En attendant le rapport de la commission d’enquête mise sur pied et dirigée par le Directeur régional de la Police du District de Bamako, le Contrôleur Général Lassana Sanogo et le Commissaire du 3ème Arrondissement, le Contrôleur Général Sow, pour faire la lumière sur les circonstances précises de la bousculade qui a fait 36 tués et 112 blessés, lors du prêche de Chérif Ousmane Madani Haïdara, au Stade Omnisports Modibo Kéïta, le lundi 21 février, aux environs de 18 heures, une analyse sommaire du dossier fait apparaître la responsabilité de la tragédie à un triple niveau. Primo le ministère de l’Administration territoriale et des collectivités locales (MATCL) n’aurait pas dû délivrer l’autorisation de tenir un meeting religieux en un lieu clos, surtout lorsque son animateur n’est autre que le chef des Ançardines réputé drainer des foules immenses et souvent fanatisées. Un terrain ouvert aurait assurément été un endroit plus sûr. Secundo : la commission d’organisation, que nous avons approchée, nous a indiqué que le ministre de la Sécurité intérieure et de la protection civile, le Général Sadio Gassama, lui avait donné l’assurance que son département prenait totalement l’aspect sécuritaire à sa charge, dispositif et frais y afférents. Or manifestement ce dispositif a failli à la fois par le nombre nettement insuffisant des éléments déployés et leur inefficacité. Cette commission d’organisation elle-même n’est pas irréprochable dans la mesure où les 2 000 agents qu’elle prétend avoir déployés pour canaliser la foule n’a manifestement pas été à hauteur de tâche.
Depuis sept ans que l’association Ançardine du Guide spirituel Ousmane Madani Chérif Haïdara rassemble les fidèles musulmans pour célébrer le Maouloud, c’est la toute première fois qu’un tel drame se produit. En effet, à la suite d’une terrible bousculade, après les bénédictions du Guide spirituel, ce sont 36 personnes qui sont mortes piétinées et 112 blessés ont été conduits, à bord de Sotrama ou de véhicules personnels, à l’hôpital Gabriel Touré. La commission nationale d’organisation des grands événements du ministère de la Santé, avec ses ambulances achetées à coup de centaines de millions F CFA, étant, comme par négligence coupable, absente des lieux.
Après une telle tragédie, la première réaction, tant des autorités que du commun des mortels, est de savoir ce qui a été à l’origine de ce drame qui a endeuillé le peuple malien tout entier. C’est cette soif de connaitre l’origine de cette tragédie qui nous a amené à approcher les organisateurs et ceux qui étaient chargés officiellement de garantir la sécurité des fidèles qui étaient quelque 40 000 personnes à venir écouter, ce lundi 21 février, leur Guide Ousmane Madani Chérif Haïdara.
D’après Modibo Diallo, le président de la commission d’organisation de ce grand rassemblement, que nous avons rencontré dans la cour de la morgue de l’hôpital Gabriel Touré, c’est une fois rentré à la maison, aux environs de 19 heures, qu’il a été informé du drame. En ce moment, Ousmane Madani Chérif Haïdara avait, lui-aussi, déjà regagné son domicile, sis au quartier Banconi. C’est donc avec une grande stupéfaction que les responsables de l’association Ançardine se sont alors rendus dans les deux grands hôpitaux de la capitale, l’hôpital Gabriel Touré et celui du Point G, où avaient été évacués les blessés mais où les corps des victimes avaient également été déposés. Lourd bilan : 36 tués dont 33 femmes et 3 hommes, 112 blessés dont la majorité, qui souffrait de blessures légères a, depuis hier matin, regagné leur domicile. A notre passage dans l’après-midi, seulement trois des 112 blessés restaient alités au CHU Gabriel Touré.
C’est vrai que déjà dans la nuit même du drame le Premier ministre Modibo Sidibé et d’autres membres du Gouvernement se sont rendus au chevet des blessés et se sont inclinés devant la mémoire des victimes de ce drame qui sent fortement la responsabilité de l’Etat et des Forces de sécurité qui y ont été déléguées pour le service d’ordre. D’où la visite dans les hôpitaux du ministre de la Sécurité intérieure et de la Protection civile, Général Sadio Gassama, et de celui de l’Administration territoriale et des collectivités locales, Général Kafoungouna Koné.
