L’extrémisme violent au cœur d’un échange entre écrivains, professeurs et étudiants : «Le Mali est un Etat faible», selon Nicolas Normand, ancien ambassadeur de la France au Mali

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L’institut Confucius de Badalabougou a servi de cadre d’échange entre écrivains, professeurs et étudiants, le samedi 22 février 2020. Le thème de la conférence/débat était : ” Quel avenir pour les groupes armés ? “. Le conférencier était Nicolas Normand, ancien ambassadeur de la France au Mali.

L’extrémisme violent est un problème qui se pose au Mali et dans la sous-région. Selon Nicolas Normand, ancien ambassadeur de la France au Mali, il y a trois catégories de groupes armés : les séparatistes, les extrémistes religieux et les conflits intercommunautaires qui sont responsables de beaucoup de violences et de morts dans la région.

“Je crois que la plupart des analystes sont d’accord pour considérer que les causes profondes de ces trois phénomènes sont liées à une absence relative de l’Etat sur une partie du territoire. Les populations se sont sentis abandonner, délaisser et des groupes armés se sont formés avec des motivations diverses, le narcotrafic, le séparatisme, le banditisme, l’extrémisme religieux, donc tous ceci peut se produire s’il n’y a pas de police, de justice, de gendarmerie et s’il n’y a pas d’armée et s’il n’y a pas non plus pour les jeunes des territoires de possibilité d’avenir, s’ils sont laissés dans une situation de désespoir”, a-t-il déclaré.

Il faut la présence de l’Etat sur le territoire et qu’il apporte des services aux populations. Parmi ces services, il y a la sécurité publique, l’éducation, la santé et l’emploi. “Ce n’est pas de la faute de la gouvernance, c’est parce que l’Etat central est un Etat faible. Et pourquoi il est faible, parce qu’il perçoit peu d’impôt et il perçoit peu d’impôt parce que la population est pauvre, mais aussi parce que le secteur informel est développé et ne paye pas beaucoup d’impôts, donc il n’y a pas de quoi payer la justice, la police, la gendarmerie et l’armée et les bailleurs de fonds. L’aide au développement s’est désintéressé de ces questions”, a indiqué le conférencier, avant d’ajouter que l’Etat n’est plus en mesure d’assurer ces fonctions et qu’en ce moment, les groupes armés restent et développent. Et la situation dégénère.

S’agissant de la tactique française au Mali, Son Excellence dira que la France avait fait une erreur en s’appuyant sur un groupe particulier avec Serval en 2013 qui était le Mnla : “Ce n’était pas une volonté d’appuyer le séparatisme, c’était que le Mnla prétendait être le seul capable sur place de combattre le djihadisme et que l’armée française avait besoin des gens sur place qui connaissaient le terrain. Les Français se sont rendu compte de leur erreur. Ils se sont ensuite associés au Msa et au Gatia. C’était une autre erreur. Ils s’en sont rendu compte et aujourd’hui ne s’associent pas à des groupes particuliers qui défendent des agendas particuliers, communautaires, parce que l’Etat et l’armée française doivent être au service de l’Etat, doivent rester dans l’impartialité. Ils ne doivent donc pas exploiter des conflits intercommunautaires qu’ils soient séparatistes ou simplement intercommunautaires. L’armée, qu’elle soit française ou malienne, doit s’assurer que l’extrémisme violent, quelle que soit sa motivation, sa cause ou son origine, cesse d’imposer la terreur aux populations. Il faut que l’ordre public soit restauré pour que les populations vivent en paix, en tranquillité”, a-t-il poursuivi.

Des erreurs ont pu être commises dans le passé y compris par la France. Aujourd’hui, ces erreurs sont reconnues et ne seront plus faites. Le conférencier rassure qu’il n’y a aujourd’hui aucun appui français à la CMA ni a aucun particulier encore moins à tel ou tel groupe armé. La France est plutôt en appui à l’Etat malien, a martelé Nicolas Normand, ancien ambassadeur de la France au Mali.

Parlant du sentiment antifrançais qui anime les uns et les autres, Nicolas Normand croit qu’il n’y a pas ce sentiment antifrançais dans les zones qui sont sous la pression des djihadistes, mais que ces gens sont plutôt contents que Barkhane puisse les défendre. “C’est une question de survie et il y a beaucoup de gens qui sont menacés, beaucoup de chefs traditionnels, de chefs de villages, et d’autorités locales et même des simples citoyens qui sont assassinés. Je ne dis pas que Barkhane est en mesure de tous les protéger, malheureusement, mais c’est quand même une protection.

Si Barkhane n’était pas là, beaucoup de villes au Mali dans le nord et dans le centre risqueraient de tomber aux mains des groupes terroristes, aux mains des groupes extrémistes violents. Barkhane protège au moins ces villes et essaye de protéger les zones rurales donc il n’y a pas de sentiment antifrançais si les gens réalisent ces situations”, a-t-il laissé entendre.

Pour Bamako, il pense que ça peut être différent parce qu’il y a toujours une minorité d’activistes. Nicolas Normand, ancien ambassadeur de la France au Mali, pense que c’est un peu humiliant que ce soit une armée étrangère qui se substitue en quelque sorte aux moyens nationaux pour défendre la patrie et que c’est pour cela que l’armée française n’a pas vocation de rester ici.

Quant au G5-Sahel, Son Excellence pense qu’il faudrait qu’il devienne plus efficace, plus opérationnel. Ce qui est difficile pour plusieurs raisons. “Les différentes armées nationales sont des armées faibles, donc mettre ensemble plusieurs faiblesses ne constituent pas une force. Il faut renforcer ces armées nationales. Ça peut se faire à travers le G5-Sahel ou, bilatéralement, mais je crois que les pays occidentaux ont compris qu’il y avait une faiblesse militaire et qu’il était mieux que les armées coopèrent entre elles dans la région. Mais cela ne suffisait pas, il fallait les équiper, leur donner des moyens, les aider techniquement et s’associer avec elles. Peut-être que certaines technologies de renseignements ou de logistiques ou d’armement peuvent être complémentaires aux armées nationales qui constituent le G5-Sahel”, a-t-il conclu.

Aux dires de Idrissa Soïba Traoré, Recteur de l’Université des Lettres et des Sciences humaines de Bamako (Ulshb), nos universités sont peu impliquées dans les questions de crises. Non pas parce qu’on ne les consulte pas, mais parce qu’elles sont restées en marge de tout ce qui se passe autour de ces questions. Alors que, souvent, faire appel à des écrivains ou à d’autres personnes qui ont mené des enquêtes à l’Université permet aux étudiants et aux professeurs d’échanger des expériences.

                             Marie DEMBELE

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