Magazine ou matraquage médiatique ? Quand le maire de la Commune III utilise les médias publics à des fins inavouées

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Entre l’information vraie et l’emballement médiatique, il existe toujours, malheureusement, une petite place pour les crapuleries et les scélératesses. Généralement, ce sont de grands délinquants à col blanc qui s’y vautrent allègrement pour jouer de vilains tours aux bonnes pratiques et à l’ordre. C’est bien connu.

Abdel Kader Sidibé, maire de la Commune III

Abdel Kader Sidibé, ci-devant maire de la Commune III du District de Bamako, et sa mairie ont ainsi trouvé l’espace bien commode pour s’y installer confortablement afin de jeter leur dévolu sur des titres fonciers d’autrui, au mépris flagrant de toutes les réglementations en vigueur. Depuis, leur rouleau compresseur qu’ils croient irrésistible, étalé de ce fait sans précaution, est en marche. En effet, un magazine pas du tout envisagé il y a naguère, passé sur les antennes de l’ORTM dans la nuit du jeudi, 04 octobre 2012, entre bien dans leur manœuvre. Son titre plutôt dans l’air du temps, ‘’Les populations de Sogonafing sur le chemin du développement durable local’’, vise manifestement à indexer la Sifma-sa (jamais nommée durant les 15 minutes qu’a duré le fameux magazine) à l’indignation des Maliens pour s’être rendue coupable, veut-on prouver, d’avoir fait main basse sur des terres relevant du droit coutumier depuis 1935, à l’époque de l’administration coloniale française, si ce n’est depuis Mathusalem. Sans sourciller, le réalisateur du magazine trompeur fait remonter, quant à lui, la création du village de Sokonafing au 6ème siècle, comme pour dire que la localité existe depuis l’époque du Prophète Mohammed et l’avènement de l’islam,  il y a donc 14 siècles !
L’astuce a l’air de faire appel à quelques sentiments humanistes-il n’y a que le ton de la supplique qui a manqué !-pour que l’on daigne accepter laisser aux ayant-droits « leurs terres protégées par le droit coutumier ». Mais rien n’est plus faux et, dans l’affaire proprement dite que l’on veut noyer dans des circonlocutions communicationnelles hors de saison, le fait légal consolide plutôt la Sifma-sa dans son droit de propriété sur les terres convoitées par Abdel Kader Sidibé et ses complices. Avant de l’évoquer, parlons d’éléments troublants que l’opinion nationale n’a certainement pas manqué de retenir dans le magazine lui-même et qui  battent en brèche l’argumentation précipitamment développée par les conjurés. C’est, signalons-le au passage,  une constance que les filous laissent toujours des traces qui permettent de mettre à jour leurs forfaitures et remonter à eux.
Il apparaît clairement, en effet, que contrairement aux affirmations de « terres de culture des ancêtres » débitées candidement ça et là, les terres de Kolimagni Koulou sont rocailleuses, donc inaptes à toutes formes de cultures. La carte diffusée montre aussi clairement, quant à elle, d’une part les limites territoriales de Bamako dont fait partie la Commune III et, d’autre part, la zone querellée par la circonscription administrative nommée, qui se situe, elle, sans nuages au-delà des limites de Bamako. Il n’y a qu’à rediffuser le magazine au ralenti pour que chacun voie distinctement, et non à la hussarde. En plus, un plan a également été diffusé qui exhibe très visiblement tous les titres fonciers déjà créés sur le site convoité par la Commune III, des titres fonciers appartenant, bien évidemment, à la Sifma-sa. Qu’à cela ne tienne, toujours dans le magazine, il a été montré en gros plan la décision n° 088-011 du 20-06-2011 dont la notification a été faite au sieur Soungalo Diarra sous le numéro 840 comme entrant dans « le cadre des purges des champs et vergers touchés par le redressement de Samé… »
