Il est reconnu par le livre saint et par toutes les autres croyances que le mariage est et demeure la seule forme de vie où l’homme et la femme retrouvent toute leur dignité et leur responsabilité. De ce fait, nos pères ne se sont jamais lassés de nous exhorter au mariage et cela par tous les moyens.
Lorsque deux personnes décident de commun accord, de convoler en justes noces, elles bénéficient sur l’heure des bénédictions des parents ainsi que de leur appui, de l’encouragement des amis et autres connaissances et de leurs contributions. C’est l’un des rares moments où tout le monde s’accorde à reconnaître unanimement l’utilité d’un projet, voilà ce qui fait toute la force du mariage. Les liens qui vont se tisser au cours de ces moments solennels se veulent éternels par la grâce de Dieu. C’est la raison pour laquelle notre société a toujours encouragé le mariage au détriment du célibat.
Le célibataire, dans la société traditionnelle africaine authentique, n’est pas sollicité au moment des grandes prises de décision de la famille. Son avis importe peu dans certaines situations surtout s’il se trouve en face des mariés. Sans être totalement marginalisé, le célibataire avait une vie très solitaire en raison de son statut particulier. Il n’a pas de très grandes obligations envers certaines pratiques en vigueur au sein de la communauté. Malheureusement, de nos jours, l’argent est venu mettre un terme à toutes ces mœurs. Désormais, le respect d’un homme à l’intérieur de la société africaine contemporaine est fonction de sa richesse. Il faut maintenant posséder certains biens comme les voitures, villas et autres antennes paraboliques pour avoir droit à toutes les prérogatives dues à son statut. Ces nouveaux riches ont comme activités préférentielles d’aller distribuer de l’argent comme des bouts de papier pendant les cérémonies à grand public (mariages surtout, baptêmes, décès, anniversaires…). Que Dieu nous en garde. Comme le dit un proverbe de chez nous, « le monde est toujours le même, seuls les hommes changent ».
Que représente un foyer actuel au Mali ?
Les jeunes couples qui s’installent de nos jours, le font au prix d’énormes sacrifices. Deux jours à peine, le marié se trouve totalement dépouillé de toutes ses économies. Les premiers mois sont difficilement négociés dans une situation de tension maximale. La jeune mariée qui n’était ni préparée, ni habituée à cette nouvelle vie et de surcroît, au vu de tout ce que son mari lui avait fait avoir comme facilité et jouissance auparavant, se retrouve complètement désarçonnée et arrive difficilement à accepter sa misère de vie. Elle commencera à douter, à partir de ces moments précis des réelles possibilités de son mari et se demande si ce dernier n’a pas profité de sa naïveté et de sa crédulité pour parvenir à ses fins.
L’homme quant à lui, a été victime de sa grande société et de son orgueil de sexe fort ; il a dépensé sans se soucier du lendemain. La femme, à travers cette occasion, voyait une véritable panacée pour le reste de sa vie, au bout du compte, c’est la désillusion parfaite.
Dès les premières semaines du mariage, le mécontentement de la femme va en grandissant. Parcimonieusement, elle va descendre du haut de son piédestal et va commencer à employer la mauvaise volonté dans toutes ses activités, histoire de mettre en relief sa déception. Son mari qui se trouve régulièrement bousculé par les assauts revendicatifs de sa dulcinée, se demande réellement s’il ne s’est pas trompé de cible.
Les jours se succèdent et ne se ressemblent guère ; à chaque jour suffit sa peine comme dirait l’autre ; l’homme découvre au jour le jour, de nouveaux caractères à sa femme qu’il n’avait jamais soupçonnée auparavant. Le couple joue désormais au chantage et ne vit plus dans l’harmonie ; tout le monde est déçu. Quand on demande à la femme ce qui ne va pas, elle va sûrement répondre que son mari ne lui donne pas suffisamment d’argent pour préparer à manger. Au tour du mari que sa femme refuse catégoriquement de s’occuper de lui. Il appuit que c’est en fait l’aide ménagère ou bonne” qui fait actuellement tout à la maison, de la lessive au linge en passant par la cuisine et sans compter tous les impondérables. Finalement, elle est beaucoup plus proche de l’homme que sa propre femme. Dans tous les cas, ce n’est pas la forme de vie qu’il avait imaginée pendant son célibat. En ce moment, il jouissait de la plénitude de sa liberté et n’avait aucun souci à se faire de l’état d’âme d’une tierce personne. Par le mariage, il ne voit plus que contraintes, obligations, incompréhensions, incompatibilités d’humeur et autres futilités. Quant à la femme, elle se croit trompée, vendue par ses parents pour des intérêts sordides et égoïstes. Finalement, elle réalise qu’on s’est tout simplement débarrassé d’elle en comptant une bouche de moins à nourrir. La femme, à bout de patience et au bord du désespoir, ne voit son salut désormais que dans la fuite.
Quelles peuvent être les causes réelles de l’instabilité des foyers au Mali ?
