Le Mali au bord de l’implosion : Que faire ici et maintenant ?

1
Processus de paix : Un chef touareg hisse le drapeau malien dans la région de Tombouctou

«Lorsque les propriétaires deviennent des observateurs, c’est le festival des brigands», (dixit président Modibo Keïta). Cette réflexion pour le moins historique et prémonitoire rappelle cette autre de Frantz Fanon en ces termes: «Chaque génération, dans une relative opacité, doit découvrir sa mission et la remplir ou la trahir.» La jeunesse malienne se réveille et ne trahira pas la sienne.

Il serait peu de dire aujourd’hui que la situation sociopolitique du Mali est délétère et vraiment pourrie. Nul besoin de rappeler ici que le président Ibrahim Boubacar Keïta (IBK) n’a pas su répondre aux attentes légitimes du peuple travailleur du Mali qui a sacrifié bien de ses valeureux filles et fils pour l’avènement de la démocratie pluraliste dans notre pays.

Sans être exhaustif, deux cent quatre (224) femmes et jeunes du Mali ont sacrifié leur vie pour chasser du pouvoir l’apache régime de Moussa Traoré. Notre peuple s’en souviendra davantage au regard de la haute trahison perpétrée contre lui par les vampires de la «démocratie» sous la troisième République.

Nul doute Alpha Oumar Konaré et Amadou Toumani Touré (ATT), au lieu de servir le Mali avec décence et probité politique ont tout simplement travaillé à saper les fondements de la dignité nationale. Notre peuple comme un seul homme s’est dressé, en 2013, derrière  pour le porter aux affaires. Ce presque plébiscite de l’homme était non seulement l’expression d’un désarroi national mais aussi de l’espoir rêvé par et pour  les Maliens de voir s’élever à l’horizon un soleil nouveau pour un Mali nouveau. Voilà qu’IBK a soufflé les quatre (04) bougies de son règne.

Aujourd’hui, le constat est cuisant et sans appel: le Mali se porte  absolument mal. La montagne en gestation, en 2013, a accouché d’une souris à l’odeur nauséabonde. Mais il ne pouvait en être autrement pour qui connaît l’homme IBK. Personne ne peut dire avec fierté qu’IBK a comblé la moindre attente de ceux qui se sont battus pour le porter aux affaires.

Bien au contraire, la situation socioéconomique et politique est tout simplement follement pourrie et fondamentalement désastreuse à tel point que celui que les Maliens appellent le «sage», en l’occurrence Seydou Badian Kouyaté a cru devoir indiquer aux Maliens la nécessité de sursoir à l’élection présidentielle de 2018 pour que l’argent qui doit être engagé dans cette élection serve à remettre l’école et la santé sur les rails et équiper notre armée pour qu’elle accomplisse avec honneur et patriotisme sa mission dévolue, c’est-à-dire la défense de l’intégrité territoriale du Mali et la sécurité de nos frontières nationales. Que s’est-il passé le mercredi 8 novembre 2017 ?

Le «sage» et l’auteur de l’hymne national du Mali a organisé chez lui un point de presse pour parler de la situation sociopolitique au Mali. La tradition chez nous commande aux sages d’intervenir dans les affaires politiques nationales en cas de nécessité. L’on comprend donc le bien fondé  de son point de presse. Toutefois, il aurait pu se rendre à la Maison de la presse pour une telle communication. Mais qu’à cela ne tienne, la conférence de presse était la bienvenue.

Seydou Badian comme il aime se faire  appeler depuis son élection ratée de 1997 a fait savoir que «notre pays vit une situation pas belle, une situation trouble et très dramatique». Comme remède à cette situation dramatique, Seydou Badian demande de surseoir à l’élection présidentielle de 2018 pour construire une union sacrée autour du pays. Notamment, il estime indispensable au pouvoir et à l’opposition de former une union sacrée pour sauver le Mali du cataclysme éventuel qui guette le pays.

Il faut rappeler que Seydou Badian fut un compagnon de lutte du président Modibo Keïta. Au regard de ce combat commun avec le père de la nation, Seydou Badian, en son fort intérieur, se voit atteint par la descente aux enfers de notre pays. Très certainement, il aurait souhaité que le Mali ne tome pas si bas dans tous les secteurs de son vivant. Que Dieu lui donne encore plus longue vie !

