Rien ne va plus entre les jeunes de Badalabougou et le maire de la commune V, Boubacar Bah dit «Bill ». Et pour cause : la vente du terrain de football situé près du Palais de la culture à un richissime malien installé au Gabon. Par la même occasion, le maire tente de faire déguerpir les Bozos installés entre ledit terrain et le fleuve au profit du même type.
Le mercredi dernier, dans l’après midi vers 17 heures, le terrain de football situé près du Palais de la culture (côté ouest) a abrité une assemblée générale qui a regroupé les jeunes du quartier ainsi que les Bozos installés au bord du fleuve. En effet, bien avant ce jour, le lundi 17 janvier dernier, un huissier accompagné de 120 policiers et 30 manœuvres se sont rendus sur les lieux pour démolir les constructions des Bozos installés à cet endroit depuis plus de 40 ans.
Les jeunes ont appris que le richissime Moussa Balla Tounkara aurait payé le terrain de football à 80 millions de francs CFA. De même, celui-ci envisage de faire déguerpir le campement des Bozos au motif qu’il ne veut pas voir un obstacle entre lui et le fleuve. A cet effet, nous nous sommes entretenus, après l’assemblée générale, avec le secrétaire général de la commission « jeunesse et sports » de Badalabougou, Massa Coulibaly, ainsi que le chef du campement des Bozos, Bourama Sininta.
Les jeunes de Badalabougou ne sont pas passés par quatre chemins. Pour eux, le richissime doit d’abord passer sur leurs corps pour leur arracher ce terrain. Selon Massa Coulibaly, la commission de sports de Badalabougou n’a aucunement été informée de la vente de ce terrain. De ce fait, la jeunesse de Badalabougou ne compte pas cautionner cette situation créée par certains cadres véreux de l’Etat, a-t-il dit. Massa Coulibaly a rappelé que ce terrain de football a été donné aux jeunes de Badalabougou et Badala Sema I par le gouverneur Yaya Bagayoko. A ses dires, le richissime en question affirme avoir payé ce terrain depuis 15 ans par l’entremise des Domaines de l’Etat qui lui ont octroyé le titre foncier No 16551.
Comment cela a pu se faire à l’insu de la mairie de la commune V ? « Nous avons appris que lors du passage de Bill à la mairie sous le second mandat d’Alpha Oumar Konaré, il avait accompli ce forfait », clame-t-on. A cet effet, signalons que Boubacar Bah « Bill » a été élu maire en 1998 avant d’être déchu, après 3mois, au profit de feu Dieudonné Zallé.
Nous avons rencontré le chef des familles Bozos, Bourama Sininta, qui nous a relaté l’historique de l’implantation du campement. A ses dires, c’est l’endroit où le « bac » faisait traverser les habitants avant la construction du point des Martyrs. Ainsi, avec la construction du pont, quelques Bozos s’installèrent et faisaient sortir du sable de l’eau pour le vendre, en plus du métier de pêche. Ils ont ainsi construit des tentes. Mais avec la multiplicité des incendies, les Bozos étaient obligés de construire des maisons en banco qui existent jusqu’à nos jours.
En effet, le vieux Bourama Sininta, qui avoisine les 70 ans, a démarché les différents maires qui se sont succédé à la mairie de la commune V. A ses dires, de 1992 à nos jours, les maires Ibrahima Dioni, Dieudonné Zallé et Demba ont tous indiqué aux Bozos qu’ils ne devraient rien craindre, que les berges du fleuve ne seront jamais vendues. Et, cureusement, c’est Bill qui s’est personnellement impliqué pour les déguerpir au profit du richissime Moussa Balla Tounkara, a-t-il expliqué.
