Depuis le renversement du régime Ibrahim Boubacar Kéïta, mardi 18 août 2020, le Mali peine à instaurer une transition démocratique. Si l’on ne prend pas garde, la chute du régime IBK n’aura pas servi à grande chose.
Depuis le renversement du régime d’Ibrahim Boubacar Keïta, mardi 18 août 2020, l’actualité dominante au Mali est la mise en place d’une transition démocratique. Cette question donne lieu à des emportements. Plusieurs spécialistes apparaissent sur la scène et font des propositions. Chacun oubliant ou balayant d’un revers de manche les raisons ayant conduit à la chute du président IBK : la soif du changement. Cette renaissance se joue pourtant depuis cette transition.
Des positionnements opportunistes
Sur les réseaux sociaux, dans les journaux, sur les ondes radiophoniques, nombreux sont ceux qui proposent des hommes comme dignes de gérer la future transition. Des choix qui n’ont d’autres fondements, pour la plupart, que la défense d’intérêts personnels et non ceux du pays. On oublie du coup que le changement souhaité ne sera point accessible que dans un comportement d’ouverture, dans des choix rationnels et non point dans des jugements subjectivistes.
Dans une publication du 26 août 2020, le magazine Jeune Afrique rapporte le contenu d’une note de la France au sujet de cette transition. Selon ladite information, la France souhaite une transition dirigée par des civils et qui aura comme « vocation à être supervisée par la région et à déboucher rapidement sur des élections en vue du rétablissement d’institutions démocratiques ». Or, pour parler comme Me Mamadou Ismaila Konaté, personne n’a secouru le peuple malien lorsqu’il contestait le régime IBK. Alors, pourquoi des décisions pour la gestion de la transition parachutent-elles sur le Mali ? Pourquoi veut-on décider l’issu d’une lutte menée par le peuple à la place de celui-ci ? La réponse la plus banale est la défense des intérêts personnels au détriment de ceux du peuple. Ce qui ne pourrait que nous conduire droit dans les mêmes problèmes reprochés au régime d’IBK.
L’avertissement de Dr Choguel Kokalla Maiga, à sa sortie d’une réunion de prise de contact avec le CNSP, mercredi 26 août 2020, doit être pris au sérieux. La prudence est nécessaire pour ne pas sacrifier ce combat gagné sur la vie de plusieurs citoyens maliens.
Des réformes profondes
Le CNSP aussi bien que le M5-RFP ne doit pas perdre de vue le fait que l’avenir du Mali dépend de la réussite ou de l’échec de cette transition. C’est pourquoi il ne convient point de badiner avec sa mise en place. Elle doit servir de lieu pour apporter de véritables réformes dans certains textes de la république notamment la loi électorale et la constitution. Elle doit servir de terreau de la renaissance malienne.
Une des réformes qu’on pourrait apporter au texte fondamental du Mali peut être l’instauration d’un régime de 5 ans de mandat, renouvelable une fois. Un chef d’État désireux de se porter candidat à sa propre succession doit avoir l’obligation de démissionner de ses fonctions, quelques mois avant l’organisation du scrutin. Il ne doit point être impliqué à l’organisation des élections pour lesquelles il est lui-même candidat. Car on croit généralement qu’on n’organise pas des élections pour les perdre. Une mentalité qui peut être source de polémique lorsque le président sortant remporte les élections. Cela même s’il n’y a pas eu de fraude. Cette mesure doit être appliquée à toutes les présidentielles, même si le chef d’Etat sortant n’est pas candidat. Elle pourrait éviter que les présidents sortants placent leur pion pour couvrir leurs dégâts. C’est pourquoi il serait plus prudent de confier l’organisation des scrutins à une équipe de transition.
Les institutions maliennes sont fortement atteintes par la mauvaise gouvernance. Il y a une véritable urgence de les renforcer.
Mise en garde
Pour la mise en place de cette transition, il ne faudrait point céder à l’opportunisme de crainte de sacrifier les objectifs du renversement du régime. Elle ne doit pas servir de cadre de partage de gâteaux ni de lieu de solidarité politicienne. Le Comité national pour le salut du peuple (CNSP) doit comprendre que le peuple malien est un papillon qui se laisse balloter par toute sorte de vent. Cela reste de même pour la classe politique.
Confier cette transition à des hommes dont les mains ont déjà été salies par les différents régimes qui se sont succédé à la tête du pays ne donnera pas les résultats attendus.
Restauration de la confiance
La mise en place de ce régime de transition est l’une des tâches les plus ardues qui méritent même la convocation d’un collège de scientifiques pour mesurer la moralité des différents candidats qu’aura proposés la société civile ainsi que la classe politique. Il faut un choix rationnel. Car cette transition doit ouvrir des enquêtes judicieuses sur les tueries des 10, 11 et 12 juillet 2020 afin de rendre justice aux victimes des manifestations de la désobéissance civile déclenchée par le M5-RFP. Cela doit être de même pour les exactions contre les populations civiles au centre du Mali. La voie de la cohésion sociale et du vivre ensemble passe par la restauration de la confiance entre les citoyens, la justice et l’État. La mise en place d’une transition ne doit pas être un lieu de partage de gâteau.
Fousseni Togola