Le Mali affiche un taux d’analphabétisme de 70,6 % chez les adultes. Constat effrayant quand on sait que l’alphabétisation est essentielle pour éliminer la pauvreté, réduire la mortalité infantile, instaurer l’égalité des genres, et assurer le développement, la paix et la démocratie.
Il faut revenir sur ce terme analphabétisme, car au fil des années, cette notion a évolué. À l’origine, était déclarée analphabète, la personne qui n’avait pas été scolarisée, qui n’avait jamais appris, qui ne pouvait donc pas lire. Aujourd’hui, il existe une autre notion, l’illettrisme. Sont considérées illettrées les personnes, qui, ayant été scolarisées, ne maîtrisent pas les compétences de base nécessaires, en lecture, écriture et calcul, pour être autonomes dans des situations simples de leur vie quotidienne. Elles ont appris, mais peu, et, sans pratique, elles ont oublié, et sont, la plupart du temps, dans l’incapacité de comprendre un formulaire administratif ou un article de presse, car elles en sont restées au déchiffrage des mots, donc incapables de comprendre le sens global des phrases. Quelque soit la différence entre ces deux termes, être analphabète ou illettré génère souvent une idée négative sur la personne. Elle est regardée, elle se considère elle-même, comme «moins intelligente», alors que cela n’a rien à voir. Ne pas avoir pu fréquenter l’école du tout, ou pas assez longtemps, à cause des difficultés de la vie, n’entame pas le potentiel intellectuel, mais en bride «seulement» l’épanouissement. Rien n’est définitif, un adolescent ou un adulte, analphabète ou illettré, peut remédier à cette situation handicapante en suivant une formation ou une remise à niveau, ce qui lui permettra ensuite de développer ses savoir-faire.
Malgré leurs différences de vécu et de connaissances, certains, hommes, femmes et adolescents, surmontent les tabous de l’analphabétisme et de l’illettrisme, choisissent de retourner sur «les bancs de l’école» afin de prendre leur destin en main, voient leur volonté couronnée de succès, s’épanouissent vite, et participent ainsi au développement de leur famille, de leur communauté, et donc à celui de leur pays.
D’autres, n’en pouvant plus de la pauvreté, partent loin de chez eux, dans l’espoir d’une vie meilleure, conscients qu’être analphabète ou illettré dans un pays industrialisé est encore plus difficile. S’ils ont choisi l’Occident, qu’ils viennent d’Afrique, d’Asie ou de ce qu’on appelle encore l’Europe de l’Est, les migrants sont immédiatement confrontés à la langue écrite de leur pays d’accueil. Dès leur arrivée, ils peuvent s’inscrire à des cours publics d’alphabétisation. Une meilleure maîtrise de la langue leur permettra de faire face aux démarches administratives, de connaître leurs droits et leurs devoirs dans leur pays d’accueil, d’élargir leurs compétences professionnelles, et de s’assurer ainsi le bien-être escompté. Maîtriser la langue, c’est pouvoir mieux participer à la réussite des enfants. Dès leur arrivée, en effet, les migrants doivent leur faire intégrer le système scolaire, les lois sont strictes. En France, par exemple, «qu’ils soient français, migrants, francophones ou non francophones, tous les enfants sont soumis à l’obligation scolaire, car aucune distinction n’est faite entre élèves de nationalité française et de nationalité étrangère pour l’accès au service public de l’éducation, et ce, de l’âge de 6 ans à l’âge de 16 ans révolus. La personne qui n’inscrirait pas l’enfant dont il est responsable, recevrait une mise en demeure, et risquerait une amende qui peut être de 7500 €, et une peine de 6 mois d’emprisonnement». Parfois «sans papiers», les enfants sont à l’abri des poursuites judiciaires jusqu’à leur majorité, car «tous les enfants mineurs présents sur le territoire français doivent être scolarisés sans condition de régularité de séjour de leurs parents ou de leurs responsables légaux».
Cette obligation nécessite une prise en charge spécifique par l’Etat, bien sûr. Depuis les années 70, suite aux lois régissant le regroupement familial, des «classes d’accueil» existent au sein de nombreux établissements de l’Education nationale. Elles accueillent le jeune migrant, quelques soient le moment de son arrivée en France et son niveau de maîtrise de la langue, et visent à lui donner «la maîtrise du français comme langue de scolarisation, afin de lui permettre d’intégrer rapidement une classe de cursus ordinaire». Pour le jeune migrant, au-delà de l’apprentissage purement académique, la classe d’accueil est propice à l’initiation aux coutumes locales, souvent lointaines des siennes. C’est aussi un des lieux d’aide à la reconstruction personnelle car, parfois, il a subi des traumatismes suite à l’instabilité politique dans son pays d’origine.
Un des droits fondamentaux de l’enfant est la scolarisation. Les parents doivent en comprendre la nécessité vitale, pour leurs fillettes comme pour leurs fils. L’Etat doit en être le premier garant. Cependant, rien ne sert d’idéaliser un système, car, tout repose sur ceux qui sauront en bénéficier, à savoir, celles et ceux qui fourniront l’effort personnel indispensable, qu’ils soient enfants, adolescents ou adultes, au village comme au cœur d’une ville occidentale. L’alphabétisation et la scolarisation sont les conditions absolument nécessaires au développement d’un individu, donc à celui de tout un pays. Aucun responsable politique ne doit oublier de faire de l’instruction publique gratuite, pour jeunes et adultes, LA priorité absolue de son programme de (re)construction du pays. Il assurera ainsi la formation de citoyennes et citoyens qui connaîtront et défendront tous les droits inaliénables et fondamentaux, reconnus à chaque être humain. Instruits, toutes et tous pratiqueront leur liberté de pensée, de conscience et de religion, en toute connaissance de cause. Ils sauront quels sont leurs droits et leurs devoirs. Instruits, toutes et tous participeront au développement économique d’une société de paix, de tolérance et de liberté où il fait bon vivre, que ce soit au Mali ou ailleurs.
Françoise WASSERVOGEL