Au bout d’un long suspense autour de sa mouture finale votée par le CNT dans une ambiance belliciste, les incertitudes sur la nouvelle loi électorale ont été finalement dissipées, vendredi, avec la promulgation du texte amendé par le président de la Transition. Le bras de fer entre le gouvernement et l’organe législatif s’était pourtant poursuivi au-delà de l’hémicycle où les deux protagonistes ont dû littéralement croiser le fer autour des modifications que le CNT a jugé opportun d’apporter au projet soumis à son examen par l’équipe Choguel Maiga. Au nombre des retouches problématiques figure justement la part belle que le chef du gouvernement s’est arrogée dans la désignation du collège dirigeant de l’Autorité indépendante de gestion des élections. Au lieu de quatre personnalités initiales, il ne revient finalement au Premier ministre que la modique proportion d’un seul membre sur un total de quinze personnalités retenues par le CNT au lieu de neuf. L’organe législatif de Transition a ainsi jugé utile pour ce faire d’associer au mécanisme de désignation, en plus des acteurs étatiques, des parties prenantes laissées en rade du processus électoral telles la classe politique et la société civile par-delà. Les retouches opérées sur l’AIGE ont trait également a moult autres amendements en rapport avec les prérogatives et missions de l‘administration classique. Y figurent notamment la révision des listes électorales pour laquelle l’organe unique n’a pas paru apte au maillage territorial adapté ou encore les textes en rapport avec la délivrance de certains documents parmi une panoplie d’autres attributs conférés à l’administration par les législations en vigueur au Mali. On y dénombre entre autres la réglementation sur l’état civil ou encore les mesures relatives à la détermination du nombre d’élus par collectivité territoriale. Il a paru en définitive de bon ton, aux yeux du CNT, la réhabilitation de l’administration classique dans les rôles qui lui reviennent de droit dans le processus électoral, aussi longtemps que les textes y afférents ne sont pas conformes au nouveau système électoral en gestation. Une telle option, entre autres, découle du méticuleux labeur abattu par le CNT et qui a jalonné une procédure législative au cours de laquelle une oreille attentive a été tendue à toutes les sensibilités politiques et sociales concernées par la loi électorale. Une démarche créditée par ailleurs de plus d’effort dans la recherche de consensus que celle de l’Exécutif dans l’élaboration du projet de texte en question. Résultat : l’adoption de la nouvelle loi a été largement adoubée par les composantes de la classe politique manifestement plus acquises aux amendements apportés par l’organe législatif qu’au texte initial du gouvernement. En témoigne du reste la flopée de communiqués et déclarations qui sont autant d’expressions de leurs craintes d’un processus électoral porteur de crise politique aux conséquences désastreuses. À l’opposé, les modifications auront été en revanche vivement décriées par les porteurs du projet de loi et leurs alliés politiques, dont les coups de sirène n’ont visiblement pas eu d’échos favorables auprès de la plus haute autorité de l’Etat. Ce faisant, la sagesse et la responsabilité aura pris le dessus dans l’arbitrage du dilemme de sa promulgation longuement entretenue à coups de jérémiades et de protestations jusqu’à la rébellion. Autre marque de responsabilité et de sagesse, les menaces et dénonciations brandies par le chef du gouvernement ne l’auront pas poussé au seuil du Rubicon annoncé. En effet, les attentes et pronostics de bien d’observateurs se sont heurtés – jusqu’à preuve du contraire en tout cas – à la détermination de Choguel MaÏga de continuer à coordonner l’action au mépris des contradictions évidentes entre ses convictions profondes et la trajectoire donnée contre son gré à un système électoral qu’il a naguère présenté comme l’épine dorsale de sa doctrine de refondation. Quoique le Premier ministre, ce faisant, incarne la politique malienne avec moins de dignité qu’en s’y prenait différemment, c’est à dire avec le même courage qui l’avait caractérisé les fois où il défiait la communauté internationale.
A KEÏTA