Décision d’ailleurs prise avant le fameux conseil communal du 27 juin au 06 juillet 2011 qui aurait donné son accord pour les opérations de lotissement de Sogonafing et de Samé. L’élément, pour des raisons faciles à déceler, ne montre pas le reste du document, encore moins la signature en bas de page du maire Abdel Kader Sidibé. La tromperie est manifeste. Tout le monde sait qu’il s’agit de titres fonciers créés à Kolimagni et non à Samé. La confusion est ainsi sciemment installée dans l’esprit des citoyens maliens à qui on veut empêcher de voir clairement. Bon Dieu, qu’on respecte les Maliens !
Mais le réalisateur stipendié du magazine de l’ORTM, dans une vaticination dont seul il a le secret, peut, dans la foulée, qualifier le projet frauduleux de la Commune III de « devoir à l’égard des générations futures ». Faisant écho à cela, le sieur Broulaye Sangaré, qui apparaît dans l’élément comme maire délégué en Commune III, dit fièrement de la chose : « C’est une bonne affaire ». La question est de savoir si l’on peut s’acquitter fièrement d’un devoir de génération ou réaliser en toute bonne conscience une bonne affaire sur une propriété d’autrui. Ce serait évidemment une « bonne affaire » si l’imposture soutenue à renfort de publicité arrive à passer comme lettre à la poste. Mais ce serait-il vraiment le cas ?
On est surpris de voir M. Abdel Kader Sidibé, feignant l’innocence au cours du magazine, dire ne pas comprendre pourquoi une société immobilière de la place le met en cause dans l’affaire alors que les terres qu’il a fait lotir inconsidérément font partie de son administration. Quoi ! M. Abdel Kader Sidibé a-t-il si vite oublié la lettre en date du 1er août 2011 par lui adressée au Gouverneur de la région de Koulikoro demandant à ce dernier  de « bien vouloir procéder à l’annulation » des titres fonciers de la Sifma-sa ? Est-il en mesure de publier les réponses du gouverneur de la région de Koulikoro? ce que nos compatriotes ignorent par le biais de cette correspondance, c’est que c’était une manœuvre de sa part visant à mettre en porte-à-faux la région de Koulikoro et la justice malienne. En vieux renard, Abdel Kader Sidibé avait choisi de mettre tout le monde devant le fait accompli et, espérait-il, l’ampleur de son projet illicite et ses manigances à la Al Capone compliqueraient les démarches aux tenants de la légalité. Il savait bien qu’il perdrait devant les tribunaux pour avoir malencontreusement usurpé des titres fonciers de la Sifma-sa.
D’ailleurs, sa requête en annulation contre lesdits titres fonciers qu’il a, en manœuvrier hors-pair, initiée a été jugée irrecevable par le tribunal de Première instance de Kati et, donc, rejetée. Citons l’audience ordinaire du 03 août 2012 de la Chambre des référés de la Cour d’appel de Bamako qui a ordonné à la mairie de la Commune III et tous occupants de son chef l’arrêt des travaux sur les titres fonciers de la Sifma. En plus, à toutes les étapes, les autorités compétentes, judiciaires et techniques notamment, ont unanimement signifié par écrit à la mairie de la Commune III et à son maire trois choses. Premièrement les titres fonciers de la Sifma-sa ont été régulièrement créés,  deuxièmement qu’elle « ne saurait disposer de terrains qui ne lui ont pas été transférés conformément à l’article 58 du Code Domanial et Foncier » et, enfin, troisièmement, même si d’aventure les titres fonciers de la Sifma-sa se trouveraient localisés en Commune III, « cela n’influerait en rien sur la régularité des titres créés ; il s’agirait techniquement de les translater dans le Livre Foncier du District de Bamako.»
