Hériter de la femme de son défunt frère n’est pas le fort de certaines personnes. Mais, souvent, le sort en décide autrement.
Lassine Traoré vit avec sa famille à la Cité Unicef. Agé de 29 ans, il est gérant d’une boulangerie. Sa vie de couple était un modèle de réussite jusqu’à ce jour fatidique du 24 juin 2005 où son frère a été arraché à l’affection de tous.
Après le temps de veuvage de ses épouses, ses parents, venus du village, ont décidé de lui donner en mariage la première épouse du défunt, originaire elle aussi du même village, la deuxième ayant été simplement libérée.
Coup de théâtre pour un jeune homme qui ne s’attendait pas du tout à un tel bouleversement. « Ma première réaction ? Je suis resté bouche bée, je ne sais combien de temps quand le messager du village m’a fait part de la nouvelle. Mais très vite, je me suis ressaisi car je ne voulais pas frustrer les sages du village. J’ai alors accepté Nabintou avec les trois enfants », témoigne-t-il.
A la question de savoir s’il mesurait toutes les conséquences de sa décision, le jeune homme fait comprendre qu’il n’avait pas le choix. « Chez nous, si les sages te disent igname et si tu répliques par manioc, tu vas le croquer loin. Après tout, mon frère n’est pas mort d’une maladie transmissible. Il était hypertendu et Nabintou aussi était consentante. Je craignais qu’il me donne sa 2e épouse aussi avec qui je n’ai jamais soufflé dans la même trompette ».
Monogame avec deux gosses, Lassine s’est alors retrouvé, du jour au lendemain, avec deux femmes et cinq enfants. Heureusement, pour lui, son frère avait bâti une fortune avec des entreprises dont il est devenu le gérant. « C’est lui qui m’a fait venir du village pour qu’on travaille ensemble. Et on a toujours marché ensemble. Donc, je gère ses biens pour nos enfants », dit-il. En famille, Lassine reconnaît avoir traversé, au début, des moments difficiles avec sa première épouse. Celle-ci ne voulait pas d’une co-épouse et de surcroît une veuve. « Avec le temps et avec la sagesse, le respect, la gentillesse de Nabintou envers elle, elle a fini par comprendre qu’elle se trompait de combat. Aujourd’hui, elles sont les meilleures amies du monde », se réjouit l’héritier.
Si ce jeune est arrivé à s’en sortir, tel n’est pas le cas pour nombre d’héritiers de femmes qui voient leurs foyers voler en éclats. C’est pourquoi d’ailleurs, la pratique tend de plus en plus à disparaître.
S. Y. D.
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