L’œil du reporter : Mali, terre de couleurs, terre d’entente entre les peuples, terre d’intelligence

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Lors de mon tout premier séjour au Mali, il y a bien longtemps, ce sont  le rouge de la latérite, le noir des peaux, et le vert de l’hivernage qui m’étaient apparus comme les couleurs complémentaires au rouge, jaune et vert du drapeau.  Ce rouge qui couvre la végétation le long des routes, ce rouge qui colle aux semelles des chaussures quand il a plu, ce rouge qui répond aux rayons du soleil couchant quand on reste au village. Les Noirs, c’est ce qu’on dit dans mon pays. Les toubabs ne sont pas attentifs à toutes les belles nuances que la peau africaine offre au regard, peut-être sont-ils plus attirés par les couleurs des bazins et des pagnes qui en sont les plus beaux écrins. Il y a autant de variétés de teints au Mali qu’il y a de diversité de teints blancs en France.

De Kayes à Kidal, les femmes maliennes sont fières de leurs enfants, du teint le plus clair au teint le plus foncé. Le vert qui explose dès les premières pluies, le vert des pousses d’arachide dans les flaques au détour d’une piste au village, le vert des plantes aquatiques qui flottent sur le fleuve sous le nouveau pont à Bamako. Les teints, les morphologies sont autant de diversités entre les Bamanan, les Bozos, les Bwas, les Dogons, les Khassonkés, Minianka, les Kountas, les Malinkés, les Maures, les Peuls, les Sénoufos, les Songhai, les Soninkés, les Touaregs, les Toucouleurs et tous ceux encore que je ne suis pas capable de citer.

Les Maliens sont tous frères et sœurs qu’ils soient Ag, Cissé, Coulibaly, Diakité, Diallo, Guirou, Kanté, Keita,  Koné, Maïga, Ould, Touré,  Traoré  et que sais-je encore. Frère, sœur, cousin, tonton, tanti, ces titres familiaux, qui organisent l’arbre familial d’une façon précise dans mon pays, signifient  autre chose au Mali. Au début, je ne comprenais rien à cette grande famille, aux cousins de plaisanterie, à la vieille qui me présentait un enfant comme son mari, et à cet homonyme qui faisait la fierté de son aîné. Autant de choses que je sais aujourd’hui, des années plus tard, être le fondement du tissu social malien. Tous ces frères, sœurs et cousins maliens sont animistes, catholiques, musulmans ou protestants sans que la pratique de chacun ne vienne perturber les liens sociaux. Chacun se retrouve simplement Malien quand les eaux du Djoliba font résonner l’écho des voix de la kora, du balafon, du n’goni, du sangbagni et de celles des griots, des chanteurs des Dimanches à Bamako, du Super Rail Band, des chasseurs dogons, des rappeurs et du hip hop le plus récent. Personne n’a besoin de sous-titres. La plupart des Maliens, sans être conscients de la prouesse, sont polyglottes, ils maîtrisent plusieurs langues vernaculaires et passent de l’une à l’autre sans aucun problème. Cela me fascine, nous qui maîtrisons si péniblement une ou deux langues étrangères. Chaque petit Malien scolarisé étudie en français, il est instruit dans «la langue du colon», ce qui exige une gymnastique intellectuelle exceptionnelle surtout dans une classe surchargée. Et, nous, les toubabs de France, trouvons «normal» que, de l’universitaire au taximan, tout le monde s’exprime dans notre langue. Force est de reconnaître, malgré tout, que cet héritage linguistique historique permet de vite tisser des liens amicaux indéfectibles. Je ris quand on me demande dans quel hôtel je descends quand je vais au Mali … Je suis toujours logée dans «ma grande famille». Je sais que quelque soit l’heure où j’arrive, quelque part entre Kayes et Kidal, on va me dire «faut manger», on va me proposer du dégué, du gingembre ou du da belinni, et que je ne pourrai pas repartir en France sans avoir reçu les cadeaux que chacun veut que je glisse dans ma valise. Le téléphone ou  skype seront les liens tendus entre Paris et quelque part au Mali jusqu’à la prochaine fois.  Il paraît que certains voudraient que le Mali soit amputé des 2/3 de son territoire. Il paraît que certains prétendent que le peuple malien ne fait pas qu’un … Ces gens ignorent-ils que le Mali est terre de couleurs, terre d’entente entre les peuples et  terre d’intelligence ?   Nous cacheraient-ils quelque chose ?

Françoise WASSERVOGEL

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