Cependant, l’arbre ne saurait cacher la forêt. Le sage, lors de cette conférence de presse chez lui, a jugé bon de surseoir à l’élection présidentielle de 2018 pour la réalisation d’une transition avec à sa tête Ibrahim Boubacar Keïta. Après cette transition, selon lui, IBK doit continuer son second mandat. Cette prise de position de l’auteur de l’hymne national rappelle, hélas, sa transhumance politique de l’Union Soudanaise RDA (USRDA) pour le Bloc démocratique pour l’indépendance africaine (BDIA). Cet abandon du parti RDA qui a tout au peuple malien est pour le moins surprend pour bien de Maliens. Mais ce n’est pas tout:

– Conscience grise du président de Congo Brazzaville Denis Sassou N’Guesso, Seydou Badian, pour être président de la République en sa qualité d’homme de caste, n’est pas passé par milles chemins: il a simplement déclaré qu’il n’est pas Kouyaté mais a été éduqué dans une famille Kouyaté.

Ainsi, à partir de 1997, il faut désormais l’appeler Seydou Badian Traoré. Pour nous, la sagesse lui aurait commandé de garder son nom Kouyaté. Mais les Maliens n’ont pu le voir à Koulouba comme président. En tout cas, les mentalités populaires verraient mal un homme de cas occuper une si haute fonction dans notre pays !

Le comble vient d’être atteint lorsqu’il a déclaré devant la presse que la transition devra être dirigée par IBK. Ici, il n’y a pas mille façons de comprendre sa proposition que la façon la moins déguisée de fouler au pied la Constitution de la République. Son nom de compagnon de Modibo Keïta à lui seul devrait lui commander de proposer une conférence nationale pour remettre à plat les problèmes qui rongent le Mali au lieu de se rendre complice de cette guéguerre politicienne avec comme dessous la volonté des acteurs politiques à l’œuvre de se servir du Mali au lieu de le servir.

En toute décence politique, il faut dire que le vieux Seydou Badian aurait mieux servi le Mali qu’il «vénère» tant des comportements patriotiques d’envie comme la tenue d’une conférence nationale.

Ousmane Sy, comptable de la désagrégation du tissu socioéconomique et politique du Mali depuis maintenant vingt cinq (25) ans

De son côté, au lieu de prendre de la hauteur par rapport à Seydou Badian, l’ancien ministre de la décentralisation, Ousmane Sy est tombé plus bas. Que propose-t-il dans l’optique de la non tenue à bonne date de la présidentielle de 2018 ?

Nous lisons dans les colonnes de l’hebdomadaire d’information et d’analyse ‘Mali-Horizon’’ du lundi 6 novembre 2017 : «… En toute lucidité, l’ensemble des acteurs de la scène politique, partisans et non partisans, devrait envisager le scénario de l’impossibilité d’organiser des élections en juillet 2018. Si cette hypothèse se confirmait, que faudra-t-il faire pour éviter à notre pays une nouvelle aventure ? D’ailleurs, sans le mettre au cœur du débat, les promoteurs de la révision constitutionnelle avortée avaient tenté une réponse en mettant dans leur projet la possibilité pour le président en place de continuer jusqu’à ce que l’élection présidentielle soit possible (le schéma à la RD Congo).

La Constitution en vigueur n’ayant rien prévu en dehors de la tenue à date de la présidentielle, seule une transition imposée ou consensuelle peut être envisagée si d’aventure la tenue de l’élection n’était pas possible. Si nous écartons le scénario d’une transition imposée par des putschistes militaires ou civils, seul celui d’une transition républicaine consensuelle est envisageable» que répondre à Ousmane Sy ?

– Il faut d’abord dire et répéter qu’il était et qu’il reste dans les sérails  des différents pouvoirs qui se sont succédé depuis le régime Alpha Oumar Konaré. A ce titre, il est absolument comptable de la désagrégation du tissu socioéconomique et politique du Mali depuis maintenant vingt cinq (25) ans. Il faut dire ici que depuis 1992 c’est un petit groupe d’intellectuels qui gère les affaires  du pays. Point n’est besoin de rappeler ici  que Ousmane Sy et sa femme  Kadiatou Sow ont plusieurs fois été ministres dans ce pays.

