La boîte de pandore a été ouverte depuis la mort du guide de la révolution libyenne, Mouammar Kadhafi et la désagrégation totale de son empire, désormais aux mains de factions rivales, toutes mues par des velléités capitalistes .A ce chaos général est venu se greffer un phénomène beaucoup plus préoccupant, à l’image de la folie meurtrière qui en découle. Autant l’intégrisme religieux inquiète au proche orient, autant il est pris au sérieux par les gouvernements africains qui multiplient les initiatives régionales et sous -régionales afin de l’éradiquer sous toutes ses formes. Quelles soient sous la forme Bokoharam, Ançardine, Al-Qaïda ou encore Almourabitoune. Le combat reste le même, car le péril est énorme et les enjeux aussi. Le Mali qui a connu ce phénomène islamique dans le sillage de la rébellion de janvier 2012, semble devenir un véritable sanctuaire où pullulent des intégristes de tout acabit. Pas un seul centimètre du territoire ne respire la sécurité véritable. C’est dire que l’heure est grave, très grave même. Ce qui amène à penser à l’élaboration d’une vraie stratégie nationale pour contrer ce cancer des temps modernes.
Ce faisant, le gouvernement du Mali, dans sa quête inlassable de paix durable après la signature d’un accord avec les indépendantistes Touaregs, se doit de regarder le problème sous un angle autre que celui qu’il a toujours privilégié à savoir, l’usage de la force. Aujourd’hui, à l’aune des actes crapuleux qui continuent d’être posés et le sentiment d’impuissance qui se dégage , l’on est en droit de penser à cette autre approche, à savoir celle de l’implication des leaders religieux qui pourrait bien être la mieux indiquée et donc la plus efficace . Le cas du Sénégal est là pour rappeler le rôle éminemment stratégique de ces hommes de Dieu pour aboutir à une stabilité sociale. L’histoire antique tout comme celle contemporaine du Mali autorise à croire que ce pays peut satisfaire à cette demande, eu égard à cette flopée d’érudits disséminés à travers toutes ses contrées. Sauf leur respect et leur honneur, Ousmane Madani Haïdara, Mahamoud Dicko, Cheick Bouyé, le chérif de Nioro, Komani Tanapo et tous les chefs spirituels non cités ici pourraient bien volontiers servir de figures de proue à cette guerre à nous imposée par les extrémistes qui prêchent tout sauf les préceptes sacro-saints de la religion musulmane se voulant tolérant, une religion de paix. Mais encore faut-il que l’Etat – Nation du Mali adhère fermement à cette logique intégratrice. Ce, en convoquant à travers le département en charge des cultes un grand forum national qui, à terme, élaborera une politique nationale des cultes , de laquelle se dégagera une stratégie nationale de lutte contre l’intégrisme religieux. Son effectivité permettra de mieux normer un domaine laissé longtemps en friche et propice à la prolifération de courants religieux mettant en péril l’unité nationale. Que dire de tous ces arabisants rentrés au pays avec comme seule connaissance, la théorie islamique selon leur pays de formation.