Incontestablement, la cause fondamentale de l’instabilité est inhérente à la pauvreté, à la cherté de la vie et au problème de mondialisation que connaît tous les pays de nos jours. Une autre cause non moins importante, réside au niveau de la précarité des emplois, du chômage et du sous-emploi. Ces trois phénomènes réunis, réconfortent les jeunes dans leur idée de ne pas entreprendre de vie conjugale car elle est synonyme actuellement de suicide, de risque à portée très élargie avec probabilité d’échec à court terme. Un troisième facteur à caractère social et qui contribue fortement à déstabiliser les jeunes foyers, demeure l’attitude des parents vis-à-vis des coutumes. Les exigences des beaux-parents annihilent toute velléité de vie conjugale tant les bourses sont insuffisantes face aux énormes dépenses de mariage devaient faire face à certaines dépenses occasionnées à cet effet. D’après nos us et coutumes, les femmes pendant les cérémonies de mariage devaient faire face à certaines dépenses et autres contributions ; mais, malheureusement, de nos jours, elles préfèrent facturer le tout, au compte du marié, à savoir leurs propres frais de déplacement, et l’équipement de la chambre nuptiale. De plus, ces mêmes femmes doivent faire preuve de promptitude en tenant compte des réalités de la vie actuelle en diminuant considérablement les dépenses et autres jérémiades liées au mariage.
A qui profite le mariage aujourd’hui ?
Lorsqu’un homme décide de se marier aujourd’hui, ce sont ses sœurs (les balimamoussos) qui prennent les choses en mains sachant bien qu’elles vont bénéficier des contributions de la part de leurs amies, compagnes tontines, collègues de service, et intimes. Elles se retrouvent le plus souvent avec beaucoup d’argent pour faire face au mariage. Au lieu d’aller remettre une partie de cet apport au couple, elles se soucient plutôt d’inviter à prix d’or l’artiste la plus en vue du moment pour l’organisation d’un « SUMU » somptueux qui peut durer une semaine entière. Cette dernière va recevoir une liste de personnes dont elle doit impérativement improviser des panégyriques devant une foule médusée, personne par personne et suivant un ordre établi à l’avance. En ces moments solennels, aucune erreur ne sera tolérée. L’artiste doit s’exécuter minutieusement, moyennant une importante somme d’argent qui lui sera versée à chaque étape. Sa gratification est fonction de son propre talent à éveiller les sentiments de générosité mal placée de ses différentes millionnaires d’occasion. Quant à la mère de la mariée, elle reçoit d’énormes contributions de la part de ses proches et fidèles. Mais malheureusement, rares sont celles d’entre elles qui vont penser remettre de l’argent en espèces à leur fille. Elles préfèrent investir tout leur avoir dans la pacotille du genre ustensiles de cuisine et autres seaux démodés que la mariée aura du mal à utiliser pendant de très longtemps. Il n’est pas rare de voir dans les chambres ou salons des jeunes mariées, des montagnes de balles qui ne contiennent que des plateaux, des tasses, des bols, des pièces de tissus, des fourneaux, des marmites de toutes dimensions, des assiettes de toutes sortes. Et si l’époux se retrouve totalement déplumé in après le mariage, on se demande ce que la femme va bien préparer dans ses énormes et multiples marmites ; ce qu’elle va servir dans ses luxueuses assiettes. Peut-être de la sauce de tissus fancy au wax, accompagnée d’un désert de chaussures à la boullabesse. Sûrement oui ! ! et excusez du peu. Mais souvent des couples se retrouvent tellement démunis après les fastes du mariage qu’ils sont contraints de vendre une partie de leurs avoirs non encore utilisés pour passer les premiers mois de leur vie conjugale. Des exemples de ce genre pullulent dans toutes nos grandes villes. Infailliblement cela va finir par le divorce.
Quelles sont les mesures à prendre pour éviter de tels écarts de comportement de notre société ?
D’après nos constats, nous pensons qu’en mettant un terme à certains facteurs, toutes les difficultés liées à nos grandes cérémonies seront totalement éliminées ; il s’agit de :
Premièrement : l’attitude froide et distante des pères de familles vis-à-vis des problèmes liés au mariage de leurs enfants. Ils ont tendance de nos jours à laisser l’organisation de ce genre de festivités entre les mains des femmes et cela depuis les prises de décision jusqu’à la dernière étape du mariage. Cette attitude négative représente une fuite de responsabilité flagrante et un manquement au devoir de leur part. Cette indifférence contribue à 100% au dégel de nos valeurs traditionnelles et occasionne ainsi les folles dépenses. Si un père décide de surseoir à toutes manifestations démesurées chez lui, aucun tam-tam n’y résonnera, aucune griotte (si talentueuse soit-elle), n’y élèvera sa voix pour chanter la moindre louange imaginaire.
Deuxièmement : Aussi longtemps que les femmes dirigeraient les cérémonies (mariage, baptême, décès, circoncision), les dépenses exhorbitantes auront de beaux jours devant elles. Or, actuellement c’est bien le cas dans nos grandes villes.
Troisièmement : l’attitude du jeune marié y joue un rôle déterminant par sa position. Etant le principal acteur au moment des faits, il peut, par sa décision, influer considérablement sur le déroulement normal des choses. Imaginez un marié qui menacerait brusquement de tout arrêter si on ne lui facilitait pas la tâche. Ce genre d’ultimatum qui tombe à la veille d’un mariage permet sans nul doute, de freiner les ardeurs des esprits malveillants.
Le jour où les dépenses liées au mariage seraient sérieusement réduites au strict minimum, alors ce jour verra inéluctablement la fin de bien de malheurs qui ne sont voulus et entretenus que par nous-mêmes pour des raisons inexpliquées.
Boubacar Traoré