A la faveur du 5ème forum culturel statutaire de « Temedt » qui a démarré le 10 avril 2014, au Carrefour des jeunes de Bamako, l’exigence d’une loi criminalisant la pratique de l’esclavage, a été inscrite au cœur des urgences pour faire du Mali un Etat respectueux des droits de l’homme.
Pendant combien de temps, le Mali va continuer à tolérer la pratique de l’esclavage dans sa partie septentrionale ? Si pour avoir le visa d’intégration de la communauté internationale, notre pays a pendant longtemps fermé les yeux sur une pratique rétrograde qui donne le droit à une minorité de citoyens, le plus souvent de peau blanche, de réduire une grande majorité, souvent de peau noire à l’esclavage, l’heure est arrivée pour les ouvrir grand et voir la réalité en face. Que l’Etat le veuille ou non, les victimes de cette pratique ignoble que rien ne saurait justifier, ont décidé de rompre le silence. Regroupées dans une association dénommée « Temedt » ou placenta en langue tamashek, depuis 2006, elles ne ratent aucune occasion pour attirer l’attention des autorités maliennes sur la résurgence de l’esclavage dans certaines zones du Mali, notamment au nord. Et, c’est dans le cadre du « projet de plaidoyer pour l’éradication de l’esclavage par le renforcement des capacités des leaders et organisations issues de couches vulnérables au Mali », que « Temedt » organise du 10 au 12 avril 2014, son 5ème Forum culturel et statutaire au Carrefour des jeunes de Bamako. Présidée par Mohamed Ali Bathily, ministre de la justice, la cérémonie d’ouverture de ce forum a enregistré la participation de Thierno Diallo, ministre délégué chargé des affaires religieuses et du culte. En sa qualité de Président d’honneur de « Temedt », Mohamed Ag Akératane a indiqué que le forum va traiter de thèmes comme : « Les savoirs sur la communauté noire Kel Tamashek », « L’esclavage au Mali : perspectives d’éradication » et « La crise au nord : Quelle réconciliation ». Mais, il surtout insisté sur les attentes de « Temedt » qui sont : amener les décideurs et l’opinion à prendre conscience de la persistance de cette pratique, mener un plaidoyer en faveur de l’adoption d’une loi et contribuer au retour de la stabilité, de la paix et de la cohésion sociale au Mali. Pour sa part, Ibrahim Ag Idbaltanat, Président de « Temedt », a rappelé que l’esclavage par ascendance se rencontre au niveau de plusieurs communautés au Mali : Kel tamacheq, Maures, Peulhs, Songhaï et Soninké. « Les esclaves bien que n’étant plus achetés ou vendus sont sous la domination du maître, de la famille, de la fraction ou village et de la tribu des maîtres », a-t-il indiqué. Avant d’ajouter qu’ils sont nés esclaves par la mère et le demeurent éternellement. Selon Ibrahim Ag Idbaltanat, les esclaves sont chargés de l’élevage, des travaux champêtres et des travaux domestiques. « Ils constituent une propriété précise reconnue par la société comme telle et qui se reconnait elle-même pour la plus part comme telle », a-t-il déclaré. Avant d’estimer qu’ils bénéficient rarement d’opportunités quand ils sont instruits pour occuper des responsabilités au sommet de l’Etat. « Quel gaspillage de ressources humaines », a-t-il estimé. Avant d’ajouter que les esclaves sont responsables de leur situation dans ce Mali démocratique. Mais, il pense que la grande responsabilité relève de la force publique qui a le devoir d’assurer le bien-être social à tous les citoyens. Selon lui, l’esclavage est un héritage commun auquel ont doit renoncer et combattre pour tourner le dos à l’obscurantisme, l’ignorance, l’aventure, la misère et le sous développement. Pour conclure, il a rappelé les trois défis majeurs de « Temedt ». Ce sont : l’adoption d’une loi criminalisant la pratique de l’esclavage au Mali, la réduction des souffrances de tous les maliens sans défenses en cette période de grave crise et le rôle que « Temedt » jouera face aux défis de la refondation et reconstruction de l’Etat et de la nation. « Vous avez raison de demander une loi pour combattre l’esclavage au Mali », a estimé Mohamed Ali Bathily. Il pense qu’il faut extirper de notre substrat culturel l’esclavage. Convaincu que personne ne doit réduire ses semblables à l’esclavage, quelque soit sa puissance et sa fortune, Mohamed Ali Bathili a invité « Temedt » à prendre contact avec le département de la justice pour travailler sur l’avant projet de loi criminalisant la pratique au Mali.
Assane Koné