Sur financement d’OSIWA, Orfed a organisé des journées de réflexion et de plaidoyer avec des religieux musulmans et chrétiens le samedi 7 et le mercredi 25 septembre à Bamako. La première journée a eu lieu au Centre Chrétien de Niamanan tandis que la seconde s’est tenue au siège de l’ONG Alfarouk sise Hamdallaye ACI 2000.
Les deux journées de travaux se sont déroulés sous forme d’un atelier de présentation et de validation de l’argumentaire chrétien et musulman et de plaidoyer pour un traitement plus humain des dépendants ou malades de la drogue.
C’est partant du triste constat que le Mali est passé d’un pays de transit à un pays de forte consommation de la drogue qu’Orfed (Organisation pour la Réflexion, la Formation et l’Education à la Démocratie et au Développement) a associé ces deux grandes communautés religieuses du pays à son combat pour endiguer ce fléau. “L’argumentaire religieux c’est d’avoir des bases religieuses chrétienne ou musulmane sur la consommation de la drogue. La consommation de la drogue est devenue un phénomène récurrent au Mali. Auparavant, le Mali était considéré comme une zone de transit, mais malheureusement, l’on constate que le Mali constitue également une zone de consommation de la drogue. Dans le but d’informer, de sensibiliser la population et les autorités, nous voudrions aussi que toutes les sensibilités puissent donner des arguments en faveur de la prise en charge des toxicodépendants en plaidant la création des centres spécialisés pour leur prise en charge. Raison pour laquelle nous avons demandé à certains responsables religieux de nous sortir des arguments dans le Coran et la Bible pour nous permettre d’avancer sur le sujet“, a expliqué Cheick Abou Laïco Traoré, coordinateur du Projet.
A l’unanimité, les deux religions ont condamné la consommation de la drogue et autres produits assimilés. Définissant la drogue comme étant toute substance qui modifie la manière de percevoir les choses, de ressentir les émotions, de penser et de se comporter, l’Abbé Noël Samaké, membre du Mouvement des Cadres et Responsables Chrétiens a refusé toute distinction entre “drogue douce et drogue dure” rappelant au passage le caractère sacré du corps humain. “Bien que la parole de Dieu ne parle pas directement des drogues, elle énonce plusieurs principes nous permettant de savoir que l’usage des substances qui modifient la perception, le comportement et la pensée n’est pas bien vu par Dieu. Le premier principe se trouve dans la lettre de Sait Paul aux Corinthiens: Nous savons que notre corps est le temple du Saint Esprit et que nous devons en prendre soin. Il est donc important de fuir tout ce qui constitue un danger pour la santé”, a rappelé le Prête de l’Eglise Catholique du Mali.
Les mesures répressives telles que l’incarcération n’étant plus efficaces, les religieux proposent l’exploration d’autres mesures. Dans sa proposition de solution, le Pr. Hamidou Magassa a indiqué qu’il revient aux autorités publiques d’engager des réflexions pour une relecture des textes en faveur des mesures préventives, des dispositions pour la rééducation et le traitement intégré des personnes dépendantes de l’usage de la drogue.
Aux dires des religieux, les toxicodépendants sont des nôtres. Ils ne méritent pas le rejet, l’abandon ou encore le mépris de la société. C’est ainsi que l’anthropologue et sociologue Hamidou Magassa a parlé de l’élaboration et la mise en œuvre des approches appropriées dans les traitement psychosociaux et sanitaires des victimes de la drogue en considérant que ce sont des personnes humaines qui ont aussi droit à la dignité, à la santé, à la réinsertion familiale, citoyenne et nationale. L’occasion était donc bonne pour lui de rappeler cette citation de Koffi Annan. “La drogue a détruit beaucoup de vies humaines, mais les mauvaises politiques en ont détruit autant”. Une façon pour lui d’insister sur l’adoption de nouvelles mesures dissuasives et d’abandon de drogue.
D’une seule voie, les religieux chrétiens et musulmans ont aussi plaidé en faveur de la création des centres spécialisés pour la prise en charge des toxicodépendants.
En conclusion, le directeur d’Orfed a fait savoir que des documents seront faits de la restitution de ces argumentaires chrétien et musulman et les adresser à qui de droit dans le but de pouvoir indiquer ce fléau qui fait des ravages. “Pour la suite, nous allons faire des copies de ces argumentaires et les distribuer au niveau des autorités du pays tels que l’Assemblée nationale ainsi que des ministères. On espère également que la sensibilisation va continuer dans les églises, les mosquées”, a conclu François Sangaré.
Alassane CISSOUMA