Venue à Tombouctou dans le cadre de la vulgarisation de la Politique Nationale du Genre (PNG Mali), Mme Kané Nana Sanou, puisque c’est d’elle qu’il s’agit, s’est gentiment prêtée aux questions de votre journal en ligne. Nana Sanou est, comme Fatoumata Siré Diakité, une des pionnières de la lutte pour la promotion des femmes au Mali. Elle est la Présidente du Groupe Pivot Droit et Citoyenneté des Femmes (GPDCF) depuis une dizaine d’années. Le cheval de batail du GPDCF, c’est la formation d’une femme citoyenne et consciente de ses responsabilités politiques.
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rnDans l’interview qui suit, Nana nous parle du processus d’élaboration de la Politique Nationale du Genre dont elle a en charge la vulgarisation, des difficultés qu’ont les femmes de se faire une place au soleil sur le champ politique jusqu’à la revendication par les femmes maliennes de bénéficier comme leurs sœurs du Sénégal, d’une loi qui leur accorde une participation égale et équitable aux instances de prise de décision. Lisez plutôt !
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rnLafia Révélateur : qui êtes – vous ?
rnNana : je suis Mme Kané Nana Sanou du Groupe Pivot Droit et Citoyenneté des Femmes (GPDCF).
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rnLafia Révélateur : vous êtes une des pionnières de la lutte pour la promotion de la femme au Mali. Dans quel cadre vous êtes à Tombouctou ?
rnNana : nous sommes à Tombouctou pour une série de formation des pairs éducateurs et noyaux. Pourquoi une formation des pairs éducateurs et noyaux ? Vous savez que le Mali vient d’adopter une politique National Genre appelée PNG Mali, le 24 novembre 2010. Pour l’élaboration et la validation de cette politique, il a fallu un processus qui a été mis en œuvre par le Ministère de la Promotion de la Femme, de l’Enfant et de la Famille en collaboration avec le Groupe Pivot Droit et citoyenneté des Femmes. A la phase d’information de recueil des avis parce que l’Etat a voulu que la Politique Nationale soit inclusive et participative, le Groupe Pivot DCF a conduit l’information et le recueil des avis auprès de la société civile au niveau des huit régions du Mali et le District de Bamako. Suite à ce travail et après l’écriture et la validation de la Politique nationale du Genre par l’Etat, le partenaire qui a soutenu en son temps aussi bien l’Etat que le Groupe Pivot DCF dans cette tâche a voulu qu’on trouve une stratégie d’information par rapport à la Politique Nationale Genre. Et la stratégie que nous avons trouvé, c’est de former au niveau de chaque région du Mali, des pairs éducateurs et noyaux qui vont aider à la diffusion de la Politique Nationale Genre pour permettre une compréhension commune de cette politique et pour faciliter sa mise en œuvre. Vous savez, c’est une politique nationale, en ce sens, elle doit être appropriée à tous les niveaux : déconcentré et décentralisé, c’est-à-dire des régions jusqu’aux communes. Dans la mesure où chaque commune élabore son programme de développement économique, social et culturel ; il est donc nécessaire que cette Politique Nationale Genre soit prise en compte dans ces programmes de développement à tous les niveaux et un suivi effectif doit être assuré pour sa réussite.
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rnLafia Révélateur : Au Sénégal, un pays frère, ami et voisin du Mali, l’Assemblée Nationale a voté l’année dernière une loi qui établit l’égalité entre les hommes et les femmes en terme de représentation au niveau des instances électifs (Assemblée, Sénat, Mairie…). C’est-à-dire qu’au Sénégal, les Partis politiques seront désormais obligés de présenter autant de candidatures masculines que féminines à la conquête de ces institutions. Vous les femmes maliennes n’ont pas obtenu une telle mesure clémente encore. Votre commentaire.
rnNana : merci pour la question. Effectivement, au Sénégal, je dirais qu’ils viennent de voter l’égalité en matière d’élection à des postes électifs. La loi est votée, peut-être que les prochaines élections nous aideront à évaluer ce que ça donnera comme résultat. Au Mali, on n’est pas encore là. Je me rappelle en 2007, on a tenté le système de quota qui n’a pas abouti au niveau de l’Assemblée Nationale. Mais une démarche que nous avons entreprise depuis quelques mois, c’est que nous voulons avec les réformes institutionnelles en cours au Mali, voir comment on pouvait insérer cette disposition dans la constitution pour lever tout équivoque et aider à aller à la parité au niveau de la représentativité que ça soit politique ou autres, en tout cas, nous sommes entrain de mener le combat d’une manière globale. Et on verra quel résultat ça va donner. Nous avons eu à mener, déjà, des activités dans ce sens. Un comité de plaidoyer a été mis en place. Nous avons eu aussi à réunir les faîtières de la société civile au niveau de Bamako pour analyser l’état des lieux rapport à la question et de voir qu’est ce que nous devons adopter comme solutions et stratégies. Et c’est à cet atelier que la majorité des participants a décidé qu’il n’était plus opportun de parler de quota, mais de revendiquer directement la parité comme au Sénégal. Et l’étape suivante, c’était de rencontrer le CARI (Commission d’Appui aux Réformes Institutionnelles) qui était chargé d’élaborer les textes de la réforme institutionnelle et un certain nombre d’autorités comme le Ministre de l’Administration territoriale, les Députés pour leur donner notre point de vue et mettre à leur disposition un document de travail. Voilà un peu là où on en est au Mali par rapport à cette question de parité.