Aujourd’hui, il faut dire et répéter que la voix de Ousmane Sy ne porte plus ici au Mali. Il a été conseiller spécial du «président» illégitime de  «transition» Dioncounda Traoré. Avant de quitter le pouvoir, ils devaient se soumettre à un audit. C’est en ce moment qu’on peut dire que Ousmane Sy aime bien ce pays et œuvre pour son devenir meilleur.

En tout cas, monsieur Soumana Sako s’est soumis volontiers à cet exercice difficile mais républicain. Il en est de même pour Cheick Oumar Sissoko. Quand il a quitté le gouvernement, en 2007, il a fait appel au Vérificateur général pour un audit de sa gestion. Les Maliens ne savent pas toujours où sont rentrées les cotisations de l’effort de guerre (environ 3 milliards de nos francs).

En cas de transition imposée, le peuple exigera un kokadjè véritable

Aujourd’hui, il faut dire qu’il n’est plus question de manœuvres politiciennes nocives à la marche de notre pays vers le bonheur. Des gens ont pillé ce pays, il faut qu’ils rendent compte au peuple. Ce pays ne mérite pas cette calamité politique illicite de la part de ceux qui ont géré les affaires et qui continuent à les gérer quand bien même ils doivent leurs fauteuils à ceux qui ont donné leur vie pour l’avènement d’un Mali démocratique.

Il faut dire que ceux qui se croient jusque là les élus de Dieu n’ont plus rien de bon à proposer à notre temps. Ils sont ainsi au soir de leur vie politique. Ils ne peuvent plus continuer à tromper nos masses et piller leurs ressources.

L’heure a sonné d’exiger une conférence nationale pour démasquer et débusquer tous les déprédateurs de notre tissu socioéconomique, politique et culturel. C’est à ce seul prix que le Mali peut se construire. Dans cette marche de notre peuple, il n’est pas exclu d’assister à ce que Ousmane Sy appelle dédaigneusement «transition imposée».

Amadou Haya Sanogo avait suscité pleins d’espoirs en notre peuple. Malheureusement, il s’est laissé distraire par les faucons de la politique politicienne. En cas de transition imposée, le peuple exigera un kokadjè véritable. Dans ce cas de figure, ce ne sera plus le président de l’Assemblée nationale qui dirigera la transition dite «imposée», mais des hommes radicalement nouveaux et propres.

Ainsi, pour la première fois, le Mali de l’après Moussa Traoré ne soignera pas la plaie sur du pus. Il faut donc dire qu’un orage se prépare au Mali car la situation est chaque jour plus dramatique dans notre pays. Le pouvoir d’IBK tente le tout pour le tout. De plus en plus, il se rend à l’évidence que s’appuyer sur les leaders religieux pour juguler la grave crise qui frappe notre pays dans tous ses secteurs est une erreur fondamentale. Ces leaders religieux ont perdu aux yeux du peuple tout crédit.

A ce sujet rappelons cet homme de lettres «La religion a manqué à son but qui est de faire de l’homme un être humain au regard tourné vers le ciel et par là-même étranger aux sensations humaines». Nul doute que bien de nos leaders religieux ont opté pour le bonheur terrestre aux dépens du paradis de Dieu. C’est pourquoi, ils ne cessent de courtiser les tenants du pouvoir.

L’on comprend donc pourquoi le pouvoir a tout intérêt dans l’entrée en scène des «sages». Certainement, ceux-ci y trouvent bon compte au lieu du choix lucide de mourir sans se salir dans cette politique boueuse dans laquelle le Mali patauge. Ces ‘’sages’’ avec des sorties à contre courant se démasquent vite et leur page sera vite tournée par ceux et celles qui souffrent dans leur chair et dans leur conscience les affres d’une démocratie rampante. Aucune force ne peut arrêter la marche d’un peuple débout.

L’archevêque anglican sud africain, prix Nobel de la paix, en 1984, Desmond M’Pilo Tutu disait: «L’histoire se charge de nous enseigner ce que nous n’avons pas su apprendre de l’histoire.»

Fode KEITA

 

Commentaires via Facebook :

1 commentaire

Comments are closed.