Quand on sait que le monde arabo-musulman est entrainé dans un bicéphalisme impliquant fortement, les sunnites saoudiens et les chiites iraniens aux côtés d’autres courants de pensée, tels les Tidjanites, les Malikites, les hamalites etc. Or la religion, dans sa pratique, est souvent tributaire de ces courants qui se distinguent les uns des autres par des détails qui rappellent fort la ligne directrice de leurs chefs spirituels. En témoigne, ce débat sur l’accoutrement du bon et du vrai musulman, selon certains, qui doit avoir, pour les hommes, un pantalon « sauté », donc au-dessus des chevilles, avoir une barbichette bien soignée, s’abstenir des stupéfiants et de l’alcool, ne pas commettre l’adultère et porter le voile intégral pour les femmes. D’où le choc des cultures qui fait rejaillir ces us et coutumes qui restent collés à certaines civilisations. Ne percevant la religion qu’à travers leur foi en un Dieu unique avec une allégeance au prophète Mohamed ( PSL) ,son envoyé, à l’observance des cinq piliers de l’islam ,et comme seule boussole, le coran. L’histoire récente a démontré que les arabisants, autrement dit ceux ayant effectué des études coraniques poussées ou non , se plaisent beaucoup dans les prêches d’autant qu’aucune autre perspective ne leur est entrouverte par le gouvernement, d’où ce vœu pour cette politique nationale des cultes qui permettra de mettre des garde-fous à leur récupération subtile à d’autres fins . Cette stratégie de lutte contre l’instrumentalisation de ces « cerveaux religieux » passe par une prise en compte de certains facteurs motivants et intégrateurs. Comme l’enseignement de la théologie, donc l’apprentissage du coran ou de la Bible dans tous les ordres d’enseignement à travers une dissémination intelligente des sourates et versets selon les niveaux d’étude , l’ouverture de centres de formation professionnelle islamiques ou biblique dans un pays qui se veut laïc , des centres de prêche pour mieux fortifier la foi, en dehors des offices religieux hebdomadaires. Egalement, ouvrir des créneaux dans la fonction publique pour les arabisants dont le seul salut reste ces écoles coraniques privées qui échappent à tout contrôle donc à la merci du tout-venant, prêt selon ses desseins à travestir l’islam et saper ses fondements. La création de centres de formation professionnelle avec l’enseignement des religions permettra de fixer les jeunes, et leur garantir un avenir certain à travers l’apprentissage d’un métier. En mettant aussi nos érudits, les marabouts recensés dans tous les recoins du pays dans des conditions financières et matérielles optimales, ils pourront être d’un apport utile dans la lutte contre l’embrigadement des jeunes par les extrémistes. En assurant un maximum vital à ces leaders religieux, les exempter de certaines charges trop contraignantes dans leur vie quotidienne et leur offrir un cadre d’enseignement en conformité avec leurs exigences académiques, ceux-ci pourraient contribuer fortement à la stabilisation sociale et à la lutte contre le phénomène djihadiste. Car l’ignorance, la misère, et surtout l’indifférence restent en grande partie les, facteurs savamment exploités par les ennemis de l’islam- vrai pour commettre leurs forfaits et tenter de le discréditer aux yeux du monde. Comme pour faire dire, c’est quelle religion où les musulmans tuent d’autres musulmans, même dans les mosquées .La réponse à cette interrogation reste que la vérité, la seule qui vaille pour cette religion demeure celle du coran, son fondement. Facile à lire et à comprendre, on peut bien se demander à quel dessein lui prête-t-on des interprétations aussi confuses les unes que les autres. Sauf à être sous l’emprise d’empires financiers qui veuillent lui associer des pratiques découlant de centaines cultures arabes. De tout ce qui précède, le rôle et la responsabilité des leaders religieux sont engagés dans la lutte contre le travestissement de l’islam et donc dans le combat contre l’enrôlement des jeunes dans une entreprise terroriste aux desseins non avoués. Cela est possible à travers une sensibilisation accrue, une meilleure gestion des réseaux sociaux et des sites afférents à cette désacralisation. Au plus fort de la crise malienne, avec l’occupation du Nord du pays par les djihadistes, l’action du Haut conseil islamique, à travers son président Mahamoud Dicko, a été déterminante dans la libération de prisonniers maliens. Tout comme les discours lénifiants du chérif Ousmane Madani Haïdara qui contribuèrent à l’apaisement social. Pour tout dire, l’Etat du Mali doit pouvoir altérer la force militaire, et la sensibilisation à outrance qui demeure un vecteur non négligeable .La mise en route d’une telle initiative pourrait être discutée lors d’un forum national des religieux qui dégagera la stratégie nationale de lutte contre le terrorisme pour qu’enfin vive sereinement ce Mali de nos ancêtres, dans un islam de paix et de tolérance
Amadou SANGHO