Lafia Révélateur : Ne pensez-vous pas, Madame, que revendiquer coûte que coûte la parité, quelque soit la compétence des femmes, ne posera pas un autre problème : le favoritisme ? N’est-il pas préférable de laisser les femmes se battent au même titre que les hommes pour accéder à des postes électifs plutôt que de les offrir ces postes sur des plateaux d’argent ? Qu’en pensez-vous ?
rnNana : je vais vous retourner la question, est-ce que tous les hommes qui sont élus sont bons ? Est-ce que tous les hommes qui sont élus sont intellectuels ? Je sais qu’il y a des hommes députés à l’Assemblée qui font recours aux interprètes pour pouvoir intervenir pendant les plénières, pour pouvoir comprendre les documents.
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rnLafia Révélateur : Ces hommes là se sont battus pour être à l’Assemblée. Ils n’ont pas eu besoin de faveur pour être là !
rnNana : moi je dis faisons attention. Nous le savons qu’en matière politique, les hommes politiques, les dirigeants des partis politiques le reconnaissent bien que la femme joue un rôle important au niveau des partis politiques dans la mobilisation, au moment des élections pour faire voter les électeurs. Les hommes politiques mêmes le reconnaissent. Maintenant, nous sommes dans une société où la politique a été long temps la chasse gardée des hommes. Ce qui fait que même une femme, si elle a les capacités, toutes les compétences requises, si on l’a propose, elle refuse du fait de l’éducation qu’elle a reçu de la société. Elles mêmes suggèrent qu’on mette des hommes à ces postes là. C’est un problème de mentalité sur lequel nous travaillons d’ailleurs pour essayer de faire comprendre aux femmes qu’elles ont aussi droit à des postes de responsabilité au même titre que les hommes.
En demandant un quota ou une parité, nous ne cherchons pas à mettre à la place d’un homme qui se bat une femme qui ne se bat pas comme votre question le laisse comprendre en parlant de favoritisme, non ! Mais le travail que les femmes font au moment des campagnes électorales est mille fois supérieur que celui des hommes, ce n’est même pas comparable. C’est les réalités de la société qui font que l’homme arrive à accéder facilement aux postes de responsabilité. En attendant que cette discrimination sociale finisse, que la femme change de mentalité en comprenant qu’elle a aussi droit aux postes de responsabilité ; il faut qu’on trouve des moyens pour faire émerger la femme. C’est donc dans ce sens qu’on demande un quota, une parité. Et le grand hic, c’est qu’il y a des femmes qui se battent, mais elles ne sont jamais bien positionnées sur les listes des partis politiques pendant les élections communales par exemple. A quoi nous assistons ces deux dernières années pendant les élections communales ? Les partis disent : celui qui veut être notre tête de liste, il faut qu’il paye 500 mille, 1 million jusqu’à 10 millions en fonction des partis. Et tout le monde sait que les femmes sont pauvres au Mali ! Un homme peut avoir 1 million, 10 millions ou il peut avoir en crédit ces montants là. Quant à la femme, non seulement elle ne peut pas débourser ces sommes là, mais encore elle ne trouvera personne pour lui faire confiance en lui accordant un crédit. Donc c’est les règles du jeu qui défavorisent la femme. Je crois que le quota ou la parité sont des mesures temporaires pour assurer une participation égale des hommes et des femmes à la gouvernance des affaires de nos pays et communes. Car homme et femme doivent, chacun en fonction de sa compétence, apporter sa pierre à la construction de l’édifice commun.
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rnLafia Révélateur : votre mot de la fin.
rnNana : Si la politique Nationale Genre sera mise en œuvre correctement, toutes ces questions trouveront des réponses appropriées. Parce qu’elle traite de toutes les questions d’inégalités. Son élaboration est partie des fondements socioculturels, c’est-à-dire de voir si nos traditions et cultures ne sont pas en déphasage avec la PNG en passant par l’état des lieux. Donc tout a été pris en compte dans l’élaboration de cette politique. Tout ceci fait que si la PNG est mise en œuvre convenablement, on résoudra tous ces problèmes sans nous engager dans d’autres combats. Merci
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rnEntretien réalisé par Diakaridia TOGOLA et Sidi Ahmed El HADJ.
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