Mali : la consommation du thé au-delà du simple désir

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Au Mali, en dépit de ses nombreuses conséquences souvent décriées, la consommation du thé comporte une véritable valeur de cohésion sociale et de vivre-ensemble sur laquelle il importe de ne pas perdre de vue.

« Le thé veut nous faire la peau, mais nous ne le soupçonnons pas », écrivait Issouf Koné, écrivain malien, dans sa pièce de théâtre « Au nom du thé, du sucre et du grin ». À travers ce passage, le jeune écrivain tente d’attirer l’attention des uns et des autres sur les conséquences de l’absorption du thé en grande quantité. Une substance devenue le véritable compagnon de route de cette « jeunesse désœuvrée » en quête d’espoirs.

« Toujours du thé ! »

« Espoir fragile d’un pays à l’avenir incertain, la jeunesse malienne n’est plus que l’ombre d’elle-même, condamnée à poser des grins dans les quartiers, à boire du thé [ndlr] », explique pour sa part l’écrivaine Hadèye Fofana.

En chômage, nombreux sont les jeunes maliens pour qui le thé constitue un moyen véritable pour éviter de s’ennuyer ou pire se retourner contre leur État.

Dans les lieux de regroupement, dans les bureaux ou les ateliers de travail, le thé est la boisson la plus sollicitée au Mali. « Toujours du thé ! Matin midi et soir, sept jours sur sept, vingt-quatre heures sur vingt-quatre, cinquante-deux semaines sur cinquante-deux, douze mois sur douze, deux semestres sur deux, quatre trimestres sur quatre ! Trois cent soixante-cinq jours sur trois cent soixante-cinq. Toujours ! », remarque Issouf Koné. Une situation qui a conduit certains Maliens à conclure que la consommation de cette substance est un vecteur d’encouragement de la paresse parmi la jeunesse. Pourtant, l’impact de sa consommation ne se résume point à cet aspect.

Un psychotrope ?

Selon des analyses, la consommation d’une grande quantité de ce produit quotidiennement peut avoir des impacts sanitaires. Car comme dit un adage bien connu de chez nous, « l’excès de toute chose est nuisible ». Le thé comporte des côtés négatifs, surtout qu’en tant que consommateurs, il n’est pas évident de connaître toute sa composition. La révélation faite récemment par les autorités maliennes au sujet d’un échantillon du thé Achoura en est une illustration parfaite.

Amédou Mallé, infirmier d’État au Mali, ne va pas avec le dos de la cuillère. Selon ses précisions, « trop consommer le thé peut conduire à une carence de fer dans le corps et exposer le consommateur à ce qu’on appelle une anémie ferriprive ».

Issouf Koné souligne dans un passage magistral de son ouvrage que « le thé nous tue, il nous endort ». Malgré tout, est-il besoin de mener une chasse à la sorcière contre ce produit au risque de faire basculer toute cette jeunesse dépendante dans la consommation de psychotropes plus dangereux ?

Certes, le thé ne donne pas du travail, ne guérit pas les maux au sens propre du terme, n’assure pas un développement économique au consommateur, comporte des effets néfastes sur la santé humaine, mais cela n’exclue nullement le fait que cette substance ait des avantages pour la vie en communauté. Aujourd’hui, il est difficile de nier que le thé joue un rôle prépondérant dans la cohésion sociale aussi bien que le vivre-ensemble au Mali.

« La solidarité et le vivre-ensemble »

Dans « Et si tu ne me trouves pas au paradis », l’écrivaine Hadèye Fofana, n’explique-t-elle pas qu’on « l’apprécie d’autant plus qu’on le partage ». D’après elle, ce partage « fait partie des usages qui fondent la solidarité et le vivre-ensemble de la société malienne ».

Les moments de consommation de ce produit nous font découvrir le vrai sens de la solidarité et du vivre-ensemble dans la société malienne. Chez des ethnies du Mali, il est possible de se rendre compte plus aisément de cette vertu de la consommation de cette substance.

En cette période où le Mali traverse une crise multidimensionnelle dans laquelle les civils constituent de véritables cibles, où les jeunes frappés par le manque d’emploi sont de plus en plus exposés à la tentation, la consommation de cette substance joue un rôle fédérateur grâce à sa vertu de rassemblement. Pour beaucoup de jeunes en chômage, tant que le thé ne manque pas, l’attente ne sera jamais longue. Loin de nous l’idée d’encourager la paresse parmi cette jeunesse, il est important de noter que la consommation du thé au Mali n’est pas un simple désir.

Fousseni Togola /maliweb.net

 

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3 COMMENTAIRES

  1. Chômage ,je dirai certains jeunes refusent de travailler. A niono dans l office du niger très souvent ,ils manquent de main d oeuvre pour récolter les champs de riz. Au lieu de passer a boire du thé mobilisé vous a libérer certains partie du pays de l insécurité

  2. Se rassembler au Mali a été préconisé bien avant le cas du thé ! Dans les années 1980 et moins on appelait la théière ” fougari daga ni ” , qui a tout son sens : c’est ce qui se passe aujourd’hui , des jeunes inactifs , des fontionnaires paresseux ! Ceux qui ne se battent pas seront dominés soit par ceux qui se battent soit par les vices !

    • Tu as raison c’est un “fougari daga ni” c’est comme fumer du cannabis, pas plus et pas moins!

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