Il fallait attendre la fin du 18e siècle pour que le terme idéologie soit utilisé pour la première fois. Dans son essence originelle, l’idéologie vise en tant que science générale des idées et des lois, l’objectivité et l’exactitude du raisonnement. L’économie, qui amorça son indépendance vis-à-vis de la philosophie à la même période, n’a point hésité de s’appuyer sur cet usage positif de l’idéologie. Chemin faisant, l’économie est devenue dorénavant à juste titre une science d’idéologies par excellence.
Economie : deux principales idéologies
Quels rôles économiques un Etat doit-il jouer ? La réponse que peuvent donner les économistes à cette interrogation conduit à étaler au grand jour le clivage idéologique qui existe entre les orthodoxes et les hétérodoxes.
Pour les premières cités, un Etat doit se limiter aux fonctions régaliennes (la défense, la sécurité et la justice) et les grandes infrastructures telles que les routes. Les seconds recommandent sans ambages qu’en plus de ses fonctions régaliennes et tutélaires un Etat doit aussi être vendeur de biens et services.
Ces deux approches idéologiques vont conduire dans le temps en termes de fonctionnements des économies modernes à un intervalle fermé partant du communisme au libertarianisme. Ce continuum va donc permettre d’asseoir une myriade de positionnements idéologiques cherchant à expliquer l’implication d’un Etat dans les activités économiques. Si le communisme prône le TOUT Etat (employeur et producteur) ; le libertarianisme dans sa version extrême défend une totale absence de l’Etat au profit des initiatives individuelles.
Entre ces deux positions extrêmes prennent place des structures d’économies mixtes dans les différents pays du monde. Un observateur attentif des différents pays du globe arriverait sans difficulté au constat que ces derniers font dans des proportions différentes de savants mélanges des préceptes des deux idéologies extrêmes.
Ce qui conduit dans les faits à des pays plus libéraux sur le plan économiques (comme les Etats-Unis) et d’autres plus interventionnistes à l’image de la Chine. Une chose demeure patente en ce début de 2025 : aucun pays du globe n’est positionné exactement soit à gauche de l’intervalle soit à droite de celui-ci. Donc, les préceptes de l’économie mixte ont la côte.
Le Mali : entre gauche et droite
La République du Mali a été positionnée à l’extrême gauche de l’intervalle fermé par les pères fondateurs. Ce positionnement était aligné sur celui des bolcheviks arrivés au pouvoir en Russie en février 1917. Le Mali a nagé petit à petit vers la droite du continuum à partir du début des années 1970.
Ce basculement a atteint son épilogue au début des années 1990. Le Mali entrait de plain-pied à partir de cette date dans l’application des préceptes de l’économie mixte avec un marquage plus à droite de l’intervalle fermé. Ce marquage se caractérisait par la primauté du marché sur l’implication de l’Etat dans les activités économiques.
Ces derniers mois, à travers trois (3) actes majeurs, la montée en puissance d’un Etat producteur devient de plus en plus marquée au Mali. Ces actes sont-ils des signes précurseurs d’un basculement de l’idéologie économique au Mali vers la gauche du continuum ?
Les nostalgiques du bolchevisme sont dithyrambiques face à cette montée en puissance de l’Etat malien dans les activités économiques. Ils demandent même plus de la part de l’Etat malien. Ils espèrent sur l’établissement de plus de justice sociale dans le pays par le truchement de l’avènement d’un Etat beaucoup plus impliqué dans les activités économiques. Mais est-ce que l’avènement d’un Etat producteur de biens et services au Mali peut-il rétablir une vraie justice sociale ? Ma réponse est non !
Si les politiques économiques orientées vers la gauche de notre continuum sont censées assurer plus de justice sociale que celles de droites – supposées conduire à plus d’inégalités – la non prise en compte du contexte économique de chaque pays peut conduire à des sophismes. Car sous la plume Karl Polanyi, je retiens qu’une économie ne doit pas être considérée comme désencastrée de son contexte social.
Le Mali est une république. A la suite de Montesquieu, je soutiens que le principal ressort d’une république est la vertu que je définis comme l’engagement qui pousse un décideur à voir son intérêt personnel dans l’intérêt collectif. Le manque d’un tel engagement chez les décideurs ruine carrément tous les supposés bienfaits attribués aux politiques économiques de gauche.
Dans un contexte de manque de vertu, toute tentative de l’Etat visant à être producteur de biens et services ne peut que produire les effets contraires ; à savoir : le creusement des inégalités (car ceux qui se trouveront au bon moment et au bon endroit se sucreront) ; un appauvrissement général de la population et avec en prime un risque important de disparition de toutes les activités contrôlées majoritairement par l’Etat.
D’aucuns peuvent rétorquer à ma présentation en soutenant que dans tel pays X, c’est l’Etat qui fournit tel bien ou service Y, et pourtant, ça marché là-bas tout en garantissant un niveau important de justice sociale ! Je réponds à ce type d’intervention simplement en disant que les pays ne se valent pas !
Si l’avènement de l’Etat producteur est problématique surtout dans les pays en panne de vertu, pour les raisons déjà évoquées, il faut obligatoirement renforcer l’absence de l’Etat dans la production des biens et services tout en encourageant la présence des entreprises privées dans ce domaine. Pourquoi ?
Il est vrai, qu’une telle orientation pourrait conduire à une exacerbation des inégalités mais elle a le vibrant mérite d’augmenter la richesse collective. Cette idéologie met au cœur du fonctionnement des activités économiques les incitations individuelles. Ce qui va permettre in fine de canaliser dans le sens collectif les intérêts individuels. Une fois que la richesse est créée, l’Etat pourrait à travers une fiscalité bien calibrée passer à la caisse pour rétablir plus de justice sociale.
Je pense sincèrement que dans un pays comme le Mali, en prenant en compte le contexte social, l’Etat aura beaucoup à gagner en intervenant moins dans les activités économiques qu’en voulant y être un acteur majeur. Si le secteur est jugé “stratégique”, le confier à des géants nationaux privés ne semblerait pas plus risqué que si c’est dans les girons de l’Etat. Car avant tout, “Les [H]ommes sont ce qu’ils sont, et ce qu’ils font c’est leur affaire”.
Madou Cissé FSEG
Madou nous avons besoin du système economique Chinois ou Russe car les autres types Americains, Français, Japonais, Australiens, Britaniques ont ete essayes et n’ ont pas marche!