Mali: Entre espoir, peur et incertitudes

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Le mercredi 9 janvier 2013, la crise au Nord du Mali a pris un nouveau tournant avec le franchissement de la ligne de démarcation par les Islamistes, à Konna (50 km au nord de Sévaré) et l’intervention française. Un peu partout au Mali, les populations vivent entre espoir, peur et incertitudes.

Depuis juillet 2012, les Islamistes du MUJAO, d’AQMI, d’Ançar Dine et d’Al Quaida se partagent les trois régions nord du Mali et une partie de celle de Mopti. Pendant plusieurs mois, ils ont fait régner la terreur dans les villes de Tombouctou, Gao et Kidal, à travers des mutilations, des lapidations et souvent des exécutions.

Début janvier, les Islamistes, avec à leur tête, le leader d’Ançar Dine, Iyad Ag Aghaly, se sont réunis à Bambara Maoudé (100 km de Tombouctou) pour mettre en place un plan de bataille afin d’avancer vers le Sud et prendre la localité de Sévaré. C’est ce qui est arrivé le 9 janvier dernier, avec la prise de la localité de Konna.

Quelques jours après l’intervention de la France au Mali et l’arrivée prochaine des troupes africaines, l’espoir revient un peu au sein de la population à Bamako.

Gata Cissé est un jeune entrepreneur, originaire de Tombouctou, que nous avons rencontré. Mardi 15 janvier 2013, il est 14 h 30. Gata Coulibaly vient de prier. Il porte un T-shirt sur lequel on peut voir le drapeau malien et un jean. Gata a bonne mine. Il lève les mains au ciel et «demande à Dieu de lui prêter longue vie afin qu’il voit le jour où toutes les régions du Nord seront éradiquées des Islamistes». Sa femme, Oumou, le sourire aux lèvres, et portant un boubou en bazin, vient nous rejoindre et nous sert du thé. Dans son salon, Gata Coulibaly a son poste téléviseur allumé 24 heures sur 24 et suit les informations sur France 24. Sur les images, on aperçoit l’arrivée des blindés français. Gata montre ces images du doigt et dit : «Il ne faut pas se leurrer. Si la France ne nous avait pas prêté main forte, nous n’aurions pas stoppé l’avancée des djihadistes. Aujourd’hui, nous respirons un peu. Mes parents, qui se trouvent à Tombouctou, m’ont rapporté que les Islamistes ont quitté la ville. Ils se cachent comme des rats et ils ont même enlevé leurs barbes».

C’est aussi le cas chez le maire de Gao, Sadou Harouna Diallo. Depuis avril 2012, après quelques jours passés aux mains des rebelles du MNLA, il a fuit avec sa famille à Bamako. A Gao, il a tout perdu. Ses hôtels et ses maisons ont été détruits par les Islamistes. Nous l’avons rencontré dans l’un des hôtels qu’ils possèdent encore à Bamako, dans quartier de Magnambougou. Assis devant une nouvelle alimentation, il écoute les dernières nouvelles sur RFI.  : «Je me sens comme quelqu’un qui renaît. Je suis très optimiste. Cette intervention étrangère me donne espoir et je sais que, si elle continue, nous allons retourner et retrouver notre ville, notre région. Je veux être le premier à y aller, après la fin de l’intervention».

Malgré l’intervention de l’armée française aux côtés de l’armée malienne et l’arrêt de l’avancée des djihadistes vers le Sud, certains faits viennent rappeler aux Maliens que nous somme bien en guerre. La guerre avec ses nombreux morts, comme à Konna, où l’armée malienne a perdu une dizaine de soldats et où le Lieutenant Damien Boiteux du 4ème régiment d’hélicoptères des forces spéciales (4ème RHFS) de Pau, a perdu la vie.

Autre réalité de cette guerre contre le terrorisme, l’occupation, le lundi 14 janvier, de Diabaly (170 km de Ségou) par les Islamistes. Cette petite localité, vers la frontière de la Mauritanie, était le premier rideau et la porte d’entrée dans la 4ème région du Mali.

