Les syndicats de la justice face à la presse: «Non aux immixtions du Garde des Sceaux dans les affaires de la justice»

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Ministre malien de la Justice, Garde des sceaux, M.Mohamed Ali Bathily
Ministre malien de la Justice, Garde des sceaux, M.Mohamed Ali Bathily

Les trois syndicats de la justice, le Syndicat autonome des magistrats (Sam), le Syndicat libre de la magistrature (Sylima) et le Syndicat autonome des greffiers, des secrétaires de Greffe et parquiers (Synag), étaient face à la presse, le samedi 1er mars 2014, à la Maison de la Presse. Objectif: mettre les choses dans leur contexte réel. Les débats étaient animés par le Président du Sylima,  Adama Yoro Sidibé, assisté du Président du Sam, Issa Traoré et du Président du Synag, Adia Djioumanssy

 

 

Le Président du SAM, dans son introduction, a déclaré d’emblée que c’était dans le cadre de la concertation des syndicats de la Justice qu’ils avaient bien voulu s’ouvrir à la presse, afin de mettre les choses dans leur contexte réel et pour que l’opinion publique puisse savoir ce que les magistrats souffrent aujourd’hui. Il a cité en exemple les immixtions du ministre, Garde des sceaux dans les affaires de la justice.

 

 

 

Le Président du Synag, pour sa part, a tout d’abord souligné que c’était une première au Mali que de voir tous les syndicats de la justice face à la presse. Avant d’énumérer  les revendications catégorielles de son syndicat, déposées depuis le 6 février 2007. Il s’agit entre autres de la réouverture de la passe réelle entre greffiers et magistrats, d’attributions de parcelles, de traitement salarial, de formation des greffiers et de l’allocation d’une indemnité spéciale.

 

 

 

Le Président du Sylima a, quant à lui, présenté de façon plus précise les points d’insatisfaction des magistrats depuis 2007. Il a aussi profité de l’occasion pour donner la position des syndicats de la justice relative aux questions d’actualité dans la famille judiciaire. Il a précisé que les préoccupations du Sylima et du Synag se trouvent sur la table du gouvernement depuis 2007, et qu’à cause du contexte multiforme qui prévalait, les deux syndicats avaient décidé de surseoir aux revendications contenues dans leurs cahiers de doléances.

 

 

Concernant la relecture des textes, Adama Yoro Diakité a déclaré que les magistrats estiment que l’Etat du Mali doit intégrer les évolutions du temps et s’inscrire dans la dynamique tendant à faire de la magistrature un véritable pouvoir. Avant d’appeler à un véritable débat impliquant au premier chef, les divers acteurs.

 

 

En ce qui concerne les questions d’actualité, Adama Yoro Diakité a déclaré que depuis l’arrivée aux affaires du nouveau Garde des sceaux, le monde judiciaire connait une brusque montée de fièvre. On ne cesse de clamer qu’il s’agit là de la mise en œuvre d’une politique hardie de lutte contre l’impunité, la corruption et la mal gouvernance. Vivement, si c’est de cela qu’il s’agit, car le Mali ne peut s’offrir le luxe de perdurer dans le laxisme, a-t-il renchéri.

 

 

 

Avant d’ajouter «cependant, certaines méthodes, peu orthodoxes, que nous observons malheureusement dans le traitement de certains dossiers impliquant les magistrats  et cette avalanche de mots assez durs dans les médiats nous laissent perplexes». Les syndicats de la justice, dira Adama Yoro Diakité, au regard des dispositions pertinentes du Code de procédure pénale, expriment donc leur incompréhension relativement aux mandats de dépôt délivrés contre  leurs camarades.

 

 

«Suivant notre lecture du droit des articles 122 et 123, les mandats de dépôt ne s’imposent pas». Quant au non respect de la présomption d’innocence, les syndicats de la justice invitent le Garde des sceaux à respecter la présomption d’innocence dont bénéficient leurs camarades lorsqu’il est amené à parler d’eux

 

 

Les syndicats de la justice regrettent vivement la non-tenue à date de la 1ère session des Assises. Au temps du ministre Malick Coulibaly,  regrettent-ils, le Mali s’est inscrit dans la tradition des bonnes pratiques en matière criminelle. La présomption d’innocence intègre la célérité dans le traitement des dossiers judiciaires. Si la session de la Cour d’assises s’était tenue à la date prévue, aujourd’hui, certainement un innocent aurait recouvré sa liberté, son honneur et sa dignité.

 

 

Les syndicats de la justice déplorent également le ton va-t-en guerre du Garde des sceaux à chaque fois qu’il fait une sortie dans les médiats. Comme lorsqu’il dénonçait le laxisme dans l’affaire Adama Sangaré, propos reproduits dans le journal Le Sphinx, «mardi, je ne voudrais pas que le Procureur qui est en charge de son dossier me dise qu’il n’est pas en prison, ou c’est le procureur qui y ira pour recel de délinquants. C’est moi qui le ferai poursuivre pour recel de délinquant et lui, il ira. C’est clair». Et, plus loin «j’ai demandé que la Sécurité d’Etat surveille tout magistrat en charge des dossiers». Nous disons oui à l’assainissement de la justice, mais halte à la gestapo, disent les syndicalistes.

 

 

Ils demandent au ministre de la Justice d’intégrer la règle de l’indépendance du pouvoir judiciaire vis-à-vis de l’Exécutif, en parlant de ses membres devant les partenaires étrangers. En allant déclarer à Bruxelles qu’il avait fait mettre des magistrats en prison, il a créé le trouble chez ses interlocuteurs et desservi le Mali. Car ceux-ci se diront: «au Mali, un Ministre fait mettre quelqu’un en prison! La justice n’est donc pas indépendante».

 

 

Enfin, les syndicats de la justice déplorent le fait que leur ministre tienne des propos inexact quand il affirme qu’à chaque fois qu’on touche à un magistrat, ce sont des menaces de grève. Réagissant aux questions, Adama Yoro a répondu : «il e nous ’appartient pas de choisir un ministre, mais l’Etat c’est nous tous».

Pour sa réaction, Issa Traoré affirmera: «c’est à cause des sorties intempestives du ministre de la Justice que nous en sommes là aujourd’hui. Maintenant, c’est coup pour coup». Parlant des retrouvailles entre le Sam et le Sylima, Adama Yoro Diakité dira: «nous avons décidé de travailler ensemble».

 

 

Pierre Fo’o Medjo

 

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