Bamako, 5 déc 2018 – Un officier malien siégeant à la commission Vérité, Justice et Réconciliation (CVJR) a démissionné après avoir été accusé de violences sur un journaliste qui avait publié un texte critique sur cette institution, a-t-on appris de sources concordantes.
La CVJR, établie en 2014 pour enquêter sur les violences dans le nord du Mali de l’indépendance en 1960 à 2013, a pour mission de “contribuer à 1’instauration d’une paix durable à travers la recherche de la vérité, la réconciliation et la consolidation de l’unité nationale”, selon l’ordonnance de sa création.
Le différend a opposé la semaine dernière le secrétaire général de la CVJR, le colonel Abdoulaye Makalou, à Hamidou Touré, directeur du journal en ligne malimedias.com, qui avait publié sur sa page Facebook un article au vitriol sur le bilan de cette institution.
L’officier, qui “fait l’objet dans les médias et les réseaux sociaux d’accusations d’exactions à l’égard d’un journaliste”, selon un communiqué publié mardi par le président de la CVJR, Ousmane Oumarou Sidibé, “a de sa propre initiative remis le 3 décembre sa lettre de démission”.
Il justifie son départ “par sa volonté de sauvegarder les acquis engendrés par la CVJR”, selon M. Sidibé, qui appelle “au respect de la présomption d’innocence et de la dignité du colonel” Makalou et annonce l’ouverture d’une enquête “afin de situer les responsabilités sur ce regrettable incident”.
Le journaliste a pour sa part affirmé publiquement avoir été “séquestré, torturé, et menacé de mort”, et même été forcé à boire sa propre urine, des accusations démenties par le colonel Makalou.
L’organisation Reporters sans frontières (RSF) a condamné dans un communiqué lundi “les sévices inacceptables subis par le directeur de Malimedias.com”.
“La crédibilité de la CVJR, dont la mission première est justement d’enquêter sur des exactions, est en jeu”, souligne RSF, qui exhorte la Commission à mettre “tous les moyens à disposition des enquêteurs pour que les auteurs d’actes d’une telle gravité à l’encontre d’un journaliste soient sanctionnés”.
Le nord du Mali était tombé en mars-avril 2012 sous la coupe de groupes jihadistes liés à Al-Qaïda, à la faveur de la déroute de l’armée face à la rébellion à dominante touareg, d’abord alliée à ces groupes qui l’ont ensuite évincée.
Les jihadistes en ont été en grande partie chassés ou dispersés à la suite du lancement en janvier 2013, à l’initiative de la France, d’une intervention militaire, qui se poursuit.
Mais des zones entières échappent au contrôle des forces maliennes, françaises et de l’ONU, régulièrement visées par des attaques meurtrières, malgré la signature en 2015 d’un accord de paix censé isoler définitivement les jihadistes.
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