De l’avis de nombreux témoins interrogés sur place au CHU Gabriel Touré, la bousculade a été occasionnée par le fait que les portails du Stade côté Médina coura étaient restés toujours fermés après même la fin de la manifestation. Les nombreux fidèles cherchant à sortir, de ce côté-là, se sont alors heurtés à une sorte de mûr…de Berlin infranchissable. Selon les organisateurs, ce sont les Forces mixtes de sécurité, composées de policiers, de gardes et de gendarmes, qui font la police aux principales entrées et sorties du Stade. Celles-ci ont-elles alors été débordées ? Combien étaient-elles pour assurer la sécurité des 40 000 personnes présentes au Stade ? Ont-elles cédé à la panique ? Où se trouve alors la défaillance ?
Voilà quelques-unes des questions que la commission d’enquête mise en place par le gouvernement et dirigée par le Directeur régional de la Police du District de Bamako, le Contrôleur Général Lassana Sanogo, et le Commissaire du 3ème Arrondissement, le Contrôleur Général Sow, va tenter d’élucider.
Rappelons que, contrairement aux années précédentes, où c’est l’association Ançardine, elle-même, qui avait payé le perdiem et le carburant des Forces de sécurité, cette année, selon Modibo Diallo, c’est le ministre de la Sécurité intérieure et de la Protection civile qui s’est engagé, de son plein gré, à prendre en charge les agents des Forces de sécurité envoyés à cet effet.
De ce fait, les organisateurs ignorent combien de policiers, de gardes ou de gendarmes ont été mobilisés pour la sécurité de ce grand rassemblement. Quant à l’association, elle-même, elle dit avoir mobilisé plus de 2000 agents de sécurité (tous des bénévoles dont certains venant de l’extérieur) pour ce Maouloud 2011. Assurément, ceux-ci ont été, à ce niveau, aussi défaillants que les Forces de l’ordre dépêchées par le Général Sadio Gassama.
L’autre aspect de la question liée à la sécurité, et qui taraude l’esprit de nombre de nos compatriotes, est relatif au fait que le ministère des Sports (le Stade dépendant de ce département) et celui de l’Administration territoriale, dirigé par le Général Kafoungouna Koné, aient autorisé qu’une telle manifestation, grandiose et qui rassemble de surcroît des gens de tout âge, se déroule dans un endroit fermé.
Plus de 40 000 personnes dans un stade qui n’a qu’une capacité de 30 000 places au plus. Dans ces conditions, une peccadille est capable de faire de gros dégâts. Comme ce fut le cas avant-hier.
La tragédie qui a fait 15 morts lors d’une bousculade autour de la mosquée de Tombouctou aurait dû servir de leçon à nos autorités.
Quant à l’association Ançardine, il est incompréhensible voire impardonnable que ses responsables chargés de la sécurité ne se soient pas rendu compte que les portails côté Médina coura étaient demeurés fermés après la fin du prêche. Comme quoi, nous faisons face à une responsabilité partagée. Au premier niveau duquel, il y a fondamentalement l’Etat et des Forces de sécurité.
Il reste maintenant à savoir, si de ce côté-là, des têtes vont tomber afin que cette tragédie puisse servir, à l’avenir, de leçon.
A quand une place publique pour Bamako
Bamako demeure l’une des capitales au monde à ne pas avoir de place publique où, par exemple, un président de la République fraîchement élu peut rencontrer son peuple et le remercier. Ou, au contraire, un lieu de rassemblement du peuple qui veut renverser son président. Comme on le voit, par exemple, avec la place Tahrir au Caire, en Egypte.
Comme Dakar a sa Place de l’Indépendance, Paris, sa Place de la République, ou Moscou la Place du Kremlin, Bamako mérite une place publique à même de servir de lieu de grand rassemblement populaire, tel le prêche annuel du Guide des Ançardines, Ousmane Madani Chérif Haïdara, qui rassemble, bon an mal an, quelque 40 000 personnes d’une vingtaine de pays dans notre capitale.
Mamadou FOFANA
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