La marche était interdite par les autorités du District de Bamako. Mais les organisateurs voulaient se faire entendre dans la rue. Les choses ont vite dégénéré
Samedi aux environs de 9 h, l’atmosphère était très tendue au siège de l’Alliance démocratique pour la paix (ADP-Maliba), un parti de l’opposition. Des douilles de gaz lacrymogène éparpillées un peu partout, le pare-brise arrière d’une voiture carrément écrabouillé, des centaines de personnes, prises dans une épaisse fumée de gaz, cherchant à trouver refuge dans les familles avoisinantes, tel était le spectacle.
Sur place, il y avait plusieurs responsables de la Coalition pour l’alternance et le changement. Ils ont été «gazés» par la police. Déterminés à marcher malgré l’interdiction du gouverneur du District de Bamako pour motif d’état d’urgence, ces leaders politiques et leurs militants ont eu des accrochages avec des éléments des forces de l’ordre. Il y avait également des responsables de certaines associations hostiles au régime.
Ces opposants avaient tenté de manifester pour réclamer une «élection présidentielle transparente et un égal accès à la télévision publique, l’ORTM». Pour «sécuriser la capitale» et «empêcher tout attroupement de nature à troubler l’ordre public», le ministère de la Sécurité et de la Protection civile avait déployé un dispositif sécuritaire conséquent, fort de centaines d’hommes.
Dans un premier temps, les organisateurs ont essayé de discuter avec les responsables policiers pour qu’ils laissent la marche se dérouler sans heurts. Quand ces derniers ont dit niet en disant que la marche était interdite, la tension est montée d’un cran.
Les policiers ont fait usage de gaz lacrymogènes et de matraques pour disperser les manifestants et ont, en retour, essuyé des jets de pierres. Les échauffourées ont duré plusieurs minutes. Certains manifestants ont été atteints par des projectiles. D’autres, étouffés par le gaz, se sont effondrés dans la cour de l’ADP-Maliba.
D’autres marcheurs ont déclaré avoir été tabassés par des policiers au niveau de la Bourse du travail. Les blessés ont été transportés à l’hôpital Gabriel Touré par la Protection civile. De sources hospitalières, on parlait d’une quinzaine de blessés dont des policiers. Cependant, un communiqué du cabinet du chef de file de l’opposition a parlé d’une « trentaine de civils blessés».
Comment la marche a-t-elle pu dégénérer ? Du côté des responsables de la Coalition, l’on a parlé plutôt «d’agression et de violation de domicile». Tandis qu’un communiqué du ministère de la Sécurité précisait que «certains responsables de mouvements s’en sont pris aux forces de sécurité en les insultant». Par ailleurs, le communiqué du ministère de la Sécurité rapporte que «les manifestants ont blessé un policier à la tête» et causé «des dégâts sur un véhicule faisant office de poste de commandement mobile de la police».
Des images des blessés et des accrochages entre policiers et manifestants circulaient en boucle sur les réseaux sociaux. On pouvait voir les photos d’un responsable politique taché de sang. Dans un post sur Twitter, l’intéressé parlait du «sang des blessés» qu’il a qualifiés de «héros».
Les leadeurs de la Coalition pour l’alternance et le changement, retranchés au 1er étage du bâtiment abritant le siège de l’ADP-Maliba, sont sortis aux environs de midi. Il y avait parmi eux Soumaïla Cissé, président de l’URD et chef de file de l’opposition, Tiébilé Dramé du PARENA, Aliou Boubacar Diallo, président d’honneur de l’ADP-Maliba et candidat à l’élection présidentielle, Me Mohamed Ali Bathily, candidat controversé des APM à l’élection présidentielle.
Devant la presse, ils ont tous condamné la violence policière, en disant que « la marche était pacifique». «Il y a eu des tirs à balles réelles (…), c’est inacceptable. Nous allons continuer à nous battre pour la démocratie», a déclaré Soumaïla Cissé. Accompagné de plusieurs responsables de partis politiques, le candidat de l’URD à l’élection présidentielle s’est rendu à l’hôpital Gabriel, au chevet des blessés parmi lesquels l’activiste Etienne Fakaba Sissoko.
Dans un communiqué, la Primature a démenti l’usage de balles réélles pendant que le secrétaire général des Nations unies appelait les parties au «calme» et à la «retenue», tout en les incitant au dialogue pour que le processus électoral aille à son terme en toute quiétude.
Dans un communiqué, le président du Conseil national de la société civile a lancé le même appel. Dans un autre communiqué, la Coalition «Ensemble pour le Mali» qui soutient la candidature du président sortant IBK, a vivement condamné cette marche.
Issa DEMBÉLÉ