La direction des finances et du matériel (DFM) du ministère de la Défense et des Anciens combattants a conclu, le 2 décembre 2020, avec la société Global Equipement & Services le marché n°32/MDAC-DFM-2020 du 2 décembre 2020 revêtu du sceau “secret en matière de défense” pour un montant de 4 505 450 040 de F CFA HT/HD et un délai d’exécution de 180 jours. C’est le 21 décembre 2021, soit plus d’un an après, que la société Global Equipement & Services a pu procéder à la livraison du matériel commandé. Comme conséquence, la DFM du ministère a prononcé à l’encontre de la société le paiement de pénalités de retard, pour non-respect des délais contractuels, d’un montant de 346 018 560 F CFA. Sauf que la faute n’incombait pas tout à fait à Global Equipement & Services ! Et le Comité de règlement des différends de l’ARMDS en tient compte comme nous le verrons plus bas.
En effet, non contente de cette décision de la DFM du ministère de la Défense, et surtout convaincue que le retard ainsi accusé ne relevait pas de sa responsabilité, la société Global Equipement & Services a introduit, le 22 août 2022, une requête aux fins de règlement à l’amiable du marché sus-indiqué auprès du Comité de règlement des différends (CRD) de l’Autorité de régulation des marchés publics et des délégations de service public (ARMDS).
Une requête jugée recevable par le CRD de l’ARMDS, et ce conformément aux clauses du cahier des charges établi entre les deux parties et à l’article 122.1 du Code des marchés publics qui prévoit qu’en cas de différends relatifs à l’exécution des marchés publics, l’autorité contractante ou le titulaire du marché peut recourir au CRD.
Au soutien de son recours, la société Global Equipement & Services a exposé ce qui suit : Qu’à la suite de la notification du marché le 2 décembre 2020, la fourniture des articles ne pouvait se faire avant certaines formalités administratives qui ne dépendaient pas du titulaire du marché uniquement ; Que ces formalités devraient être faites par le fabriquant, les autorités maliennes et surtout des autorités du pays du fabricant (Pologne) ; Que la signature de ce document intitulé déclaration de l’utilisateur final étranger en français ou Statement of Foreign End User en anglais était un préalable à la fabrication des articles à fournir compte tenu de leur caractère militaire…
Que ledit document a obtenu sa première signature par le représentant du ministère de la Défense et des Anciens combattants le 18 décembre 2020 ; Que le ministre de la Défense et des Anciens combattants a transmis le certificat d’utilisateur final par bordereau d’envoi confidentiel le 25 janvier 2021 au ministre des Affaires étrangères pour certification à l’Ambassade de Pologne à Dakar ; Que ledit document a été transmis par le ministère des Affaires étrangères à l’ambassadeur du Mali au Sénégal le 12 février 2021 ; Que la deuxième signature a été apposée sur le document le 14 avril 2021 par le consul de Pologne à Dakar ; Que ledit document a été transmis par l’ambassade de Pologne au Sénégal à l’ambassade du Mali à Dakar le 15 avril 2021…
Que l’ambassade du Mali au Sénégal a finalement transmis ledit document au ministère des Affaires étrangères du Mali le 15 avril 2021 ; Que le 3 mai 2021, le ministère des Affaires étrangères a transmis le certificat au ministre de la Défense et des Anciens combattants pour toute fin utile ; Que le 20 juin 2021, le ministère de la Défense et des Anciens combattants lui a transmis le certificat et que c’est réellement à partir de cette date que la fabrication des articles a pu commencer ; Que la livraison ayant été faite le 21 décembre 2021, le titulaire du marché a réellement mis 180 jours exactement pour livrer les articles à fournir ; Que l’autorité contractante lui a décompté de façon abusive une pénalité de retard de l’ordre de 346 018 560 francs CFA soit 192 jours de retard causé, au taux de 1/2500 par jour de retard…
Que les retards observés dans l’exécution du marché ont été causés par la lourdeur administrative ; Que le certificat de l’utilisateur final est le document qui déclenche la fabrication des articles à caractère militaire et que ce document n’ayant été mis à sa disposition que le 20 juin 2021, on ne peut lui en tenir rigueur dans la mesure où la production de ce document ne peut pas lui être imputée ; Que la notification définitive du marché lui ayant été transmise le 2 décembre 2020, le certificat de l’utilisateur final ayant été signé le 18 décembre 2020 et certifié le 14 avril 2021 n’a été transmis au fabriquant que le 20 juin 2021 ; Que sur le fondement du développement qui précède, elle sollicite du CRD de bien vouloir engager un règlement à l’amiable aux fins de l’exonérer des pénalités de retard.
Un cas de force majeure
En foi de cette saisine, l’ARMDS a communiqué ledit recours à la DFM du ministère de la Défense et des Anciens combattants, le 23 août 2022, tout en l’invitant à lui faire parvenir ses observations et les documents concernant ledit marché.
Par lettre en date du 7 septembre 2022, la DFM du ministère de la Défense et des Anciens combattants a communiqué à l’ARMDS ses observations sur ledit recours et y adjoint des copies des pièces afférentes au dossier. Ainsi, en réponse aux observations de la société Global Equipement & Services, l’autorité contractante, c’est-à-dire la DFM du ministère de la Défense, a indiqué que le marché a été conclu pour la fourniture de matériels de transmission pour un montant de 4 505 450 040 de F CFA HT/HD et un délai d’exécution de 180 jours et que le marché a été notifié au titulaire le 2 décembre 2020…
Que la validation de la commande des matériels par le titulaire chez le fabricant étant subordonnée à l’obtention du certificat d’utilisateur final délivré par l’autorité contractante après sa certification par l’ambassade de Pologne à Dakar ; Que ledit certificat d’utilisateur final n’a pu être délivré au titulaire du marché qu’à la date du 20 juin 2021, soit près de sept (7) mois après la notification du marché ; Qu’elle reconnait une lenteur administrative dans l’établissement et la délivrance du certificat d’utilisateur final, mais, au moment du mandatement, s’est basé sur la date de notification du marché et non sur la date d’obtention du certificat d’utilisateur final ; Qu’elle est disposée à trouver les voies et moyens convenables pour un règlement amiable conformément aux dispositions législatives et règlementaires.
Ainsi, après audition des deux parties au règlement à l’amiable, le Comité de règlement des différends a décidé, en foi des dispositions législatives et règlementaires en la matière, et attendu qu’il en résulte que lorsque les faits à l’origine du dépassement du délai contractuel sont tels que le titulaire ne pouvait ni y résister, ni les surmonter et qu’aucune des parties ne pouvait les prévoir, il peut être invoqué la force majeure. Aussi, considérant qu’en l’espèce, il s’avère que le rallongement du délai contractuel d’exécution n’est pas du fait du titulaire et que la pièce dont la délivrance a occasionné le retard accusé était un préalable nécessaire à toute mise en œuvre du marché, que par conséquent, il y a suffisamment d’éléments pour justifier la force majeure et exonérer le titulaire du marché du paiement d’une quelconque pénalité de retard.
Enfin, à l’issue de l’audition des parties, le Comité de règlement des différends ayant constaté que les parties se sont accordées pour l’exonération de la pénalité de retard tenant notamment compte des insuffisances observées dans la procédure et des arguments raisonnables invoqués par la société Global Equipement & Services, a donc fait droit à la requête de cette dernière, ainsi qu’il en a été notifié le 13 octobre dernier.
El Hadj A.B. HAIDARA