Au Mali, depuis un certain temps, la mendicité prend de l’ampleur et de jour en jour. Fréquents sur les lieux publics, dans les rues en se faufilant entre les véhicules dans la circulation, à longueur de journée, on aperçoit de plus en plus les petits mendiants ou “Talibés” à divers endroits de Bamako et d’autres villes du Mali.
Dans le district de Bamako, ce phénomène devient de plus en plus inquiétant, laissant un boulevard à la fainéantise et au vol. Les grandes voies (feux tricolores), les rues, les places publiques, les lieux de cultes sont occupés par les mendiants de tout genre.
Si ces mendiants sont plus en plus nombreux dans la circulation, force est de reconnaitre que derrière ces quémandeurs, se cache un business qui ne dit pas son nom. Tenant en compte des vrais démunis ou des personnes à mobilité réduite, aujourd’hui avec une forme, la mendicité est en train de produire de nouveaux riches. La preuve est qu’à la longueur de journée, on aperçoit des personnes bien portantes, hommes, femmes et enfants qui ont transformé cette charité en une activité à part entière. Et leurs revenus mensuels ne sont pas loin du salaire d’un cadre moyen.
«Dans notre daara (groupement de mendiants), nous ne sommes pas moins de 50 pensionnaires et chaque jour, chacun doit apporter obligatoirement 250F au maitre», révèle, ce talibé que nous avons croisé au feu tricolore de Garantibougou. Si on s’en tient à ce petit calcul., soit 250 francs multiplié par 50 talibés, ça fait un total de 12 500 francs par jour, soit un revenu mensuel de près de 375 000 francs pour le seul maître coranique. Et pourtant, plusieurs religieux lèvent leurs voix pour dénoncer cette pratique, qui selon eux, n’a rien à voir avec la religion musulmane.
Un phénomène dû à la pauvreté
Au niveau national, l’étude de ce phénomène intervient dans un contexte socio-économique, culturel et religieux marqué par la pauvreté et la recrudescence du phénomène de la mendicité des enfants dans les grandes voies des centres urbains, et même les régions telles que Ségou ou Mopti ou le flux migratoire est fortement dense, les régions frontalières avec certains pays de la sous-région tels que le Sénégal, le Burkina-Faso ou encore la Mauritanie. Surtout pour la région de Ségou, il suffit de faire un tour à la sortie de la ville en allant vers San, Bla. A ce lieu d’escale, les passagers ont de la peine à manger à cause de ces petits « Talibés », qui viennent envahis le lieu en leur fixant l’œil comme pour dire que vous ne pouvez pas manger et nous laisser. Et gare à vous, si vous osez laisser votre plat pour une quelconque commission. Ces mendiants n’hésiteront pas, un seul instant, à grignoter votre nourriture.
En effet, si autrefois cette pratique s’inscrivait dans le cadre de l’apprentissage purement religieux, elle a été dénaturée pour laisser place à la forme actuelle de la mendicité, qui est caractérisée par l’exploitation économique des enfants par certains maîtres coraniques.
Que dit la religion musulmane ?
Selon certains chefs religieux, seules les personnes qui sont dans une pauvreté extrême ou, souffrant d’une maladie qui les empêcherait de travailler sont habilitées à mendier. Par ailleurs, indiquent-ils, une fois que le besoin est satisfait, ces mendiants doivent immédiatement cesser de quémander pour se mettre au travail.
Que dit la loi malienne sur la mendicité ?
Quant à la loi n 01-079 du 20 aout 2001 portant code pénal, elle punit la mendicité et l’incitation à la mendicité au Mali. Ce code, dans ses articles (193 et 184) condamne la mendicité de 15 à 6 mois d’emprisonnement et cela même s’il s’agit de personnes invalides. Toutefois, si la personne incitée est un enfant mineur, le coupable sera puni de 3 mois à un (1) de prison.
Ce qui est sûr, s’il faut appliquer cette loi au Mali, les centres de détention seront remplis, car tous les grands carrefours sont envahis par des personnes de toutes catégories, qui incitent les enfants mineurs à la mendicité.
Lamine BAGAYOGO