#Mali : Voies publiques : Des buttes de matériaux de construction visibles un peu partout

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L’incivisme est un comportement récurrent dans notre pays. Des citoyens qui s’arrogent tous les droits n’hésitent plus à occuper, et pendant longtemps, la voie publique avec des matériaux de construction (sable, gravier, pierres et autres). Cet acte incivique est souvent source de désordres, d’embouteillages, d’accidents et de litiges entre usagers grincheux, voire même de dégradation du bitume en plusieurs endroits. Le gravier et le sable sur les voies publiques sont déversés en grande partie par des propriétaires des maisons en chantier. Cette activité nuisible à la quiétude de la sécurité routière est d’actualité à l’ACI 2000 où notre équipe reportage a fait un tour.

Kalifa Keïta se souvient encore de l’accident qui a failli lui coûter la vie : «Je venais d’une pharmacie, quand, à ma grande surprise, je suis tombé sur un gros tas de sable débordant sur une bonne partie de la route. C’était vers la prière du magrhèb (fitiri). Je n’ai pas pu maîtriser la moto et j’ai été projeté sur la chaussée.» Le trentenaire s’en sortira, heureusement, mais avec des blessures sévères sur le corps. Installé dans son véhicule en attendant des clients au bord du goudron au quartier Djicoroni Para, le taximan Alou Dembélé fait face à deux tas de gravier et de sable. Sans attentats, il dénonce ce genre de comportement qui provoque souvent des accidents.

Il a été témoin d’un accident impliquant un automobiliste et un motard. «Il faisait nuit, lorsque les deux se rencontraient au niveau du déchargement de sable. Le phare de l’automobile a ébloui le motard et celui-ci a heurté et fini sa course dans le caniveau. Il n’a eu aucune chance de survivre», raconte Alou Dembélé. En plus de ces éléments de construction, confirmez le chauffeur, il y a aussi les bâches installées pour les cérémonies de mariage qui occasionnent des accidents graves.

Awa Traoré charge les propriétaires de chantiers, témoignant qu’il y avait un tas de sable déversé dans une rue de son quartier. « Cela a fait environ un mois sur place. Celui qui l’a fait n’imagine pas le danger d’un tel comportement pour les enfants qui jouent sur le sable. Ils peuvent être percutés par une voiture de passage», souligne la dame.

Comment les autorités perçoivent-elles la situation ? Pour en savoir davantage, nous avons approché l’Agence nationale de la sécurité routière (Anaser). Son directeur général, Ousmane Maïga reconnaît que de plus en plus dans nos grandes villes, notamment à Bamako, sur l’assistance à l’occupation anarchique ouverte à la circulation routière. «Il y a les constructions qui se font au bord des routes, les gens viennent déverser les agrégats, le sable, gravier et autres sur la route. La première conséquence, c’est que cela rétrécit la capacité d’écoulement de la route. Empêchant ainsi la circulation normale des véhicules et même des piétons», explique Ousmane Maïga. Pour lui, cette pratique mélange tous les trafics et multiplie les accidents de la circulation routière.

Le DG de l’Anaser soutient que l’une des conséquences est aussi la détérioration de la route. « Lorsqu’on inverse le sable ou le gravier sur une chaussée, il y a le frottement qui se fait à chaque passage de véhicules. Cela dégrade rapidement la chaussée et pour la réparer, ce qui engendre des coûts financiers très importants pour la collectivité territoriale, l’État et pour l’ensemble du pays. C’est grâce aux impôts et aux taxes qu’on arrive à construire ces routes», martèle Ousmane Maïga, argumentant que le plus grave est la sécurité des usagers. Il estime que lorsque la route est anarchiquement occupée, il y a une possibilité pour les passagers d’être victime d’un accident grave de la circulation routière.

Pour apporter des solutions à cet incivisme, le chef de l’Anaser préconise qu’il faut d’abord donner des vocations. Il pense que les bureaux et les ingénieurs qui sont chargés de suivi des constructions, doivent veiller à ce que les agrégats et les sables ne puissent pas être déversés sur la route. «L’Anaser a fait des campagnes de sensibilisation. Nous avons également visité des routes à Bamako que dans les régions pour voir le niveau d’occupation anarchique de ce genre. Accompagnés par des collectivités territoriales et la police routière, nous avons parlé aux occupants en leur entraînant les conséquences qui sont liées à cet acte illégal. Nous leurs donnons souvent même des sommations», fait savoir Ousmane Maïga. Il met en garde tout éventuel récalcitrant au nouveau décret du Code de la route. Ce nouveau Code de la route adopté en septembre 2023 par les hautes autorités du pays, annonce la loi qui régit la circulation routière, mais également le décret d’application.

«Le fait de restreindre la circulation, d’empêcher la circulation de se faire normalement, est frappé de peine pouvant aller jusqu’à 6 mois d’emprisonnement et 500.000 Fcfa d’amende à payer. Pour l’instant, il est d’abord méconnu par la population », révèle le directeur général de l’Anaser. Ajoutant que sa structure procédera à la vulgarisation de ce décret du nouveau code de la route. En attendant que ce texte entre dans sa phase d’application directe, Ousmane Maïga lance un appel à tous ce qui déversent les agrégats sur la route en faisant obstacle à la fluidité normale de la circulation, à se retenir pour contribuer à l’amélioration de la sécurité des usagers. Sans oublier l’occupation des marchands, des commerçants qui viennent au bord de la route pour vendre leurs articles sur les trottoirs, sur les pistes cyclables, voire sur la chaussée. Dans les statistiques de l’Anaser, le classement des victimes d’accidents de la circulation a montré que le taux de victime de marchands est le plus élevé, conclut le directeur général de l’Anaser.

N’Famory KEITA

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