Le 9 mai 2013 les députés ont voté à l’unanimité le projet de texte portant modification du code de procédure pénale. Ce texte a pour but d’instituer un Pôle judiciaire spécialisé en matière de lutte contre le terrorisme et la criminalité transnationale organisée. Il sera composé d’un parquet spécialisé, de cabinets d’instruction spécialisés et d’une brigade spécialisée dite brigade de lutte contre le terrorisme et la criminalité transnationale organisée. De ce fait les dispositions du Code de procédure pénale qui ont été modifiées sont les articles 24, 71, 76, 609, 610, 611 et 612.
L’adoption de ce projet de texte par l’Assemblée nationale est un évènement remarquable car elle constitue un tournant décisif sur le plan judiciaire du traitement de la criminalité transnationale organisée.
Le vote des députés a été certainement motivé par la crise sécuritaire que le pays traverse. «Nous sommes aujourd’hui confrontés à l’existence sur notre territoire de groupes criminels organisés. Ces groupes criminels composés de plusieurs nationalités ne se trouvent pas uniquement au nord de notre pays comme on le pense souvent. Leurs agissements criminels comme la prise en otage de ressortissants étrangers, le vol, les trafics de drogues, d’armes et de munitions de toutes sortes, de marchandises, etc. ont rendu nécessaire une adaptation de la réaction sociale face au phénomène» a déclaré le Procureur de la République près le Tribunal de première instance de la commune VI de Bamako, Boubacar Sidiki Samaké.
En effet, il s’agit de trouver une réponse institutionnelle pour lutter efficacement contre cette menace devant laquelle les règles classiques de droit pénal se sont avérées insuffisantes.
Selon Boubacar Sidiki Samaké, le Mali a signé et ratifié la plupart des instruments juridiques universels de lutte contre le terrorisme et la criminalité transnationale organisée. Sur le plan interne plusieurs textes comme la loi n°025 du 23 juillet 2008 portant répression du terrorisme, la loi n° 062 du 30 décembre 2010 portant loi uniforme relative à la lutte contre le financement du terrorisme ont été adoptés. Malgré ces mesures, l’insécurité, particulièrement dans la partie nord du territoire national a entraîné une crise institutionnelle permettant d’entrevoir ou de comprendre la gravité de la menace terroriste et de la criminalité transnationale organisée contre la stabilité de l’Etat ou même de la région concernée. La complexité et la spécificité des infractions concernées : (actes de terrorisme et de criminalité transnationale organisée) font qu’elles doivent être traitées par des services spécialisés dans ces types de délinquance, mais aussi, pour des raisons d’efficacité. Les poursuites doivent être centralisées pour éviter une dispersion des efforts et des moyens.
C’est ainsi qu’il a été proposé la création d’un pôle judiciaire spécialisé de lutte contre le terrorisme et la criminalité transnationale organisée, distinct du pôle économique et financier. Le pôle judiciaire spécialisé sera situé à Bamako, précisément au Tribunal de Première Instance de la Commune VI du District de Bamako.
Il sera composé d’un parquet spécialisé sous l’autorité et la direction du Procureur de la République, de cabinets d’instruction spécialisés, d’une brigade d’investigation spécialisée dite brigade de lutte contre le terrorisme et la criminalité transnationale organisée comprenant des officiers et agents de police judiciaire de la gendarmerie et de la police mis à la disposition du ministère de la Justice par les ministres chargés des forces armées et des forces de sécurité. Des assistants qui sont spécialistes ou experts suivant leurs domaines de compétences, pourront être mis à la disposition du ministre de la Justice, par l’autorité compétente. Les officiers et agents de police judiciaire ainsi que les assistants susvisés sont placés sous l’autorité du Procureur de la République, destinataire des procès- verbaux et des rapports établis dans les matières. Le Procureur de la République du pôle judiciaire spécialisé est destinataire des procès verbaux de l’Office central des stupéfiants en matière de trafic international, de stupéfiants, de substances psychotropes, de précurseurs et de substances soumises au contrôle.
Concernant la poursuite et l’instruction des infractions commises en matière de terrorisme et de criminalité transnationale organisée, ainsi que des infractions connexes, le Procureur Samaké a indiqué que la compétence territoriale du Parquet et des cabinets spécialisés couvre toute l’étendue du territoire national. Pour le jugement des infractions spécifiées et qualifiées de délits, ainsi que des infractions connexes, le tribunal correctionnel de la commune VI du district de Bamako, exerce la compétence territoriale ci-dessus définie. La Cour d’assises de Bamako, est compétente dans les mêmes conditions en cas de crimes ou de tout autre crime ou délit connexe.
Bandiougou DIABATE