Jusqu’au mardi soir, vers 21 heures, nous avons contacté par téléphone Daouda Sy, cadre d’une entreprise, qui travaillait dans la zone et qui surpris par l’attaque des Islamistes. La voix tremblante, il nous a affirmé que «les islamistes sont toujours dans la ville. Ils ont décidé de se cacher parmi la population afin d’échapper aux frappes de l’armée française». Le mercredi, dans la matinée, Daouda Sy et son chauffeur ont marché à pied, pendant des heures, pour se cacher dans un hameau, dans les environs de Diabaly. «On marchait et on se cachait, dès qu’on entendait un bruit, car les islamistes ont décidé de faire de petites patrouilles à deux ou à trois. Ils évitent d’être plus, car ils seront vite détectés par les avions français», nous a dit Daouda Sy.

Depuis le mardi, les Islamistes ont décidé de couper Gao de toutes les communications téléphoniques en détruisant les relais. «Je suis au centre ville et je vois Abdoul Hakim, un chef des Islamistes, en train de débrancher le relais de téléphone», a affirmé Mamadou Touré, un habitant de Gao que nous avons contacté. Avant cette coupure, Mamadou Touré nous a donné plusieurs informations sur les bombardements des avions français, le week-end dernier : environ 60 morts (tous des jeunes de Koïma et Kaadji, la zone de Gao), le bureau de la Douane, où les jeunes moudjaidines se trouvaient, complètement détruit, les dépôts d’armes et de carburant détruits. Pendant deux jours, nous a rapporté M. Touré, les Islamistes ont quitté la ville. «Actuellement, les jeunes de Gao fument, écoutent la musique et prennent du thé devant leurs maisons. Avant, ce n’était pas possible. Vive la France !» a lancé Touré.

Awa Sow, une vieille habitante de Gao de 56 ans, que nous avons contacté, elle, est inquiète : «Si l’intervention ne va pas rapidement, j’ai peur que les Islamistes nous prennent en otage et nous tuent tous avant l’arrivée des militaires au sol».

Dans les gares routières, c’est l’inquiétude pour ceux qui ont leurs parents au Nord. Coupés du monde à cause des liaisons téléphoniques, qui ne marchent plus et surtout des véhicules de transport qui n’ont plus le droit de s’y rendre, les habitants de Gao, Kidal et Tombouctou ne peuvent plus recevoir de l’aide.

A Sogoniko, dans la gare de Binké Transport, l’une des compagnies qui desservaient Gao, nous avons rencontré Tina. Elle a le regard perdu, les cheveux au vent et les yeux rouges pour cause d’insomnie. Elle se tient la tête à deux mains. «Cela fait des jours que je ne dors plus. Je ne peux plus joindre mais parents, à Gao et je ne peux, non plus, leur envoyer de l’argent. C’est triste, c’est dur», nous dit-elle, les larmes aux yeux.

Paul Mben

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2 COMMENTAIRES

  1. On a mal à l’Afrique, au Mali en lisant certains messages. Ah les nègres couchés! Débilités par des dizaines d’années de régime néocolonial criminel et prédateur. Les Libyens aussi disaient, vive Sarkozy et merci la France, quand les barbouzes de l’Otan dézinguaient leur pays et assassinaient Kadhafi accusé de tous les maux. On a vu le même scénario avec certains Ivoiriens acquis au tandem criminel Ouattara-Soro. Rien que des esclaves célébrant sans dignité leurs maîtres dans un rituel à vomir! C’est dire que les Dioncounda et autres héritiers d’ATT se frottent les mains. Les Français pour leurs intérêts donneront les clés du pouvoir d’après massacres aux plus offrants dans la docilité à Bamako ou aux ethno-sécessionnistes Touaregs au Nord en plus de la charia comme c’est le cas aujourd’hui dans certains Etats du Nord Nigéria. Enfin nous sommes encore quelques uns à n’avoir pas oublié que ni l’Occident impérialiste, ni les prédateurs et satrapes nègres ne libèrent jamais les peuples.

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