L’imam Mahmoud Dicko se définit lui-même comme un contre-pouvoir : celui qui a mis en échec une loi féministe de l’ancien président Amadou Toumani Touré en 2009. Mieux, le même contre-pouvoir a aidé au renversement du président Ibrahim Boubacar Keïta(IBK) après avoir chassé son Premier ministre Soumeylou Boubèye Maïga et malmené Boubou Cissé, un chef de gouvernement qu’il avait proposé au président déchu.
A présent, il se tourne contre la transition dont les membres lui doivent beaucoup. Les gens semblent oublier qu’il y avait un accord tacite entre les militaires et l’imam Mahmoud Dicko aux premières heures du coup d’Etat du 18 août 2020. Il s’est proposé de les conseiller dans la conduite des affaires publiques depuis sa mosquée de Badalabougou. Sauf que l’imam sunnite est resté sur sa faim en matière de paix.
Ce n’est donc pas une surprise si le dimanche 28 novembre, l’ex-autorité morale du mouvement M5-RFP est revenu sur la scène politique sous le couvert d’une lecture du Saint Coran. Sa prise de parole sur l’espace public de Bacodjicoroni ACI, dans le district de Bamako, est le signal d’un divorce commencé il y a bien longtemps. Pendant plusieurs semaines, l’imam critiquait indirectement la transition dans ses sermons de vendredi.
Les choses se sont beaucoup plus compliquées depuis l’arrestation de Issa Kaou N’Djim, ancien membre du Conseil national de transition(CNT). Mais d’autres motifs expliquent l’animosité du leader religieux envers la transition, particulièrement le Premier ministre Choguel Maïga. Et les gens se posent la question de savoir ce que les autorités transitoires ont bien pu faire pour que l’autorité morale du M5-RFP se tourne contre ses alliés à travers des messages codés et des menaces voilées.
Dans une déclaration récente, il a expliqué pourquoi il a le devoir de dire son point de vue sur la marche du pays. Ainsi, la lecture de Coran qu’il prévoit dans la journée du dimanche sera l’occasion de faire des bénédictions pour le pays. Mais il en profitera pour dire son point de vue sur la situation du pays, au moment où les pressions viennent de toutes parts pour recadrer la transition en difficulté au Mali et ailleurs en Afrique et en Occident.
Selon certaines indiscrétions, Mahmoud Dicko en veut aux autorités pour n’avoir pas été satisfait. L’imam lui-même a reconnu que tout ne va bien entre lui et les autorités dont certaines sont allées le chercher en tant que vieux pour les conseiller. D’aucuns estiment que l’imam a voulu rencontrer l’un des hauts responsables du pays, mais ce dernier n’a pas voulu le recevoir. « Mais cela ne peut pas être une raison de rupture », a déclaré l’imam dans une vidéo le 23 novembre.
Cette vidéo visait à démentir les rumeurs selon lesquelles l’ambassadeur de France a rendu visite à l’imam nuitamment. Beaucoup pensent en effet que Dicko fait le jeu de la France qui ne veut pas de Choguel à la Primature, surtout après le discours tenu aux Nations Unies sur l’abandon du Mali en plein vol par la France. Une coalition serait en train d’être mise en place par plusieurs forces hostiles au Premier ministre, notamment des coalitions de partis politiques et d’activistes payés pour semer le doute.
Issa KaouN’Djim, le beau-frère de l’imam Dicko et ancien membre du CNT, avait pris position contre l’orientation de la transition. Il a notamment critiqué Choguel d’avoir engagé un bras de fer avec la Cedeao qui a pris des sanctions contre les responsables de la transition. Certains pensent que l’une des raisons de la colère de l’imam Dicko est liée à l’éviction de M.N’Djim. On se souvient que ce dernier a été arrêté, puis exclu de la transition après ses multiples sorties contre Choguel.
Oumar KONATE