. Pas plus tard que dimanche 11 novembre, les Koglweogo de Diapaga (région de l’Est) ont informé « l’opinion publique qu’à compter du 26 novembre 2018, la vente des boissons frelatées tous types confondus est interdite sur le territoire de la commune ».
Ces milices face auxquelles l’Etat du Burkina semble être impuissant, ont promis de diffuser des communiqués radiophoniques pour mieux faire passer leur message. La sentence est claire : les contrevenants seront sévèrement châtiés. Une source indique que les Koglweogo de Kantchari et de Partiaga, toujours au Burkina, sont dans la même dynamique et que la mesure serait déjà en vigueur à Tougri et Yalgo dans le Centre-Nord.
Le hic est que les décisions et les actes déplorables de ces civils n’ont aucune base juridique, ni au Burkina ni au Mali. Mais personne ne rappelle à l’ordre les fauteurs de trouble qui gagnent en puissance dans certaines localités et deviennent parfois des adversaires de l’Etat central.
Soumaila T. Diarra