N’importe quel petit problème ordinaire peut conduire au pire au Mali. Une réalité une fois de plus affichée par une crise qui ne devait pas arriver.
En effet le ras-le-bol qui a poussé les gros porteurs à arrêter le travail- et débrancher le fil qui les relie eux-mêmes à la vie- ne peut arriver dans une société normalement constituée et saine de corps et d’esprit. Pour nous en convaincre reprenons deux de leurs motifs de révolte qui visait à suicider le pays tout entier : l’inscription à la sécurité sociale et l’arrêt de tracasseries et du racket des policiers et des gendarmes dans leur vie quotidienne.
Qu’un travailleur embauché à durée illimitée qui est exposé à tout et à tout moment, est-ce incongru ? Est-ce la mer à boire ? Dans une société normalement constituée et pas malade, la réponse est non. Ensuite, que quelqu’un qui travaille pour le bien de tous en abandonnant sa famille demande à la force publique de le protéger et non le rançonner arbitrairement, et c’est trop demander ? Dans un environnement normal c’est non.
Que les gendarmes et les policiers ne font pas leur boulot et qu’au contraire, ils soumettent les citoyens à leurs désirs sadiques et cupides est devenu normal au Mali : tellement normal que le dessous de la table est devenu le dessus de la table. Preuve que notre société est malade.
Réactions suicidaires
Face à cet excès quotidien qui se pratique, la société malienne est restée sans réaction : anormale ! En effet, quand un corps étrangers – ces pratiques-là sont des corps étrangers à la société malienne !- pénètre par effraction dans un corps sain, ce dernier réagit et déploie ses défenses ; ses anticorps. Il y a longtemps que le Mali, sa société n’a plus de défense – le laisser-aller est devenu son mode de fonctionnement structurel. Le corps de la société malienne est métastasé. Elle n’a plus de repères.
Lorsqu’une société est plongée dans une telle situation d’anomie (Emile DURKHEIM) ; c’est-à-dire en déphasage totale avec ses valeurs qui ont foutu le camp et d’autres qui l’empoisonnent, alors que cette société développe et secrète le venin du suicide. Du suicide individuel (des jeunes à moto qui brulent le feu rouge à cent à heure) et une réaction telle que celle des routiers de la semaine dernière.
En refusant de rouler, ils tuent le Mali. En tuant le Mali (en sciant la branche sur laquelle ils sont assis) ils se tuent eux-mêmes individuellement et collectivement. En laissant endémique une telle tare (raquette policière et gendarme) le corps social malien se met au cou la corde du pendu. On a échappé cette fois encore. Mais une cause finie toujours par produire un effet. Autrement dit on a encore beaucoup de corde au cou.
Tientiguiba DANTE