Mais de la loi, Abdel Kader Sidibé s’en fout certainement comme de l’An 40. Il continue donc les stratégies de contournement de la loi en usant du matraquage médiatique. S’étend fendu de plusieurs articles tous plus faux les uns que les autres dans les colonnes des journaux, il entre maintenant, avec son administration, par effraction à l’ORTM en réalisant un magazine débonnaire alors que la justice suit son cours normal. S’il avait le moindre respect pour la justice malienne, il se serait abstenu d’opiner dans le magazine, encore moins d’en être le commanditaire. Mais les masques tombent pour lui. Acculé dans ses derniers retranchements, il veut en imposer à l’opinion publique nationale et aux juges en utilisant les médias nationaux pour parvenir à ses fins inavouables. Sa stratégie du chaos est bien connue. Levons un coin du voile. Comme il a déjà vendu aux Maliens de l’extérieur des dizaines de terrains dont il a sans doute tiré de substantielles sommes d’argent, Il a cherché à se mettre à l’abri au cas où les choses tourneraient au vinaigre. Il a alors distribué à la criée des terrains, à titre gracieux, généreux et humanitaire, dit-on, à certains administrateurs, à des policiers et à des gendarmes, à des journalistes de la presse privée comme à des journalistes des médias publics pour se ménager un soutien populaire de bonne saison. Au nombre des agents de sécurité bénéficiaires des largesses empoisonnées du maire de la Commune III, il y a, entre autres, ce sieur Mamadou Lamine, gendarme de son état vivant à Kalabancoro et qui n’a jamais habité ni à Samé, ni à Sokonafing et qui ne peut avoir aucune prétention fondée sur on ne sait quel droit coutumier sur les terres de Kolimagni. Comme le ridicule ne tue pas, le maire précise Sidibé précise dans sa décision n° 099-011 du 22-08-2011 (dont la notification au sieur Mamadou Lamine porte le numéro 683) que le terrain à lui affecté est bien dans le cadre des purges des champs et vergers touchés par le redressement de Samé ! Comprenne qui veut.
Un fait singulier est à relever. Comme l’action médiatique des journalistes de la presse privée n’a pas donné les fruits escomptés par le maire Sidibé, il s’est résolument tourné maintenant vers les journalistes des médias d’Etat dont l’action a permis le magazine qui n’aurait pas dû être diffusé, mais qui l’a été au nez et à la barbe du très professionnel Baba Dagamaïssa, Directeur général de l’ORTM, qui ignore tout des manœuvres en cours. Mais l’instant de désenchantement ne tardera pas à faire écho à leur court moment de jubilation.
Maintenant, demandons aux populations de Sokonafing, dont les porte-paroles dans le magazine étaient tous d’âge mur parlant parfaitement la langue de Molière, des gens donc avertis pour avoir côtoyé les Français de leur temps, comment, depuis 1935, personne n’a songé aux fameuses terres du droit coutumier jusqu’à ce que le sieur M. Kanté surgit à l’improviste et leur rende visite, non sans monter machiavéliquement son projet en happant dans ses filets le maire de la Commune III. On sait qu’en République du Mali comme ailleurs, toute opération de lotissement requiert une autorisation légale de l’Etat. De quelle autorisation de l’Etat du Mali dispose le maire de la Commune III ? En tant qu’Agim, donc agence immobilière, M. Kanté, s’il est vraiment un technicien du domaine, pouvait-il aussi facilement s’engager dans l’aventure ? A-t-il à sa disposition des autorisations en bonne et due forme pour entreprendre une telle opération ? Dans tous les cas, le faux ne passera pas. A bon entendeur….
Fatoumata Haïdara

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1 commentaire

  1. Mme,votre journal a été commandité pour ce jeu.
    Vous vous fatiguez car toutes les salles besognes de l’ancien régime vont être découvertes petit à petit.
    Vous constatez déjà d’autres dossiers similaires toujours de la direction régionale de koulikoro dans la presse.
    Mais ,il faut nous exhiber les décisions de justice dont vous parlez.
    Pourquoi SIFMA a morceler la zone(40ha)en morceaux de quatre hectares?
    La même société avait des problèmes un moment donné dans d’autres zones.
    C’est dommage qu’on permet à n’importe qui d’être journaliste.

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