L’œil de Le Matin : Inventer nos propres équilibres comme système de gouvernance

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Depuis le coup d’État des militaires de 1968, le Mali a dérouté faute de réelles visions, mais aussi à cause des opportunistes qui encerclent chaque fois les hommes forts des périodes charnières. Dans notre pays, le pouvoir est considéré comme un délice, comme une omnipotence, une toute puissance sans limites. D’ailleurs, on dit «Mansa kê» qui signifie «» (maître) et «San» (ciel atmosphérique).

Donc une presque divinité qui domine du sol jusqu’au ciel atmosphérique. Le pouvoir domine tout, devient tout. Mais, cette conception ancrée dans le subconscient du Malien lambda, n’est plus la réalité dans un monde globalisé, interconnecté. Aujourd’hui, les peuples ne sont plus mystifiés, ils suivent la gestion et ont un véritable pouvoir de dénonciation. Cette conception de pouvoir divin au Mali et son inadaptation au monde actuel ont provoqué une instabilité chronique au sommet du pays.

A la chute de la première République, les militaires ont trouvé normal de se maintenir dans les affaires, malgré leur promesse de retourner dans les casernes. Le peuple a également pensé que c’est Dieu qui donne le pouvoir à qui il veut, alors la situation s’est légitimée. En 1991, les militaires ont accepté de retourner dans les casernes tout en programmant leur retour déguisé en complicité avec les gouvernants élus. La réalisation du projet a détruit le plus grand des partis politiques, surtout elle a instauré le larbinisme politique et, par conséquent, la fragile démocratie malienne s’est bien affaissée.

En 2013, les militaires auteurs du coup d’État de 2012, ont fait voter leur candidat en jouant avec ce qui restait de crédibilité au système démocratique du pays, ils pensaient aussi faire du ping-pong à l’instar du cas ATT. Mais les choses se sont passées autrement. Présentement, nous sommes persuadés, que certains sont dans des manœuvres complexes pour faire comprendre aux militaires, qui ont la réalité du pouvoir, des scénarii «de lâcher pour mieux reprendre» ou de prendre du temps en ignorant toute la réalité contextuelle.

La gestion d’un État, n’est pas seulement un jeu de pouvoir, c’est aussi une recherche de stabilité d’un pays, une stratégie de consolidation d’une nation. Un jeu de pouvoir stérile, n’aboutit que sur un perpétuel recommencement dans un environnement qui va droit vers une implosion. C’est pourquoi l’armée, qui se trouve être la frange la mieux structurée d’un pays, aura toujours les moyens et le devoir de reprendre les choses en main à chaque dégringolade. Cependant, elle doit comprendre que, en plus de la sécurisation de la nation, elle doit veiller sur la consolidation des équilibres véritables des pouvoirs. C’est pourquoi dans son rôle de maintien structurel de la nation, elle doit savoir se tenir dans la pénombre pour ne pas effrayer, parce qu’on craindra l’immensité de sa puissance.

Pour illustration, l’armée est la garante de toutes les démocraties durement implantées. Les Généraux, même s’ils gouvernent avec les porte-étendards politiques, ils se font discrets pour mieux asseoir leur pouvoir car la véritable force ne se montre point. La stabilité des USA se trouve au Pentagone. La politique française est dominée par la vision de ses officiers supérieurs. La force de la démocratie sénégalaise a pour socle l’arbitrage établi par ses Généraux.

Une démocratie est solidement installée lorsque le clan militaire et le clan politique arrivent à définir une stratégie qui permet une complémentarité dans la gestion du pays. L’épée de Damoclès des militaires sur la tête des politiques empêche des dérives, la vision politique. Et le savoir diplomatique des civils oriente les militaires dans leurs priorités en ce qui concerne la conception des moyens de sécurisation du pays. L’Algérie et le Nigeria ont presque réussi ce concept.

Nous pensons donc que le jour ou le Mali saura inventer ses propres équilibres (aux niveaux social et sécuritaire) et arriver à en faire un système de gouvernance, sa démocratie s’établira pour l’honneur véritable de la nation.

Moussa Sey Diallo

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