Par ailleurs, le soi-disant propriétaire des lieux a convoqué Bourama Sininta et 120 autres au Tribunal de la commune V. Le procès a eu lieu le 30 décembre 2010. Le verdict donne la victoire au sieur Tounkara. Sans attendre, le vieux Sininta et les jeunes leaders ont interjeté appel depuis le 30 décembre 2010. Mais, chose bizarre, jusqu’ici le dossier n’est pas encore arrivé à la Cour d’appel .Cependant, on tente d’exécuter la sentence. D’où la présence des policiers, de l’huissier et des manœuvres la semaine dernière pour entamer la démolition des bâtisses des riverains. Et n’eut été la résistance des Bozos, on allait démolir les 208 maisons construites, sans compter les cases et mettre dans la rue de pauvres gens. Pourtant, lors des campagnes électorales, les partis politiques, notamment l’Urd et l’Adéma (dont Bill est partisan) fréquentaient les habitants de cet endroit. C’est dire qu’il y a ce campement de 120 familles, donc près de 1000 âmes, en ce lieu depuis belle lurette. Ils ont été recensés au Race ainsi qu’au Ravec. Mais, de tout cela, Bill ne veut rien entendre. Signalons que le maire de la commune V est en train d’agir sans l’aval du conseil communal. Car le 2è adjoint, en occurrence, Mamadou Founè Traoré, chargé du foncier, affirme ne pas être au courant de la vente de cette parcelle qui vaut plusieurs hectares. Si rien n’est fait, un affrontement pourrait se produire. Les jeunes ont écrit au président ATT ainsi qu’au ministre de la jeunesse et des sports et du gouverneur du District.
A suivre donc !
Boubèye Maïga
Lettre ouverte au président de la république du Mali ATT
Commission sportive de Badalabougou
En commune V du District de Bamako
Tel : 66 96 26 89 / 76 01 68 99
A
Son Excellence Amadou Toumani Touré Président de la République du Mali
Objet : Demande d’intervention
Excellence,
La Commission artistique, culturelle et sportive de Badalabougou vient, très respectueusement par la présente lettre, solliciter de votre haute bienveillance une intervention rapide dans un litige qui risque de nous sevrer de notre terrain de sports au profit d’un homme riche.
En effet, Excellence Monsieur le Président, le terrain en question est situé à Badalabougou, au bord du fleuve, à quelques cent mètres à l’ouest du Palais de la culture Amadou Hampaté Bah. Donc, dans un domaine juridiquement inaliénable puisque relevant de la corniche. Depuis près de trente ans, la jeunesse de Badalabougou et de la Sema I occupent et entretiennent régulièrement ce terrain pour ses pratiques sportives, à la joie, vous l’imaginez aisément, de toutes les populations des deux quartiers. Excellence Monsieur le Président, le terrain en litige est donc pour nous, jeunes des deux quartiers, un précieux lieu de divertissement et d’épanouissement physique. D’ailleurs, il n’en existe pas d’autres pour nous.
A coté, un village de pécheurs campe au bord du fleuve et cherche seulement à survivre.
Curieusement, le fameux richissime, prétendument propriétaire à l’insu de tout le monde, s’est pointé dans ces dernier temps, nous signalant qu’il aurait acheté notre terrain de sports depuis belle lurette et qu’il veut qu’on libère les lieux. Il détient certains papiers, qui sont pour le moins douteux, comme titre foncier du terrain. Mais nous, jeunesse, et les pécheurs ne sommes pas prêts à céder le terrain.
Soutenu par le Tribunal de la commune V, la police et autres autorités, l’homme en question veut nous déguerpir du terrain malgré l’appel que nous avons interjeté contre la décision du Tribunal de la commune V.
C’est pourquoi nous vous demandons d’intervenir, Excellence Monsieur le Président de la République, au nom de votre politique de sauvegarde des espaces sportifs et pour aider la jeunesse et les autres occupants dans ce combat afin d’éviter les échauffourées entre la jeunesse et les forces de l’ordre et, surtout, pour éviter le pire qui risque d’arriver si rien n’est fait.
Dans l’attente d’une suite favorable, veuillez agréer, Excellence Monsieur le Président de la République, l’expression de notre profonde gratitude.
Sentiments sportifs
Ampliations
– Ministre des sports…………………1
– Gouverneur du District…………….1
Bamako, le 18 /01/2011
Le Président
P/O Le Secrétaire Général
Massa Coulibaly.